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gards. Né, élevé comme lui, dans l'obfcurité d'un petit bourg & chez des parens pauvres, il les quitta comme lui par un de ces coups du hazard, qui quelquefois déterminent un caractère & décident du fort de la vie. Un fimple caporal, paffant par le bourg de Paulin, lui trouva, autant qu'il pouvoit en juger, de l'efprit & une phyfionomie heureuse, il le demanda à fon pere, offrant à cet enfant la fortune qu'un caporal pouvoit lui faire, c'eft-àdire de le prendre pour goujat; le pere ne voulant pas s'en priver, le refufa, mais l'étoile du jeune Paulin en décida autrement; le goût des armes vint le faifir, il quitte fon pere, fuit le caporal, le fert deux ans en qualité de goujat, devient Arquebufier, Enfeigne, Lieutenant, Capitaine, toujours brave, toujours diftingué par les talens de la guerre dans tous ces emplois fubalternes.

Langei, cet homme fi profond dans l'art de connoftre les hommes, démêla en lui de plus grands talens encore pour la négociation, il

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l'annonça à François I. comme le fujet le plus propre à braver les périls & à vaincre les difficultés des deux délicates Ambaffades de Venife & de Conftantinople. Il évita aifément le poignard de du Guaft qui vraisemblablement même n'ofa pas répétér fon crime; mais il courut d'autres dangers à Conftantinople, où le droit des gens, alors foiblement refpecté, fuffifoit à peine pour contenir la fureur de Soliman II. La conduite du Roi avoit révolté ce fier Sultan, il regardoit Paulin comme un artifan de fraude qui venoit le tromper; il ne doutoit point de la réconciliation des deux Princes, & il fut long-temps fans vouloir rien entendre fur cet arti cle, regardant comme indigne de lui de démêler tous ces petits artifices qu'il abandonnoit, difoit-il, à la politique des Chrétiens; fes Miniftres, fes Bachas traitoient Pau lin avec encore plus de dureté. Les intrigues fecrettes de l'Empereur pénétroient jufqu'à la Porte & y pourfuivoient l'Ambaf

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fadeur François ; mais celui-ci fçut employer avec tant de fupériorité les reffources de la patience, de la pénétration, de la fermeté, de l'ac- Belcar. lib. tivité, de la vérité; il parla fi élo- 23. n. 23. quemment, il agit fi habilement, qu'il détruifit tous les préjugés & diffipa tous les nuages. Il mit dans fes intérêts l'Aga des Janiffaires; il parvint enfin à fe faire entendre, croire & goûter de Soliman luimême; il eut avec lui des entretiens fréquens, il fe rendit agréable, il devint prefque un Favori, enfin il obtint tout ce qu'il voulut. Barberouffe eut ordre de le fuivre de léir en tout, de ne faire la guerre que felon fes confeils article délicat & important, qui prouve avec quelle dextérité Paulin avoit fçu manier l'efprit de Soliman & avec quel courage il lui avoit montré la vérité; car après les mo▾ tifs de religion rien n'avoit tant .contribué à nourrir cette horreur univerfelle des Chrétiens pour les Turcs, que la maniere odieuse & inhumaine dont ceux-ci faifoient

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la guerre, que cet usage barbare de brûler, de ravager tout fur les terres des Chrétiens & de réduire les prifonniers en efclavage. François I. en recherchant enfin ou vertement l'alliance Ottomane, vouloit la juftifier en accoutumant fes nouveaux alliés à refpecter da vantage le droit des gens & de l'humanité, à faire la guerre comme l'EuBellay, 1.9. rope Chrétienne étoit convenue de la faire. Par-là il détruifoit du moins les feuls reproches raifonnables qu'on pût lui faire fur cette alliance.

Mém. de du

Belcar. 1. 23.
2-20

Paulin négocia auffi à Venife en allant à Conftantinople & en revenant; il peignit fortemau Sénat l'oppreffion, la fervitude & la mifere de l'Italie fous la Puiffance accablante de l'Empereur ; il profita de toutes les circonftances, de toutes les femences de divifion qu'il trouva répandues entre la Répu blique de Venife & la Maison d'Àutriche; il rappella toutes les vio lences, toutes les fraudes de l'Empereur & de fes Miniftres, les Ambaffadeurs affaffinés, les traités

rompus & l'Empereur trouvé infidéle dans toutes fes promeffes; il fit voir combien on pouvoit compter plus sûrement & fur la parole & fur l'humanité des Turcs; il ne tint pas à lui que les Vénitiens n'entraffent dans une ligue avec les François & les Turcs contre la Maifon d'Autriche ; il offrit à ce prix au nom du Roi de remettre la fortereffe de Marano entre les mains de la République. Ce projet de triple alliance plaifoit fort à Soliman, & il auroit pû réuffir, fi le Chiaoux Jumufbey, qui avoit ordre de feconder Paulin dans cette négociation, ne fe fût laiffé corrom→ pre par les Emiffaires de la Maifon d'Autriche, & n'eût traversé les vues de Paulin.

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Mém. de du

L'unique, mais très-utile réfultat de fa double Ambaffade fut la que 'Bellay, 1. 9, flotte Ottomane, compofée de cent & 10. dix galeres & commandée par Barberouffe, fit voile vers les côtes de Provence, & vint fe joindre à celle que les François avoient fur ces mêmes côtes. Ainfi on vit figurer

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