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Dans ce fens un ennemi eft quelquefois plus utile qu'un ami. Charles-Quint & François I. ont peutêtre l'un à l'autre l'obligation d'avoir été grands; ils ont eu l'un fur l'autre divers avantages. Le principal trait de leur caractère paroît avoir été dans Charles - Quint la fineffe, dans François I. la franchife. Tous deux ont fait de grandes chofes, mais Charles-Quint s'eft permis des actions mal-honnêtes & François I. a fait bien des fautes. Qui peut excufer le fupplice de Semblancay, l'oppreffion de Bourbon autorisée ou foufferte, les Généraux nommés par l'amour & traverfés par la haine, le flux & reflux de l'autorité incertaine & fi fouvent dépofée en des mains étrangeres, les intrigues de la Duchesse d'Etampes dans la campagne de 1544. impunies & même ignorées, les Miniftres placés & déplacés au gré du caprice, &c? Mais qui peut ne pas détefter le meurtre de Merveille, l'affaffinat de Rincon & de Frégofe, & ce tiffu de baffes four

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beries qui accompagnent le paffage de Charles V. par la France?

Si l'on compare les deux Princes en qualité de guerriers, la fomme de leurs exploits paroît à peu près égale; ceux de François I. ont poutant plus de réputation. Ses premiers pas dans la carriere eurent un éclat qui fe répandit fur toute fá vie & qui fe foutint dans le malheur même. La victoire à vingt ans illuftre toujours. Charles-Quint entra ou du moins fe diftingua trop tard dans cette même carriere. Sa premiere expédition importante est celle de 1532. contre les Turcs, car il faut compter pour rien ce moment où il paroît à Valenciennes en 1521. pour fuir devant le Roi, & cet autre moment où il échoue devant Bayonne & reprend Fontarabie par la trahifon d'un lâche. L'expédition de Tunis en 1536. eft le premier exploit de Charles-Quint qu'on puiffe mettre en parallèle avec la bataille de Marignan, mais certainement il vaut mieux avoir gagné la bataille de

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Mulberg que d'avoir perdu celle de Pavie. En tout Charles-Quint étoit peut-être plus Général & François I. plus foldat. Ce partage des talens militaires entr'eux eft même conforme à leurs caractères, l'un réfléchi & appliqué, l'autre bouillant & impétueux.

Quant à la politique, on ne peut fe diffimuler que la fupériorité ne foit toute entiere du côté de CharlesQuint. Il conquit ou garda tout ce que fon rival lui difputa, il obtint l'Empire, & s'empara du Milanès, il conferva le Royaume de Naples; il ne dut point tous ces fuccès à une fortune aveugle, mais à une conduite fage, à des mefures bien prises, à des moyens proportionnés à leur fin; heureux & véritablement digne de fon bonheur fi la fraude n'avoit pas trop fouvent préfidé au choix de ces moyens.

Il eut fur-tout la fcience des Rois, l'art de connoître les hommes; on vit toujours à la tête de fes armées les plus grands Gé

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néraux de l'Europe; fes Miniftres ne le gouvernoient point & il les employoit toujours aux chofes auxquelles ils étoient propres ; connoiffoit & fes fujets & les étrangers; il fçavoit que Bourbon étoit un héros, que Saluces n'étoit qu'un traître, il fe fert de Bourbon pour vaincre & de Saluces pour trahir. Bourbon eft un héros, mais c'est un François refugié, il lui donne pour furveillant le jaloux Pefcaire, prefque fon égal, mais Bourbon & Pescaire font ambitieux & peu fidèles, il leur donne pour furveillant à tous deux le fidèle & utile Lannoy. Il enleve à la France & les la Marck & Sickinghen, & ce fublime Bourbon & le Prince d'Orange & André Doria, les plus grands hommes de ce fiécle, François I. lui enleve l'obfcur Prince de Melphe.

Charles-Quint avoit encore fur fon rival un grand avantage, celui de l'activité & de la conftance. François I. a des momens d'éclat qui éblouiffent, mais il a de longs

intervalles de fommeil & de langueur. Charles-Quint n'en a pas un. Sans ceffe il agit, il prépare, il exécute, il intrigue, il divife, il court en Allemagne, en Italie, en Espagne, il eft par-tout, il concontient les grandes Puiffances, il foumet les petites, il les enchaîne toutes par les négociations.

Bayle obferve que puifqu'on fe liguoit plus fouvent contre François I. que contre Charles-Quint, il falloit que François I. parût plus redoutable, mais c'étoit l'Empereur qui avoit le talent de le faire croire fi redoutable.

D'ailleurs ces ligues ne prouvoient pas toujours qu'on redoutât la puiffance de ceux contre qui elles fe faifoient; après la défaite des de Foix & l'expulfion des François en 1522. l'Italie entiére fe ligue contre eux; craignoit-elle plus alors François I. chaffé & détruit, que l'Empereur maître du Milanès & du Royaume de Naples? Non, mais elle fe croyoit plus sûre de fon repos en rampant paifiblement fous

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