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rebelle aux pieds d'un Maître offenfé. 1543. La perte du refte de fes Etats pouvoit à peine entrer en paralléle avec l'indigne humiliation à laquelle il fe foumit. Il parut devant l'Empereur en habit de fimple Gentilhomme nue tête, le genou en

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terre, humble dans fa contenance,

humble dans fes difcours » Je Mém. de đu » viens, lui dit-il, recevoir ou de Bellay, 1. 15. » votre colere le châtiment qui m'est » dû, ou de votre clémence la grace » dont je fuis indigne. » Qu'eût pu dire de plus un foldat Autrichien condamné à mort pour trahifon ou pour révolte ? L'Empereur le regardant d'un œil févere & dédaigneux: » J'ai pitié, lui dit-il, de votre » humiliation. Foible & coupable » ennemi, vous faites bien d'implo»rer ma clémence, elle feule peut » vous défendre aujourd'hui, mais » fçachez qu'elle eft enchaînée par » le ferment que vous m'avez forcé » de faire en présence de tous mes Officiers de ne vous pardonner jamais. L'infolence avec laquelle Vous avez bravé la Majefté de

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1543. l'Empire, m'a arraché ce fer»ment jufte & terrible. Jai dû le » faire, je devrois le remplir, mais » votre heureux deftin vous donne » pour Juge un Prince qui aime » mieux manquer à fa juftice qu'à » fa clémence. >>

Sleidan,

1. 15.

Cette clémence, fi ç'en fut une, Commentar. fut bien vindicative ou bien intéreffée, il fallut l'acheter bien cher. Le Duc non-feulement abandonna toute prétention fur le Duché de Gueldres, mais s'engagea à fe dépouiller lui-même par les armes du peu qui lui reftoit dans ce Duché, à réduire ceux de ses sujets qui s'obstineroient encore à lui garder leur foi dans la Gueldres, à remettre fous l'obéiffance de l'Empereur jufqu'à la moindre place, jufqu'au "moindre Château de ce Duché ; il jura lui-même obéiffance & fidélité à l'Empire, mais fur-tout à l'Empereur & même au Roi des Romains; il abjura l'alliance des François & toute autre alliance ou Ligue. qu'il pouvoit avoir faite au préjudice de l'Empire, c'est-à-dire de

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P'Empereur; il promit de n'en plus faire d'aucune efpéce fans la permiffion de l'Empereur & du Roi des Romains, & fans les y comprendre. L'Empereur étendit fon defpotifme jufques fur la foi du Duc de Cleves; il lui ordonna de profeffer & de faire profeffer la Religion Catholique dans les Etats qu'il lui laiffoit & d'effacer jufqu'aux moindres traces que la réforme avoit pû y laiffer.

,

1543.

Pour garantie de toutes ces promeffes, le Duc remit pour dix ans, c'eft-à-dire pour toujours, à l'Empereur & au Roi des Romains les fortereffes de Heinfberg & de Sittard, entre le Duché de Gueldres & celui de Juliers; pour comble d'opprobre il joignit fes troupes à celles de l'Empereur contre François I; il devint l'ami de fes ennemis, l'ennemi de fes amis. Le tout Mém. de du s'appella un traité de paix, ce fut Bellay, 1. 10. le 7 Septembre que le Duc de Cleves confentit ainfi à figner fon deshonneur & fa perte, au moment même où François I. empreflé à

le défendre & ayant renverfé les 543 barrieres qui s'oppofoient à leur jonction, accouroit en perfonne à fon fecours & avoit déjà prefque fait pénétrer jufqu'à lui l'Amiral d'Annebaut avec un corps de troupes fuffifant pour arrêter les progrès de l'Empereur. Il falloit que le Duc de Cleves fe fentit bien accablé pour le foumettre à une telle humiliation prefque fous les yeux de fou défenfeur; c'étoit à lui fans doute à juger de l'état où il étoit réduit, mais que pouvoit-il lui arriver de plus dur que l'indigne efclavage qu'il fubiffoit ?

Ce fut une mortification fenfible pour le Roi que certe défection de fon allié, qui fembloit accufer sa lenteur à le fecourir & qui décréditoit fon alliance.

Le Roi fé croyant à la veille de joindre le Duc de Cleves, avoiť mandé Jeanne d'Albret fa niéce, pour la remettre lui-même à fon mari. Cette jeune Princeffe accoutumée aux délices de la Cour de France, prévenue contre la rudeffe

de l'Allemagne, s'avançoit trifte-
ment fous la conduite du Cardinal
du Bellay, regrettant fa patrie,
redoutant le féjour qu'elle alloit
chercher, aimant peu le mari qu'elle
alloit trouver, elle obéiffoit & gé-
miffoit, on n'y prenoit pas garde;
à peine eft elle arrivée à Soiffons
qu
qu'on apprend la défection du Duc
de Cleves; ce fut une nouvelle
heureuse pour elle, tout changea,
les révolutions de la politique per
mirent d'écouter la nature,
trouva bon que la Princeffe pro-

on

teftât contre la violence qu'elle avoit

éprouvée, & lorfque le Duc de Cleves écrivit au Roi pour demander fa femme, on ne lui répondit qu'en lui envoyant ces proteftations, ainfi qu'à l'Empereur, qui dans la fuite lui fit époufer Marie fa niéce, fille du Roi des Romains, mais ce ne fut qu'en 1546. lorfque le Duc de Cleves par fa foumiffion & par fes fervices eut fuffifamment expié à fes yeux le crime de fa rebellion.

t

L'Empereur fouvent incapable

1543

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