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CHAPITRE IV.

Révolutions à la Cour de France. Difgraces du Connétable de Montmorenci, de l'Amiral de Brion, du Chancelier Poyet & du Cardinal de Lorraine.

Le Roi fit vers ce temps une faute

E

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inexcufable
ce fut de renvoyer
fon Connétable & d'emprisonner
fon Amiral au renouvellement d'une
guerre. On cherche toujours à pé-
nétrer les caufes de ces fameufes
difgraces, & on a raifon ; elles peu-
vent être une fource d'inftruction
pour les Rois & pour les Miniftres;
mais comme ces caufes ne font pas
toujours honneur aux Rois, comme
ces difgraces naiffent auffi fouvent
d'une intrigue de Cour, d'un ca-
price du Maître, d'une inconftance,
&c. que d'une faute réelle des Mi-
niftres, il arrive que le Roi fe tai-

1541.

1541.

Belcar. lib.

fant par pudeur, le Miniftre par crainte, la Cour par refpect ou par ignorance, ces caufes qu'il pourroit importer de connoître, reftent inconnues ou du moins incertaines. On varie fur les caufes de la difgrace du Connétable. Ceux qui croyent qu'il fit une grande faute, (1) en combattant l'avis d'exiger Sleidan, de Charles-Quint une promeffe par Commentar, écrit au fujet du Milanès, fe difali pasim penfent de chercher une autre cause de fa difgrace; ils donnent feule

22. n. 38.

1. 13. fub fine

ment à l'avis du Connétable des motifs criminels, ils fuppofent de la trahifon, des intelligences avec l'Empereur, & tout eft expliqué, Mais un foupçon de trahison con¬ vient bien mal à ce grand homme, toujours fidele à fes devoirs, toujours attaché au parti de fes Rois, qui dans les temps les plus diffici

(1) Beaucaire eft du nombre de ceux qui cons damnent Montmorenci & qui attribuent fa difgrace au confeil qu'il avoit donné de laiffer pafler Charles-Quint fans tirer de lui aucune promefle mais il eft trop judicieux pour accufer Montmorenci de trahifon. Sleidan qui eft du même avis, no l'en accufe pas non plus.

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les, dans les tempêtes publiques, 1541. dans fes difgraces perfonnelles combattit & mourut pour eux, ligué contre les intérêts de fa grandeur, contre les intérêts de fa Maifon, contre fes propres neveux, avec les rivaux (1) qui avoient éclipfé & détruit fon crédit, mais qui avoient le Roi dans leur parti. Comment un Sujet fi fidele à des Rois indifférens, (2) qui l'avoient abaiffé, & fidele parmi tant d'occafions & de prétextes d'être rebelle, auroit-il pu trahir un Roi son ami, qui l'avoit élevé au comble des honneurs ? Cette idée des prétendues intelligences de Montmorenci avec l'Empereur, n'eft fondée sur rien.

Si l'on fe borne à dire que l'avis de Montmorenci étoit l'effet d'une générofité mal-entendue, & que le Roi fe repentit de l'avoir fuivi, on oublie que le Roi avoit été de cet avis plus, pour ainfi dire, que Montmorenci lui-même ; 'que cet

(1) Les Guifes.

(2) François M. Charles IX.

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avis étoit entiérement felon le cœur du Roi, & qu'il l'eût ouvert, fi Montmorenci ne l'avoit prévenu, Comment pouvoit-il donc le punir d'avoir pensé comme lui, & comment s'il eût voulu le punir de cette faute estimable, lui auroit-il conti→ nué fa faveur pendant près de deux ans? Le paffage de Charles-Quint en France, eft de l'année 1539, & on voit par les lettres des Ambaffadeurs & des Miniftres adreffées au Connétable, qu'il étoit encore dans le Miniftere au mois de Mars 1541.

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Une caufe plus vraisemblable de la difgrace de Montmorenci, c'est fon attachement pour le Dauphin qui ayant fait fous lui fes premieres armes, ayant commandé & vaincu avec lui, le regardoit comme fon maître, comme fon pere, & avoit pour lui la plus tendre vénération. Le Dauphin commençoit à s'élever, à devenir en quelque forte le rival du Roi qui lui oppofoit le Duc d'Orléans ; il avoit à part fes amis fes favoris & prefque fon parti; il avoit même une maîtreffe dont le

crédit naiffant faifoit déjà ombrage 1541. à l'autorité toujours croiffante de la Ducheffe d'Eftampes. Cette maîtreffe étoit la fameufe Diane de Poitiers, fille du Comte de S. Vallier, alors veuve de Louis de Brézé, Sénéchal de Normandie (1), la même qui, dit-on, avoit acheté du Roi au prix de fon honneur, la grace de fon Pere. Les charmes triomphant chez elle des années, avoient depuis quelque temps féduit le cœur du Dauphin, plus jeune qu'elle de dix-huit ans. La Ducheffe

d'Eftampes , pour le faire rougir de fa paffion, exagéroit cette difproportion d'âge, & difoit qu'elle étoit née le jour que Diane de Poitiers. s'étoit mariée (2). Elle fe donnoit un double avantage par ce difcours, celui de fe rajeunir & celui de vieil

(1) Voir le chap. 6. du liv. 2. Brézé étoit mort le 23 Juillet 153 L.

(2) Il n'y avcit guères que huit ans de différence entre elles.. Il paroît que Diane de Poitiers étoit née en 15co. Elle avoit été mariée en 1514.. Anne de Piffelea, depuis Ducheffe d'Eftampes » était née vers l'an 1508..

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