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ennemis à les dépouiller, les Impé rialistes tépondoient qu'il n'avoit appartenu qu'à l'Empire de faire juftice de fes Feudataires, & d'en recueillir la confifcation; mais que les crimes des vaffaux ne pouvoient porter préjudice aux droits du Seigneur fuferain; qu'enfin on n'avoit pû fous ce prétexte envahir ni le domaine direct, ni le domaine utile des Fiefs Impériaux.

D'après cette Jurifprudence, l'Allemagne ne voyoit autour d'elle que des ufurpateurs; elle prétendoit, - mais cela étoit très-contefté, que la Pologne avoit été un fief de l'Empire, du moins la Mazovie & la Siléfie l'avoient été incontestablement. L'Allemagne avoit les mêmes prétentions fur la Hongrie, elle alléguoit l'inféodation faite par l'Empereur Henri II. à S. Etienne, Roi de Hongrie, au commencement du onziéme fiècle, & la fuferaineté de l'Empire reconnue vers le milieu du même fiécle, par les Rois Pierre & André; mais les Hongrois interprétoient cette inféodation & ces re

connoiffances. L'Italie prefque entière étoit réclamée par l'Empire, foit quant au domaine fuprême, foit quant au domaine utile. En France toutes les Provinces qui avoient formé autrefois le Royaume de Bourgogne & d'Arles, étoient autant de fiefs de l'Empire, puifque ce Royaume avoit été poffédé par les Empereurs depuis Henri III. jufqu'à Fréderic II. On a déja dit (1) que l'Allemagne regardoit le Dannemarck comme un de fes fiefs, prétention très-contestée par les Danois; elle avoit fans doute la même prétention fur la Suéde, s'il eft vrai, comme le dit Puffendorff, que Maximilien I. ait ordonné aux Etats de Suéde, d'obéir à un Arrêt du Sénat de Dannemarck, & qu'il les ait menacés, fur leur refus, de procéder contre eux, felon les loix de l'Empire.

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En genéral tous les voifins de L'Allemagne oppofoient à fes vaftes prétentions, des raifons peutêtre affez folides.. Ceux qui avoient conquis leurs Provinces fur (1) Tom. I. p. 355.

des vaffaux de l'Empire, difoient que fi l'Empire vouloit empêcher qu'on n'occupât fes Fiefs, il falloit qu'il empêchât fes vaffaux de provoquer leurs voifins par des outrages, ou qu'il en fît justice lui-même; que l'Empire n'étant point intervenu, dans les querelles dont le fruit avoit été la conquête de fes fiefs, il devoit être cenfé avoir renoncé à fon domaine direct; que la politique de l'Empire feroit trop cruelle & trop artificieuse, fi, voyant fes vaffaux injuftement armés contre leurs voifins, au lieu d'arracher aux premiers ces armes dont ils abufoient, il attendoit que le fort eûr puni leur audace, en les privant de leurs domaines, pour venir enfuite redemander au parti victorieux, des domaines devenus le prix de fon fang & de fes travaux; que le droit des gens autorifoit toute puiffance à retenir le bien d'un injufte aggreffeur, foit à titre de conquête, foit à Bos, ligue de titre de fûreté, foit à titre d'indemCambray. nité pour les frais de la guerre; & que quand ces titres étoient confir

L'Abbé du

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més par une poffeffion plus que centenaire, on ne pouvoit entreprendre de leur porter la moindre atteinte, fans vouloir renverser toutes les bar rières de la fûreté & de la tranquillité publiques.

Ceux qui avoient acquis les Fiefs de l'Empire par des voyes plus dou ces que la conquête, n'en avoient que plus de facilité à faire valoir leurs titres; mais tous indiftinctement, quelle que fût l'origine de leur poffeffion, appelloient à leur fecours le plus puiffant, le plus univerfel de tous les droits, qui les fupplée & les confond tous, la prefcrip tion.

Toutes les Nations, difoient-ils, ont des prétentions les unes contre les autres; peu de Puiffances ont commencé par un titre irréprocha ble, le temps a feul légitimé prefque tous les titres aujourd'hui refpectés; le droit des gens n'a point de loi plus facrée que la prefcription, parce qu'il n'en a point de plus propre à maintenir la tranquillité publique. L'Univers feroit le théâtre éternel

du brigandage & de la violence; fi la prescription n'étoit plus un mur d'airain contre des prétentions vieillies & abandonnées. On allégue en vain certaines bornes que le droit civil a mifes à l'ufage de la prefcription entre les particuliers, ces bornes font inconnues dans le droit des gens; celui-ci eft d'un ordre bien plus éminent, les intérêts qu'il régle, ont une influence bien plus forte & bien plus vafte fur la félicité publique. Il n'y a point d'inconvénient à défendre, dans certains cas, la prescription entre particuliers, parce que la poffeffion de tout citoyen doit naturellement être fondée fur des titres que les loix puiffent avouer, au lieu que le droit de la guerre, établi entre les Nations, ayant donné aux titres de prefque toutes les Puiffancès, une origine violente, la prescription feule a pû les légitimer & couper la racine des guerres. C'est encore bien vainement qu'on allégue la nature des loix féodales d'Allemagne, qui rendent imprefcriptibles les droits de la Couronne Impé

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