Imágenes de páginas
PDF
EPUB

rignan la communication des places 1544 d'en deçà du Pô, alla camper à Vimeux & fit fortifier le petit pofte de S. Martin fur le chemin de Pantcallier, au Sud-Ouest de Carignan, en deçà du Pô.

Du Guaft avoit pris trop de peine à fortifier Carignan, & fentoit trop l'importance de cette place pour fouffrir quelle lui fût enlevée; il alla raffembler fes forces à Quiers, dans l'intention de ravitailler Carignan à quelque prix que ce pût être.

A cette nouvelle le Comte d'Anguien après avoir laiffé une garnison. fuffifante au pofte de Vimeux qu'il abandonnoit, paffa le Pô fur un pont de bateaux qu'il fit conftruire entre Carignan & Montcallier dans un lieu nommé les Sablons, & alla à Villedeftellon

camper

[ocr errors]

entre

Quiers & Carignan, coupant abfolument cette communication, tan

dis que Villeneuve dont les Fran- Mém. de div çois étoient auffi les maîtres, cou- Bellay, 1. 10.. poit celle d'Aft.

Du Guaft étendit alors un peu davantage fon projet, & conçut.

1544.

un très-beau plan, celui d'aller paffer le Pô près de Carmagnole au-deffus de Carignan, d'ouvrir entiérement à Carignan la communication du Marquifat de Saluces, pays le plus fertile d'où cette place pût recevoir des vivres, & d'enfermer les François au-delà du Pô dans un pays depuis long-temps ruiné, où d'ailleurs ils feroient preffés & affamés par les garnifons de Quiers, d'Aft, de Montdovi, de Coni, de Foffan & d'une multitude d'autres places.

Le Comte d'Angujen fentit le danger, prévint le Marquis & alla s'emparer lui-même de Carmagnole; ces deux Généraux fçavoient fe deviner & fe prévenir. L'oppofition aiguifoit leur génie, développoit leurs talens, étendoit leurs lumieres.

Cette manœuvre du Comte achevant de refferrer les affiégés, ils commencerent à fixer des termes au-delà desquels ils déclaroient que Carignan feroit forcé de capituler. Du Guaft à ce mot réfolut plus que

jamais de tout rifquer pour les fe

courir.

[ocr errors]

Tous ces mouvemens fembloient annoncer une bataille prochaine ; le Comte d'Anguien la defiroit mais il y voyoit deux difficultés ; la premiere qu'il ne fçavoit fi le Roi approuveroit qu'il en courût les rifques; la feconde qu'il étoit dû trois mois de folde à l'infanterie, & que les Suiffes & les autres troupes étrangeres n'étant point payées, il étoit à craindre que quelque mutinerie de leur part ne troublât les difpofitions d'une bataille.

1544.

de Blaife de

Le Comte d'Anguien dépêcha Comment. Montluc (1) en diligence pour ex- Montluc. poser au Roi la fituation des affaires, lui demander de l'argent & la permiffion de combattre. Montluc s'eft plû à décrire dans fes Mémoires les particularités intéreffan

(1) Blaife de Montluc, Auteur des Commentaires, fervit fous cinq Rois, il étoit au combat de la Bicoque fous François I. & au fiége de la Rochelle feus Henri III. Ce dernier Roi le fit Maréchal de France; il porta les armes près de

60 ans.

tes de fon voyage à la Cour. Le 1544 Roi voulut qu'il affiftât au Confeil, où la propofition d'une bataille fut affez généralement rejettée. Montluc étoit obligé de garder le filence, mais fa figure, fa contenance, fes geftes parloient; tout en lui exprimoit l'impatience & le mécontentement. Le Roi voyant la violence qu'il fe faifoit, lui permit de parler. Montluc peignant alors avec une gaité audacieufe & gafconne la valeur des troupes, les talens du Général, l'ardeur des foldats, mit tant de feu dans fes difcours, dans fes mouvemens dans fes geftes, qu'il fembloit être fur le champ de bataille, au milieu du carnage, aflurant la victoire poursuivant les vaincus. Le Roi qui d'abord fourioit de fon enthoufiasme, finit par le partager. Un tableau riant de gloire & de fuccès vint faisir son imagination & flatter fes espérances; le Comte de S. Pol le voyant ébranlé, lui dit : » Sire, » changeriez-vous d'opinion pour les vaines déclamations de ce fol enragé ?

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

ככ

» Ce fou, répondit le Roi, dit des 1544 chofes fort fages & fes raisons mé»ritent d'être pefées. Avouez-le, Sire, >> dit l'Amiral, vous combattriez à » leur place, & vous voulez qu'ils >> combattent. J'ai commandé cette → armée d'Italie, je puis vous répon»dre de la valeur des foldats, vous Sçavez d'ailleurs de qui le fuccès dépend.» A ces mots le Roi leva les yeux au Ciel, joignit les mains & jettant avec transport fon bonnet fur la table qu'ils combattent, s'écria-t-il, qu'ils combattent. Le Comte de S. Pol voyant cet avis prévaloir, dit à Montluc» Fou enragé! tu »feras caufe aujourd'hui du plus grand bonheur ou du plus grand malheur. » Vous n'avez qu'un feul mot, répondit Montluc; fi nous perdons! >> mais pourquoi ne pas dire auffi : » fi nous gagnons! Nous gagnerons, >> affurez-vous que les premieres > nouvelles feront que nous les aurons. tous fricaffés, & en mangerons, £

[ocr errors]

ɔɔ nous voulons. »

On fent bien à ce ton qu'un tel enthousiaste ne pouvoit avoir per

« AnteriorContinuar »