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1514.

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n'alla point par l'ordre de Salomon; égorger Joab jufques dans le temple, quoique ce malheureux, pour fauver fa vie embraflat la corne de l'autel. On ne peut affurément citer l'Ecriture avec une plus indécente irrévérence. Les deux faits que Véra prétend comparer, n'ont pas même cette reffemblance éloignée qui a quelquefois trompé des fanatiques. Il faut avouer que cet affaffinat des Ambaffadeurs François, eft le trait qui fait le plus de peine dans la vie de Charles-Quint, & qui aideroit le plus à croire que le Dauphin auroit été empoisonné par fes ordres; mais il avoit un intérêt d'empêcher ces Ambaffadeurs d'arriver aux lieux de leur destination, & nous croyons avoir montré qu'il n'en avoit aucun pour faire périr le Dauphin.

La vengeance du Roi ne pou voit plus être incertaine; elle étoit plus légitime encore que celle qui avoit donné lieu à la guerre de 1535. Aussi le Roi ne balança-t-il pas fur ce premier point, & déclara

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t-il hautement dans fon Confeil qu'il fe croiroit indigne de régner & de vivre, s'il laiffoit impuni le meurtre de deux Sujets fidèles que le zèle & le devoir avoient conduits à leur perte.» Eh! qui voudroit déformais » me fervir, s'écrioit-il, où feroit » la sûreté de mes Miniftres? Quoi ! tous les jours on combat pour >>une Province indifférente fur le >> choix de fes Maîtres pour des » droits particuliers, fouvent incer»tains, & je négligerois d'affurer Mém. de d Bellay, 1.9 » les droits facrés, les droits éter>>nels de la nature & des Nations! >> La foi publique violée, la Majefté du Thrône outragée, le fang >> de mes Ambaffadeurs répandu me » demanderoient vengeance & ne » l'obtiendroient pas !»

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Mais cette jufte vengeance on pouvoit ou la précipiter ou la différer. En la précipitant, on profitoit de toute l'indignation dont le fang encore fumant des deux Ambaffadeurs devoit remplir tous les efprits. En différant, on se donnoit le temps de négocier auprès

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des diverfes Puiffances, & de s'affurer d'elles par des traités. D'ailleurs, pendant l'intervalle de la treve, le Roi avoit diminué les impôts, retiré plufieurs Domaines engagés, remboursé des dettes confidérables; en retardant la guerre, il eût eu le temps de remplir fes coffres vuidés par cette bonne administration, fource affez rare de pauvreté.

Il paroît que, malgré ces confidérations, on fe détermina cette fois pour la diligence; mais il reftoit encore à choifir entre deux autres partis, ou de regarder la treve comme formellement rompue par le meurtre des Ambaffadeurs, & de recommencer les hoftilités fans aucune déclaration de guerre, ce qui eût donné le moyen de furprendre plufieurs places dans lefquelles on avoit des intelligences, & dont les Commandans auroient été moins avertis de fe tenir fur leurs gardes, ou bien de commencer par envoyer un Hérault d'Armes déclarer la guerre à l'Empereur.

Sleidan,

Le Roi prit ce second parti, ce 1541. fut peut-être une faute, mais ce fut encore une préférence donnée commentar. à l'honnête fur l'utile, & le con- 11+ trafte des procédés entre ces deux Princes, ne pouvoit être trop fortement marqué.

Sleidan raconte que le Roi étant à Vincennes, un Courier vint lui apporter la nouvelle d'une grande irruption des Impériaux dans la Picardie; qu'auffi-tôt ce Prince y envoya le Duc de Vendôme, le Duc de Guife, le Comte d'Aumale, le Duc de Nevers avec l'élite de la Nobleffe. Que cette troupe choifie étant arrivée fur la frontiere, n'y trouva que la folitude & le filence, mera folitudo, merum filentium. D'où venoient donc ce Courier & cette nouvelle ? On conjectura dit Sleidan, que le Roi qui ne vouloit point qu'on lui imputât le renouvellement de la guerre, avoit tâché de perfuader au peuple que les Impériaux étoient les aggreffeurs. Ils l'étoient fans doute, par l'affaffinat des Ambaffadeurs

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François. Mais cette petite hiftoire de Sleidan & la conjecture par laquelle il prétend l'expliquer, paroiffent bien bizarres. On n'en trouve aucune trace dans les autres Auteurs, & on peut dire qu'en général Sleidan paroît plus inftruit des affaires d'Allemagne que de celles de France.

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