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fureur forcenée des Suiffes, qui se
rappellant l'attentat de Montdovi,
crioient Montdovi & vengeance, &
maffacroient fans pitié tous les Ef-
pagnols qui tomboient entre leurs
mains. Leur rage les alloit chercher
jufques dans les bras des François,
où ces malheureux fe refugioient,
demandant quartier & offrant des
rançons. C'étoit une leçon horrible
de ne point violer les traités. Mais
les hommes & fur-tout les Nations
profitent bien peu des leçons de
l'hiftoire.

Les deux grandes caufes de la
victoire de Cérifoles furent l'activité
du Comte d'Anguien & l'inaction
du Prince de Salerne.

Paul Jove dit que ce fut un effet de la vengeance divine, qui punif foit les Lanfquenets d'avoir joué aux dez fur les autels le jour de Pâques, veille de la bataille, mais les Efpagnols qui furent infiniment plus maltraités que les Lanfquenets, n'avoient point joué aux dez fur l'autel le jour de Pâques, il eft vrai qu'ils avoient égorgé les Suiffes malgré

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1544.

1544.

la capitulation de Montdovi, mais enfin Paul Jove a tort de recourir à un miracle pour expliquer la victoire des François.

Quant au Marquis du Guaft, fa conduite dans cette bataille est une efpéce de problême. Paul Jove, qui en fait fon héros, nous le repréfente au milieu du danger, bleffé au genou d'un coup d'arquebufe ayant fon cafque rompu d'un coup de maffe, mais il paroît par la plu part des autres relations qu'il ne donna point en tout, & qu'il fe retira fans avoir combattu. Avant la bataille il avoit dit aux bourgeois d'Aft:» Si je ne reviens pas » vainqueur, je vous défens de me

recevoir, fermez-moi les portes » de votre Ville. » Il avoit dit avant la campagne aux femmes de Milan Voyez-vous ces chaînes ? elles → vous rameneront liés ce petit fou » de Comte d'Anguien & tous ces » jeunes & jolis volontaires Fran

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çois ; les femmes avoient demandé grace pour le Comte d'Anguien dont on leur avoit vanté la

bonne mine. Le Marquis avoit réellement fait une provifion immenfe de 1544 chaînes pour lier les prifonniers François qu'il efpéroit faire, & qu'il fe propofoit, dit-on, d'envoyer aux galères, projet auffi infâme que cruel, qui lui fut imputé par les prifonniers de l'armée Impériale ; il est sûr que les François trouverent parmi le bagage des Impériaux plufieurs chariots chargés de chaînes.

Les habitans d'Aft obéirent ponctuellement au Marquis vaincu & lui fermerent leurs portes, il fut obligé de fuir jufqu'à Milan, où il étoit réduit à fe cacher, n'ofant paroître devant les femmes, qui le cherchoient pour lui demander l'emploi de fes chaînes & les jolis prifonniers qu'il leur avoit promis. Ces traits de préfomption confondue, font encore une leçon que l'histoire donne affez fréquemment, & toujours fans. fruit.

On prit aux Impériaux quatorze ou quinze piéces d'artillerie. On trouva parmi le bagage les piéces

1544.

du pont de bateaux, fur lequel ils avoient compté paffer le Pô, beaucoup de munitions & de bouche & de guerre, fept à huit mille cuiraffes. Le butin fut immenfe ; ils avoient laiffé dans leur camp plus de trois cent mille livres, tant en argent monnoyé qu'en vaiffelle. Le Comte d'Anguien envoya au Roi une montre de grand prix trouvée parmi les hardes du Marquis du Guaft. La Ducheffe de Nevers, (1) fœur du Comte d'Anguien, dit au Brant. Cap. Roi, en la lui présentant : » Pour » cette fois, Sire, nous ne vous » préfenterons point le Marquis du » Guaft, il s'eft fauvé très-leftement >> fur un beau cheval d'Efpagne » mais voici fa montre, qui n'étoit » pas apparemment fi bien montée » que lui. »

illuft. arc.

Anguien.

On porte le nombre des morts du côté des Impériaux à douze ou quinze mille hommes. Parmi les prifonniers, il y avoit deux mille cent

(1) François I. avoit érigé Nevers en Duche dès l'an 1538.

vingt Allemands & feulement fix cent trente Espagnols, à caufe de la boucherie que les Suiffes avoient faite de ceux-ci. Du nombre de ces derniers étoit Dom Raimond de Cardonne leur Chef, Mendoce & Charles de Gonzague. Madruce (1) qui commandoit les Allemands. avoit été trouvé parmi les morts couvert de bleffures, il fut porté à Turin où il guérit.

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La perte des François, chofe furprenante de l'aveu même de ceux qui l'ont ainfi évaluée, ne montoit pas à plus de deux cent hommes c'eft que le grand carnage des Impériaux s'étoit beaucoup moins fait dans la mêlée que dans la déroute, où l'acharnement des Suiffes le ren

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(1) Cet Alifprand Madruce, Mandruce ou Mandruzzo, avoit promis de dérruire les Suilles avec fa troupe. Il ne put pas même les attaquer. Dès le commencement de la bataille, il fit à la Mole, Capitaine François, un défi qui fut accepté; ils fe porterent l'un à l'autre de grands coups de lance dans le vifage, la Mole reçut le fien au-deflus de l'œil, Madruce eut la joue percée jufqu'à l'oreille, tous deux tomb rent las crut morts tous deux, la Mole feul en mourate

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