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1545.

CHAPITRE IX.

Mort du Duc d'Orléans. Nouveau point de vue politique. Conduite équivoque de l'Empereur.

LA paix entre la France & l'An

gleterre étoit alors pour les deux Nations un état naturel; entre François I. & Charles - Quint c'é toit un état forcé. A peine la paix de Crefpy étoit-elle conclue entre ces deux Princes, que la guerre fembloit prête à renaître. Ce malheur public eût été le fruit d'un malheur particulier, qui accabloit alors François I. Ce Prince compta fes dernieres années par des pertes qui affligerent en lui le pere, le Prince, l'ami, Le coup le plus accablant fut celui de 1545, dont il eftici queftion. C'eft toujours comme pere qu'on eft le plus douloureu¬ fement frappé. François le fut d'un nouveau chagrin pareil à celui qu'il

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Belcar. 1. 24.

n. 14.

Commentar:

avoit éprouvé en 1536, qui le lui rappelloit & qui le redoubloit; il étoit condamné à voir périr tous ceux de fes fils pour lefquels fon cœur s'étoit déclaré par une prédilection fenfible, le Duc d'Orléans mourut d'une fiévre maligne, à Forêt-Moutier, près d'Abbeville, Mém.de da le 8 Septembre. Ce Prince fuivoit Bellay, 1. 1c. le Roi dans les courfes qu'il n'avoit ceffé de faire cette année pour veil- Sleidan, ler à la sûreté des Provinces expo- 1. 16. fées aux infultes des Anglois & des Allemands qui cherchoient à les joindre (1). Arrivé à Forêt-Moutier, il ne fut pas content, dit-on, de l'appartement qui lui avoit été marqué; il en trouva un qu'on avoit laiffé vuide, & qui lui plut davantage. On l'avertit que deux ou trois perfonnes venoient d'y mourir d'une maladie épidémique, qui faifoit alors de grands ravages en Picardie,» Bon, bon, dit-il, ja» mais fils de France n'eft mort de la pefte. Il y gagna la fiévre ma

1) Voir le Chapitre précédent.

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ligne dont il mourut (1). Mais on ne s'en tient jamais aux idées fimples fur la mort des Princes; les uns ont voulu que le Duc d'Or léans fût mort, comme mourut fon pere, d'un ulcère dans les parties fecrettes; les autres qu'il ait été empoifonné, car il faut bien qu'en Mém. de du pareil cas le mot de poifon foit Bellay, 1. 10. au moins prononcé.

Mais on voit fenfiblement par cet exemple combien la paix ou la guerre change la difpofition des efprits, & par une fuite néceffaire, les idées. Quoique depuis la paix de Crefpy uniquement conclue en faveur du Duc d'Orléans, l'Empereur eût un intérêt marqué à la

(1) Le Feron raconte que le Dauphin & le Duc d'Orléans entrerent dans une maifon de paysan, quoiqu'on les eûr avertis qu'elle étoit infectée de la pefte; que le Duc d'Orléans plaifanta beaucoup de cette témérité & fe plut à y ajouter qu'il remuoit & renverfoit avec fon épée les matelats d'un lit tout pénétré de ce venin, qu'il faifoit voler les plumes du lit fur fon frere & fur lui-même, qu'enfin il ne fortit de cette fatale maifon que puni de ce badinage & frappé à mort. (Arnold. Ferron, rer. Gallicar. 1. 9. Francife Vales.)

mort de ce jeune Prince par laquelle il pouvoit fe croire difpenfé de donner le Milanès ou les Pays-Bas, on ne l'accufa point ou on ne l'accufa guères de cette mort, au lieu qu'en 1535, quoiqu'il n'eût aucun intérêt à la mort du Dauphin, il en fut hautement accufé par le cri public que pouffoit la haine nationale, fille aveugle de la guerre.

Le Duc d'Orléans étoit gai brillant, étourdi (1), aimable

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(1) Le Duc d'Orléans pouffoit le délire de P'étourderie & de la valeur jufqu'à battre le pavé les nuits avec de jeunes Seigneurs que fon exemple & leur propre folie entraînoient; ils attaquoient tous les gens armés qu'il rencontroient, fur-tout les laquais, qui par un abus du temps portoient des armes & caufoient mille défordres à la fuite de la Cour ; ils s'emparoient des ponts & des grandes rues & infultoient tous les paffans. Une nuit la Cour étant à Amboife, le Duc d'Orléans voulut en alier difputer le pont à cette canaille infolente, fa fuite étoit foible, les Laquais nombreux, un d'eux porte au Prince un grand coup d'épée, le jeune Caftelnau le plus brave & le plus fou des Gentilhommes de ce temps, voir partir-le coup, s'élance entre le Prince & le laquais, eft percé, tombe & meurt. Alors pour faire cefler ce jeu funefte, on nomme le Prince, à ce nom les laquais effrayés s'enfuyent, le Duc d'Orléans refté maître du pont, pleure fon indigne victoire & fait emporter le corps de fon ami

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plein de valeur, comme l'étoient tous les Princes & tous les Gentilhommes; fon caractère plus formé, plus développé que celui du Dauphin François, mort avant lui, fembloit devoir laiffer plus de regrets & en infpira pourtant moins; c'eft que le Duc d'Orléans étoit déjà un chef de parti, & l'ame ou l'objet des cabales de la Cour; or les partis & les cabales ôtent d'un côté ce qu'ils procurent de l'autre, & empêchent la réunion des fuffrages; d'ailleurs la prédilection du Roi pour ce jeune Prince, plus marquée encore qu'elle ne l'avoit été pour le premier Dauphin, étoit moins regardée comme l'effet du mérite du Duc d'Orléans que des inftiga tions de la Ducheffe d'Eftampes, & le public aime à s'élever contre

mort pour lui. Le lendemain le Roi fcut ce qui 'étoit paffé, la tendreffe ne lui faifoit point diffimuler de pareilles fautes, il traita le Duc d'Orléans avec toute la rigueur d'un Roi irrité : Vous pouvez vous perdre, lui dir-il, l'Etat se paffera bien d'un fou, mais il a befoin du fang de la Nobleffe, ce fang n'eft pas fait pour couler ay gré de vos caprices

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