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tenir contre la faveur des Guises, contre la haine de Catherine de Médicis, contre l'agitation des difcordes civiles: il faut le voir fous le regne de François I. dans le temps de fa faveur. Dépofitaire alors de toute l'autorité de fon Maître, honoré de fa confiance éclairée, il n'étoit ni contredit ni, balancé par ce premier Cardinal de Lorraine, plus éblouiffant par fa magnificence que confidérable par fon crédit. Montmorenci préfidoit à toutes les parties de l'administration avec une égale fupériorité de puiffance & de lumieres. Il entendoit parfaitement les Finances, & elles furent toujours très-bien régies de fon temps, c'eftà-dire, qu'il étoit économe, appliqué & jufte, car cette grande science fi approfondie depuis, fe bornoit alors à cela, & n'en étoit pas moins difficile. Il n'y avoit point de Magiftrat plus inftruit que lui des loix Id. Ibid. du Royaume. Son affiduité au travail répondoit de l'exactitude des inférieurs, Les Sécrétaires des Com

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mandemens (1) lui rendoient compte tous les jours de leurs dépêches & de leurs moindres opérations. Il avoit acquis une fi grande confidération dans toute l'Europe, que l'Empereur ni aucun autre Prince n'écrivoit au Roi, fans qu'il y eût auffi des lettres pour le Connétable, les Ambassadeurs étoient toujours chargés de le vifiter en particulier ; fon étiquette étoit très-haute; tous les Sujets du Roi, quelques diftingués qu'ils fuffent, les Compagnies de Magiftrature, le Parlement même en Corps, le Chancelier, plufieurs Cardinaux l'appelloient Monfeigneur. Le feul Cardinal de Lorraine s'étoit mis au-deffus de cet ufage, & prenoit même le ton de la fupériorité, il écrivoit au Connétable comme un grand Prince (2) écrit à un Gentilhomme; Montmorenci content du crédit, lui laiffoit quelque¬ fois le fafte.

(1) Ou Sécrétaires d'Etat, Sécrétaires des Fi

nances.

(2) Tous les Princes Lorrains en ufoient de même.

Quant au caractère perfonnel, le Connétable étoit ferme, fier, vrai, fage, laborieux, d'une pureté de mœurs & d'une piété exemplaires. Sa cenfure rigoureufe & quelquefois amere, ne pardonnoit ni les prévarications, ni les négligences, ni la licence des mœurs, ni le mépris d'aucun devoir. Officiers, foldats, Magiftrats, gens de tout ordre & de toute condition, redoutoient fon œil févere & vigilant, c'étoient le Caton de fon fiecle. Plus déplacé encore à Paris que l'autre n'a paru l'être à Rome, ils eurent tous deux les mêmes ennemis, ceux de l'Etat. Si Montmorenci fut quelquefois plus fouple que Caton, c'eft parce que les mœurs Françoises l'étoient naturellement plus que les mœurs Romaines. Un Ecrivain frivole ( Brantôme), a dit affez fenfément : » Que plût à Dieu

כס

J

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fut-il encore vivant, & qu'euffions Id, ibid » un pareil Cenfeur fi digne que lui pour cenfurer tous nos états de la France, qui eft très-gentiment cor » rompue!

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Il est aifé dans ce fiécle frivole de taxer de pédantifme un caractère fi refpectable; il eft vrai que Brantôme lui-même rapporte des traits qui annoncent dans Montmorenci de la hauteur, de l'humeur, de la dureté, & qu'en général il avoit plutôt de grandes qualités que des qualités aimables; mais il réuniffoit toutes celles qui font le Chevalier,' le citoyen, le guerrier, l'homme d'Etat. Ses longs fervices continués fous cinq Rois, fes talens, fes vertus, fa faveur, fes difgraces, fes richeffes, fes victoires, fes défaites, fes fautes, tout en lui, jufqu'à la longueur de fa carriere, a contri→ bué à rajeunir, pour ainfi dire, la fplendeur de fa Maifon, dont les titres de gloire commençoient un peu à vieillir.

Le plus grand détracteur du Connétable de Montmorenci, felon Brantôme & M. de Thou, c'est Paul Jove, & voici la raifon qu'ils en donnent. Paul Jove avoit une penfion de François I. & Montmorenci ne jugeoit point qu'il l'a mé

Paul Jove,

ritât. Ce Miniftre ayant été rap- 1541.
pellé par Henri II, & revoyant en
qualité de Grand - Maître l'état de
la Maifon du Roi,attacha,
qui, fe
, pour le venger, s'attacha, dit-
on, à le décrier dans fon histoire.
Ce fait paffe pour vrai, mais j'a-
voue que je n'apperçois point dans
l'hiftoire de Paul Jove de traces
bien marquées d'animofité & d'in-
juftice à l'égard de Montmorenci.

les.

Arnold.

Quant à l'Amiral de Brion, dont la faveur avoit été affez grande pour faire ombrage au Connétable de Montmorenci & au Cardinal de Lorraine, c'eft une erreur de croire ce qu'ont dit quelques Auteurs qu'il fut difgracié pour avoir in- Ferron. 1. s terrompu fes conquêtes dans le Francifc. Vas Piémont, en 1536, par une déférence aveugle pour les avis du Commentar Cardinal de Lorraine, qui craignoit 1.13. que ces conquêtes ne miffent obftacle à la paix qu'il efpéroit de conclure. Les avis du Cardinal de Lorraine n'étoient point de fimples avis, c'étoient des ordres du Roi, ordres réitérés & très-preffans, aux

Sleidan,

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