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lui alléguoit, il tâcha de croire que les pilotes faifoient le péril plus grand qu'il n'étoit ; il fe dit qu'ils parloient en pilotes & non en foldats; mais dans cette expédition, les foldats ne pouvoient rien fans les pilotes, & c'étoit fur-tout ceuxci qu'il falloit confulter. L'Amiral en envoya quelques-uns avec des Capitaines de vaiffeaux pour fonder le canal pendant la nuit, leur tapport ayant confirmé ce qui avoit été dit des difficultés invincibles de cette entreprise, il fallut abfolument y renoncer.

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On mit alors un autre objet en délibération. Devoit-on ramener la flotte en France ou fe fortifier dans l'Ifle de Wight? Maîtres de cette Ifle les François l'euffent bientôt été de Portsmouth, l'un des plus beaux ports de l'Angleterre, dont la poffeffion les eút rendus maîtres encore du trajet d'Angleterre en France; ç'eût été d'ailleurs avoir une clef de l'Angleterre comme l'Anglois en avoit une de la France; les garnifons de Wight

feroient dans les Provinces voisines des excurfions qui obligeroient les Anglois d'entretenir une armée de terre auffi bien qu'une de mer; on ne doutoit pas d'ailleurs que l'Ifle de Wight, bien cultivée, ne fournît à la fubfiftance des troupes nom breufes qu'il faudroit y entretenir.

Tels étoient ou pouvoient être les avantages. Voici les inconvé

niens.

La conquête de Portsmouth n'ét toit pas faite, il faudroit la faire & le fuccès étoit encore incertain pour entreprendre cette conquête, il falloit déjà être fortifié dans 'Ifle; pendant qu'on travailleroit aux fortifications, la flotte n'auroit point de port où elle pût fe retirer; la premiere tempête ou briferoit les vaiffeaux, foit en les précipitant les uns contre les autres foit en les pouffant contre les côtes, au moins les difperferoit & les liyreroit un à un fans abri & fans défense à la flotte Angloife, qui paifible au fond de fon canal pendant la tempête, n'en fortiroit qu'à

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ou

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propos & pour profiter de fes avan tages. D'ailleurs le nombre de foldats qu'il faudroit laiffer dans l'Ifle, non-feulement pour la défendre, mais encore pour faire des courfes aux environs, dégarniroit la flotte, au point de la mettre hors d'état de réfifter aux Anglois, en cas d'attaque. A ces raifons on en ajoutoit d'autres tirées de la forme de l'Ifle de Wight, qui ne pouvoit être fortifiée qu'en certains endroits & qu'avec des dépenfes infinies. L'avis de la plupart des Capitaines fut de ramener la flotte en France; ce n'étoit point celui de du Bellay, qui le condamne hautement, mais fans apporter de raifons trop déci fives en faveur du fien.

Le départ étant réfolu, il fallut faire les provifions d'eau néceffaires pour la route; elles fe firent avec difficulté, & entraînerent quelques combats entre les foldats François & les Anglois difpofés fur les côtes pour les défendre, on tomba dans quelques embuscades , on fit quelques pertes particuliéres, on battit,

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on fut battu, mais le détail de ces petits combats, qui n'apportent aucun changement à la face générale des affaires, regardent plus la gazette que l'histoire. On regagna le Boulenois & l'on prit terre au Portet près de Boulogne. L'Amiral en arrivant jetta quatre mille foldats & trois mille pionniers dans. un fort qu'on bâtiffoit (1) autour de Boulogne pour commander le .port & empêcher les fecours qui pourroient venir du côté de la mer dans cette place que François I. fe propofoit d'affiéger.

La flotte s'étant rafraichie au Portet, & ayant pourvu à la sûreté du fort dont nous avons parlé, se remit en mer pour obferver la flotte des Anglois & fe porter par tout où il feroit nécessaire, mais à peine avoit-on quitté le rivage qu'une tempête qui s'éleva tout-à-coup, obligea les vaiffeaux François de

(1) C'étoit le projet où le Maréchal du Biez avoit d'abord échoué. Voir la fin du Chapitre précédent.

Tome IV.

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relâcher vers ces mêmes côtes d'An-
gleterre, dont ils venoient de s'é-
loigner. L'Amiral ne cherchoit plus
tant alors la flotte Angloife, les
chofes étoient changées, celle-ci
s'étoit confidérablement renforcée,
elle étoit de cent gros navires ;
maîtreffe de tous les ports, elle ne
perdoit point de vue les vaiffeaux
François & attendoit feulement que
l'orage les difpersât, pour les atta-
quer avec avantage. La flotte Fran-
çoife s'étoit dégarnie de foldats pour
en remplir les forts qu'on élevoit
autour de Boulogne, elle avoit auffi
moins de navires ; le mauvais temps
d'ailleurs ne permettoit pas qu'elle
fe fervît de fes galères. Il n'y avoit
que le retour du calme qui pût ré-
tablir l'égalité en donnant à la flotte
Françoise le loifir de fe développer
toute entiere en pleine mer; ce
calme defiré revint, & alors d'An-
nebaut remit à la voile, fans de-
firer ni craindre la rencontre de
la flotte Angloife; les deux flottes
fe trouverent en présence au point
du jour. Les Anglois parurent long-

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