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quels Brion n'obéit qu'à regret. Nr le Cardinal, ni Brion n'auroient ofé compromettre ainfi les intérêts du Roi, & s'ils l'euffent ofé, ils auroient été difgraciés tous deux dans le même-temps, c'est-à-dire, dans le temps de leur faute. Les causes exprimées dans l'Arrêt de condamnation, dont nous parlerons toutà-l'heure, font encore moins les véritables. La caufe pour ainfi dire publique, fut un trait de hauteur de la part de Chabot, & de la part du Roi un de ces traits d'aigreur & d'impatience auxquels il étoit devenu fujet depuis fa maladie; Mézeray, mais la caufe fecrette fut l'amitié abr. chren. peut-être un peu trop tendre qu'a1550. voit conçue pour lui la Ducheffe d'Eftampes, dont fon neveu avoit époufé la fœur (1). Le Roi qui avoit toujours beaucoup aimé Chabot, commençoit à être plus choqué de fes fuccès & de fon orgueil, que

(1) Guy de Chabot, neveu de l'Amiral, avoit époufé Louife de Piffleu, fœur de la Duchefe d'Eftampes.

touché de fes qualités aimables. Un jour dans un mouvement de colere il le menaca de lui faire fon procès. Chabot orgueilleux & fenfible, ne fçut pas céder à fon Maître : »Vous » le pouvez, Sire, répondit-il fié»rement, ma conduite a toujours » été irréprochable & n'a rien à » craindre du plus févère exámen. » Le Roi fe crut bravé, & peut-être par un rival, il alla mettre son honneur à foutenir une menace qui lui étoit échappée. Le Chancelier Poyet, qui ne pouvoit fouffrir Chabot, parce que les ambitieux ne peuvent fouffrir les favoris, attifa le feu, irrita le Roi, & lui perfuada qu'il feroit aifé de convaincre Chabot de plufieurs fautes, mêmes capitales. Cette affaire étoit devenue une espece de gageure entre le Roi & Chabot ; le Roi ne vouloit point perdre ce favori, mais il vouloit l'humilier & lui faire voir que les fujets les plus grands ne font rien, quand il plaît aux Rois de retirer leur main protectrice; il parut donc le livrer aux coups de fes ennemis ; il le fit ar

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Brant. homm. illuft. art. Brion.

reur addir.

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rêter & mettre au Château de Melun, le Chancelier inftruifit fon procès avec des Commiffaires tirés de divers Parlemens. Le Roi ayant au bout de quelque-temps demandé des nouvelles de ce procès, le Chancelier crut bien faire fa Cour, en Le Labo difant que l'Amiral étoit convaincu aux mém. De de vingt-cinq crimes capitaux. Le Caftelnau plus grand de ces crimes étoit d'avoir impofé un très-foible droit d'Amirauté fur les harangs. Chabot croyoit ce droit légitime, mais eût-il été illicite, la reftitution & une légere amende étoient toute la peine que méritoit une faute d'un ordre fi commun. Le Roi fourit de ce vain entaffement de charges, & s'indigna de cet acharnement à pourfuivre un malheureux. Il reconnut la baffeffe du courtisan & l'indignité du Juge corrompu; l'idée qu'il prit alors du caractere de Poyet, ne contribua pas peu à la difgrace de cet Chancelier; mais le Roi voulut profiter de toutes ces circonftances contre l'orgueil de Chabot;: » Eh! bien lui dit-il, homme irréprochable

irréprochable foutiendrez-vous encore » votre innocence? Ma prifon, répondit Chabot, avec modeftie & avec > fineffe, m'a appris que nul ne pouvoit fe dire innocent devant fon Dieu ni devant fon Roi. » François fut touché, mais il diffimula, il vouloit que la leçon fût entiere, il laiffa rendre l'Arrêt; on n'eut pas honte (1) de condamner Chabot à quinze cent cinquante mille livres tournois d'amende & au banniffement perpétuel. C'étoit le ruiner & le deshonorer, deux peines plús fortes que la perte de la vie. Du moins, dit alors Chabot au Roi, la rage de mes ennemis n'a pu me convaincre d'aucune félonie envers votre Majefté. Le Roi alors vint à fon fecours, il n'écouta plus que fon cœur & la Ducheffe d'Eftampes. Celle-ci n'avoit point abandonné fon ami. Des Lettres-Patentes du 12 Mars 1542,

(1) Un des Juges par un mélange bizarre de courage & de foibleffe, marqua par un petit mot Latin, tracé en caractères prefque imperceptibles, qu'il ne fignoit cet injufte Arrêt que comme concraint.

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Belcar, 22. n. 55.

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rendirent à Chabot fon honneur & fes biens, le rétablirent dans fes dignités & dans fa réputation, le déchargerent de l'amende, le rap→ pellerent du banniffement & impoferent un filence éternel au Procureur-Général. Toute la puiflance du Roi ne pouvoit réparer le mal que fes Juges avoient fait ; ces Lettres - Patentes ne prouvoient pas l'innocence de Chabot; elles pouvoient avoir été accordées à l'amitié, à la pitié, à la follicitation. Chabot le fentit bien; auffi n'employa-t-il ces Lettres que comme une des pieces de fon procès, qu'il fit renvoyer au Parlement pour y être revu. Chabot fut pleinement difculpé par un Arrêt du 23 Mars 1542. & le 29, le Roi lui fit expédier dans fon Confeil d'autres Lettres (1), qui le déclaroient innocent,

Mais le coup mortel étoit porté ; le fenfible Chabot avoit fuccombé fous le poids de l'humiliation, il ne fit que languir jufqu'au premier

(1) Datées de Bar-fur-Seine.

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