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Vous cuffiez vû nos Sçavans accourir,
Et tous, voulant s'éclaircir de la chofe,
Du Conducteur à l'envi s'enquerir,

Si c'étoit Grec ou Latin, Vers ou Profe,
De quel volume ? Et comme entre Sçavans,
Sur tout cela les goûts font differents,
Tel pour l'Hébreu, tel pour le Grec opine,
On s'échauffoit, & l'on difputoit fort,
Quand le Convoi tirant vers la Cuisine,
Mit fur ce point tous nos Sçavans d'accord.

VERS eux alors le docte Abbé s'avance,
Et d'un ton haut dit: Peres Reverends,
Point de débat, vous ferez tous contens;
Chacun de vous peut felon fa fcience
Sur Livres tels exercer fes talens.

Tous font complets, & de bonne nature,
In-folio, reliez à profit,

Dorez fur trenche, & fur la couverture,
Mieux n'auroit fait Boyer fans contredit.
Point n'y verrez Livres de contrebande,
N'en ayez peur; mais beaux & bons Journaux,
Non de Leipfic, Angleterre ou Hollande,
Mais Journaux tels que l'on les fait à Seaux.
Pour en juger doctement, SON ALTESSE
Aux Ecrivains de Trévoux les adreffe;

* Fameux Relieur.DA.

Feüilletez-les, & direz avec nous

Qu'ils font parfaits, & que dans leur espece
Ils valent bien ceux qu'on fait à Trévoux.
QUAND l'Orateur eut exercé fa langue
En tels propos de chacun fort goûtez,
On lui donna pour prix de fa harangue,
Un des Journaux qu'il avoit apportez.
A Tourneli grand Docteur de Sorbonne,
Qui de Trevoux revise les Ecrits,
Fut envoyé par difcrete perfonne

Pareil Volume & l'un des mieux fournis,
Afin qu'il pût en dire son Avis.

DE vingt & deux, en bonne arithmetique,
Qui deux retranche, il n'en refte que vingt:
C'étoit encor pour nous de la pratique.
Pour partager le travail, il convint

Chercher fecours. D'abord au grand la Chaize
D'avis commun'il én fut dépêché

Bien

Deux des plus beaux pour les lire à fon aife.
que d'affaire il foit moult empêché,
Point ne doutez qu'en homme prude & fage
Il n'ait trouvé du tems pour cet Ouvrage.
Il fuffifoit, PRINCE, qu'il vint de Vous,
Et l'on fçait bien, quelque foin qui le preffe,
Qu'il quitte tout pour fervir VOTRE ALTESSE,
A fon exemple autant en faifons-nous

QUATRE pareils à la Manse commune
Furent livrez, ce qui vint bien à point;
Car nos Profès, gens tendres de pécune,
Detels Journaux chez eux ne lisent point.
Or encor bien, que par male fortune,
L'âge à plufieurs affoibliffant les yeux,
Leur ait rendu les paupieres moins nettes,
Soyez certain, PRINCE, que le plus vieux
Les a pourtant fort bien lûs fans lunettes.
POUR les petits Loyolas nouveaux-nez,
Qui font à part leurs faintes caravanes
Sevrez du monde, & de tous foins profanes,
Deux des Journaux ont été destinez.

Toute autre étude on fçait leur interdire;
Mais il eft bon, comme nous femble à tous,
Qu'en ces Journaux, dont nous fommes jaloux,
Dès l'âge tendre ils apprennent à lire
Jufques où va votre bonté pour nous.

DOUZE reftoient, douze pour le College,
Deux tiers pour nous, un tiers pour les Préfets;
C'est des aînez le droit & privilege,
En maint païs un tiers pour les Cadets,
Quelquefois rien, ou peu par avanture:
Mais nous avons trouvé la loi trop

dure,

Ne voulant pas d'ailleurs très-prudemment,

Que quand un jour on viendroit les femondre
De nous aider pour le remerciment,

Comme autrefois ils pûffent nous répondre
Nefcio vos, qu'on venoit un peu tard,

Leur demander, en leur faisant caresse,
Vers bien tournez & polis avec art,
Pour des Pâtez, ou mets de telle efpece,
Dont ils n'auroient pourtant mangé le lard.

APRE'S qu'ainfi l'on eut fait le partage,
Convint vacquer aux huit pour nous restez,
Huit des plus beaux, fi les ai bien cottez ;
Les oublier eut été grand dommage,
Et maint Sçavant les auroit regretteż;
De Livres tels ne faut perdre une page.
A l'examen ils furent donc citez:
Quand avec pompe on les eut apporteż,
Chacun fe mit de grand cœur à l'ouvrage;
C'étoit un zele, une ardeur, un courage,

Onc n'avez vû Journaux mieux feuilletez.

EN feüilletant on fit à l'ordinaire,

Sur le deffein, l'ordre & l'arrangement,

Mainte Remarque, & maint beau Commentaire.
Quoique, pour moi, n'y fois Grec autrement,

A tout hazard j'en fis pareillement,

Et je difois: Faut avoüer l'affaire,

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Princes toûjours dans ce qu'ils daignent faire,
Sçavent répandre un certain agrément :
Au ftile, au tour qui paffe le vulgaire,
A ne fçai quoi, qui plaît ne fçai comment,
On reconnoît toûjours leur caractere,

Tout ce qu'ils font, ils le font noblement.

COMME l'Ouvrage étoit de longue haleine, Il y falut maintefois revenir,

Mais pour vous, PRINCE, on ne plaint point fa peine,
On eût voulu pouvoir ne point finir,

On s'y portoit gaïment, & je vous jure
Que de ces doux & délicats Journaux
Onc un moment n'ennuya la lecture,
Jeunes & vieux les trouverent fort beaux.
OR quand chacun en eut fa fourniture,
Et que l'on vint à parler d'Ecriture,
A demander Madrigaux ou Sonnets
D'après Marot, ou bien d'après Voiture,
Pour celebrer & chanter vos bien-faits,
Maint s'excufoit fur un Si, fur un Mais
Et dans l'ébat Tel avoit fait merveille,
Qui commença lors à baiffer l'oreille.
Non que chacun ne fentît dans le cœur
Tout le retour & la reconnoiffance,
Que méritoit votre Magnificence;

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