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périaux contre l'aile gauche des
François. Celle-ci étoit compofée
d'Italiens, troupes toujours molles,
& de ces Gryeriens dont nous avons
parlé, qui d'un côté voyant avan-
cer contre eux les vieilles bandes
Efpagnoles & Allemandes, & de
l'autre voyant que l'armée Fran-
çoife avoit perdu une de fes batte-
ries, lâcherent pied, fans mêmẹ
attendre le moindre choc, le Comte
d'Anguien qui veilloit fur eux, s'y
étoit attendu, il vole à leur fecours
avec fa cavalerie, fond fur le ba
taillon des Espagnols & des Lanf-
quenets, le
perce dans toute fon
étendue ne doute pas qu'il ne
foit fuivi des Italiens & des Grye-
riens, jette un coup d'œil de leur
côté & voit avec autant de surprise
que d'indignation qu'à la réserve du
premier rang tout a fui fans re-
tour; il regarde du côté du corps
de bataille & de l'aile droite, il

,

ne voit plus rien il croit que tout a pris la fuite, il ignore fi c'est lâcheté ou trahifon, le défefpoir s'empare de lui, il fut prêt

cent fois de fe percer la gorge de
fon épée; enfin il crut devoir
chercher une mort plus funefte aux
ennemis, il s'élance
il s'élance au milieu
d'eux avec fon gros de cavalerie
qui avoit déjà beaucoup fouffert à la
premiere attaque, & qui étoit con-
fidérablement diminué. L'Infanterie
Efpagnole & Allemande n'ayant
point d'infanterie à combattre &
voyant qu'elle n'avoit en tête que
ce petit corps de cavalerie, l'en-
vironna de toutes parts & l'affoi-
blit toujours de plus en plus. Le
Comte d'Anguien réfolu de mourir,
revint plufieurs fois à la charge
quoiqu'il n'eût plus que cent che-
vaux avec lui, & qu'il eût affaire
à un corps de plus de quatre mille
piquiers foutenus par des Arquebu-
fiers. Enfin il fe préparoit à faire
une derniere charge dont il étoit
impoffible qu'il revînt
qu'il revînt, lorfqu'il
vit ce corps nombreux d'infanterie
où il alloit chercher la mort, d'a-
bord s'ébranler, puis plier, enfin
fe débander entiérement devant lui.
Il ne pouvoit concevoir d'où ve

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noit ce prodige; une feule circonftance qu'il avoit mal observée, expliquoit tout. De toute l'armée Françoise il n'y avoit que les Italiens & les Gryeriens qui euffent pris la fuite, & fi le Comte d'Anguien n'avoit plus vû fon corps de bataille ni fon aîle droite, c'étoit une colline placée entre lui & le refte de l'armée qui lui en déroboit la vue. On a déjà dit comment le corps de bataille des François avoit enfoncé les Lanfquenets Impériaux; l'aîle droite n'avoit pas moins bien fait, elle avoit romDu & renversé un gros de cavalerie Impériale fur l'infanterie du Prince de Salerne, qui faifoit l'aîle gauche des Impériaux, & le Prince de Salerne content de rétablir l'ordre dans le corps qui lui étoit confié, ne put être engagé par la défaite prefque entiere de l'armée Impériale à faire le moindre mouvement. Du Guaft lui avoit recommandé cette inaction au commencement de la bataille, parce qu'il comptoit affez peu fur ce corps

d'Italiens. Il oublia enfuite au milieu du tumulte de l'action & dans la déroute de fon armée la défenfe qu'il avoit faite au Prince de Salerne, ce fut là ce qui décida irrévocablement la victoire en faveur des François. Le corps du Prince de Salerne, qui eût pu renouveller le combat, & donner le temps aux autres corps de fe reformer, s'obstinant à refter immobile, fut dédaigné par les François ; ceux-ci réunirent toutes leurs forces contre l'infanterie Espagnole & Allemande, qui détruifoit la petite troupe du Comte d'Anguien; cette infanterie attaquée en queue & en flanc, tandis que la cavalerie du Comte d'Anguien, renforcée par quelques fecours, la chargeoit vigoureufement en tête, fut enfin obligée de céder, elle se retira dans les bois, où elle fut pourfuivie & taillée en piéces.

Le Comte d'Anguien ayant vụ S. André fondre fur un bataillon des ennemis avec quelque cavalerie, en voulut faire autant, quoiqu'il n'eût alors que fix chevaux avec

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lui; encore tout échauffé des mouvemens de cette périlleuse affaire, ayant pris goût aux dangers & ne croyant pas avoir encore affez de part à la victoire, il alloit fe précipiter au milieu des Efpagnols; un vieux Capitaine l'arrêta, Mon Prince, s'écria-t-il, » fouvenez-vous ›› de Ravenne & du Duc de Ne» mours, ne perdez pas comme lui » les fruits d'une fi belle victoire.. Vous avez raifon, dit le Comte, mais qu'on faffe donc retirer S. ›› André. »

Le Prince de Salerne reftoit toujours immobile fur le champ de bataille, attendant les ordres du Général pour le combat ou pour la retraite ; ces ordres ne vinrent point, & tous les différens corps de l'armée Françoife, délivrés de leurs ennemis, fe réuniffant pour l'envelopper & l'accabler, il fallut bien qu'il prit de lui-même l'ordre de la retraite, il la fit heureusement & avec peu de perte; mais le corps des Espagnols qui s'était retiré dans les bois, ne put y échapper à la

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