Point n'en prendrai fcrupule en nulle guise; Je fçai les Cas, j'ai lû Bail & Tolet, Poulets ne font condamnez par l'Eglife.
Un Pénitent ne peut pas vivre d'air,
Comme un autre homme, il eft d'os & de chaifi Et, s'il vous plaît, pour s'être fait Hermite Doit-il mourir, ou de foif, ou de faim? Qu'il n'ait chez lui ni broche, ni marmite, J'en fuis d'accord; mais il lui faut du pain. Et quand je dis du pain, faut y comprendra La petite oye; & quelque chofe avec, Sur le marché cela fe doit entendre, Il n'ira pas manger fon pain tout fec. De plus enfin le cilice & la haire Soutenant l'ame ufent un peu l'eftui; ufé, l'ame n'y tiendroit guere, Pour l'amour d'elle ayons pitié de lui; De tems en tems il faut bien le refaire. A votre avis je fuis trop délicat Sur le chapitre, & friand à merveille, Mais cependant me contente d'un plat,' Sans rien garder du jour ni de la veille; Et qui plus eft, jaloux de mon état, Ne veux chez moi, ni flacon, ni bouteille. Que fi, vivant felon que je le fais, J'ai la couleur affez vive & vermeille,
Quelque embonpoint, l'œil brillant, le teint frais, Grace de Dieu croyez-moi, toute pure, Qui reconforte & foûtient la nature;
Ne faut du Ciel méprifer les bienfaits.
Pour terminer, Chêne, arbre d'importance, Ne faites tant ici du rencheri,
Car autrement à faire pénitence
Resteriez feul, dont feriez bien marri. D'aller chez vous la preffe n'eft pas grande; Quoique ma Muse ait vanté vos attraits, Bien trompé fuis, fi l'on jette jamais Un dévolu fur pareille prébende.
Or voulez-vous m'en croire fur ceci,
Ne changeons point la régle, elle est bien faite. La bien garder eft ce que je fouhaite;
N'y ferai faute, & n'en fouci.
Mais fi voulez, Réformateur auftere, Changer les Us & Loix du Monaftere, En ce cas-là, Chêne, vous dis adieu, En retirant mon épingle du jeu.
LARHUNE.
A Madame la Marquife de Mirepoix.
Uand d'une ardeur fi peu commune,
On vous entend pouffer tout bas
Et des foupirs, & des helas,
Qui croiroit que c'est pour la Rhune? Quelques gens trop prompts à la main A juger mal de leur prochain, Pourront s'imaginer peut-être,
S'ils n'ont l'honneur de vous connoître,
Que la Rhune eft un Cavalier,
Non de tels qu'on en voit paraître
A Paris au moins un millier, Dont le merite lingulier
Ne paffe point le petit maître; Mais un de ceux au grand collier, Qui par fon air difcret, honnête, Vous auroit donné dans la tête: Mais j'en avertis promptement, Point de jugement témeraire; La Rhune pour qui feulement Vous foupirez fi tendrement,
Et fans en faire de mystere;
La Rhune, qui feul fçût toucher Un cœur toûjours fage & févere; La Rhune, qui feul peut vous plaire, Helas, n'eft qu'un pauvre rocher. De la cime des Pyrenées, Où bravant depuis fix mille ans, Et la foudre, & les deftinées, Il compte les fiecles courants Comme nous comptons les années: Ce rocher fuperbe, & fans pair, Terrible à tout ce qui refpire, Etend fierement fon empire, Jufques aux lieux d'où part
Devant fon énorme figure, Les autres rochers fes fujets,
Vils avortons de la nature, Ne femblent que des marmoufets Dont les plus hauts & les mieux faits, Ne lui vont pas à la ceinture. De là, comme d'un bel-veder, Allongeant fon cou vers la mer, Il voit fous lui la terre & l'onde; Et dominant également
Sur l'un & fur l'autre élement, Semble, faisant par tout la ronde,
Contempler curieufement
Ce qui fe fait dans tout le monde.
Contre fon chef audacieux,
Qui touche prefque jufqu'aux cieux, Paroît cloüé comme une cage Un pauvre petit hermitage; Deux Cellules pour logement, Avec un peu de jardinage, Qui, cultivé legerement, Fournit affez abondamment Herbes & fruits pour le ménage: Joignez encore au bâtiment Sur l'un des bouts une chapelle, Et de l'hermitage charmant Vous aurez un portrait fidele. Cependant du rocher voisin Le paffant qui va fon chemin, S'il tourne vers là la prunelle; Au lieu d'un logement humain, De maison, chapelle ou jardin, Croit ne voir qu'un nid d'hirondelle. Or foit nid d'hirondelle, ou non, C'est où vous prétendez, dit-on,
Aller fixer votre demeure;
Le deffein eft loüable & bon,
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