1547. Vers le commencement de Février 1547. une fiévre lente vint annoncer au Roi la fin de fa carrière. Il voulut fe roidir contre le mal, il éfpéra le diffiper par l'exercice de la chaffe qu'il avoit toujours aimé, mais il y chercha en vain l'attrait qu'il y trouvoit autrefois. Les maifons de plaifance dont le féjour l'avoit le plus flatté, lui devenoient infipides. L'Inconftance`, fille du dégoût & de la défaillance d'une ame qui n'a plus la force de s'attacher à rien, le faifoit errer de maifon en maison toujours chaffant, mais toujours malade, ayant tous les foirs des redoublemens de fiévre, perdant fes forces à vue d'œil par les efforts même qu'il faifoit pour les recouvrer. Ce fut ainfi qu'il courut à Saint Germain, à la Muette, à Villepreux à Dampierre, puis à Limours dans le Hurepoix, où il vouloit paffer un VIII. pour faire avec Edouard VI. fon fils 1547. le carnaval & où il ne paffa que deux ou trois jours, puis à Loches en Touraine où il fit un féjour plus long, mais le mal qui l'accabloit de jour en jour, l'obligea de reprendre la route de Saint Germain, fon habitation la plus ordinaire & où il étoit le plus environné de fecours; il paffa par Rambouillet, où il comptoit ne coucher qu'une nuit. Un peu de Mém. de du plaifir qu'il eut ou qu'il crut avoir Bellay, 1. 10. à la chaffe dans ce pays, lui perfuada que ce féjour lui feroit plus favorable, il réfolut d'y refter, bientôt la maladie l'y força, la fiévre augmentoit avec fureur, les douleurs n. I. 1. 19. de fon ulcère devinrent plus aigues Belcar. 1. 25. & plus infupportables, il fuccomba, il fe fentit frappé à mort. Des Sleidan, fentimens chrétiens remplirent fes Commentar derniers momens, il reçut les Sacremens de l'Eglife avec une piété que ni la volupté ni l'ambition n'an'avoient jamais étouffée en lui. Il n'abandonna pas le foin de fes fujets à fa derniere heure, il recommanda tendrement à fon file 1547. de les foulager, de diminuer les impôts. C'eft, dit-on, un confeit que les Rois donnent plus volontiers en mourant à leurs fucceffeurs qu'ils ne le prennent pour eux de leur vivant; il faut convenir au moins que François I. à peine jouiffant de la paix, n'avoit pas encore eu le temps d'exécuter lui-même ce qu'il recommandoit à fon fils. Il eft fâcheux pour la mémoire ou de Montmorenci ou du Roi, que le reffentiment de ce Prince ait été jufqu'à confeiller au Dauphin de ne point rappeller ce Miniftre & de ne s'en jamais fervir. Mais le confeil qu'il donna encore à fon fils de contenir l'ambition des Guifes & de ne leur point laiffer prendre trop de part aux affaires, méritoit peut-être quelque attention; s'il eût été fuivi, les regnes des trois fils de Henri II. auroient vraisemblablement moins orageux. été Le Roi rendit au Cardinal de Tournon & fur-tout à l'Amiral d'Annebaut le témoignage le plus flatteur, il fit plus que vanter ce Telle étoit alors l'économie publique, que François I. malgré des guerres continuelles & fouvent malheureuses, malgré une magnificence inconnue à tous fes prédéceffeurs dans fa table, dans fes fêtes, dans fes bâtimens, dans fes plaisirs, dans fes établissemens politiques, militaires, littéraires, laiffa dans fes coffres quatre cent mille écus, (fomme alors immenfe) toutes dettes courantes payées,& le recouvrement de trois mois de fes revenus, reftant tout entier à faire. " 1547. Il est prefque fuperflu d'observer que les favoris du nouveau regne eurent bien-tôt diffipé ces thréfors & qu'aucun des confeils du Roi mou→ rant ne fut fuivi (1). François I. mourut le 31 Mars 1547. à peu près au même âge que Louis XII. fon beau-pere, c'est-àdire à cinquante-deux ans & demi. Son regne fut de trente-deux ans & trois mois; les corps du Dauphin & du Duc d'Orléans n'étoient point encore inhumés, le pere & les deux fils furent mis ensemble dans le tombeau de leurs ancêtres à S. Denis. Deux grandes nations, deux grands Princes que la rivalité anime, forment toujours un beau spectacle dans l'hiftoire. Cette rivalité déchaîne les paffions, déploye les talens met en mouvement tous les refforts. (1) Montmorenci fut rappellé & mis avee les Guifes à la tête des affaires. L'Amiral d'Annebaut & le Cardinal de Tournon furent exclus di Confeil, Bayart fut mis en prifon; les autres favoris du regne précédent furent pour le moins né❤ gligés. |