Certain Seigneur s'approchoit de ces lieux, Le Bourniquet pourroit par avanture
En valoir moins, & nous en valoir mieux. Or vous le dis bien clair, & le repete, Quand je devrois m'attirer le courroux Du Bourniquet, & peut-être les coups, Deja voudrois que la chofe fût faite. D'autres que moi le voudroient bien auffi; Et qui plus eft ne vois ici perfonne, Qui de bon cœur ne le fouhaite ainfi: J'attens toûjours, & non pas fans fouci, Qu'enfin le Ciel à nos vœux le redonne, Et n'y plaindrai les frais d'un grandmerci. Que plût à Dieu qu'au défaut de Pegase, Je pûffe au moins, perché fur un criquet, A travers monts voler au Bourniquet, Et voir de près le Patron de la cafe, Là volontiers planterois le piquet, Si l'on vouloit m'en ouvrir le loquet. A tant de grace oferois-je prétendre ? C'est bien affez qu'on y fouffre mes Vers; Vous qui fçavez la route qu'il faut prendre, Si le voulez fçaurez bien me l'apprendre, Au Bourniquet tous huis vous font ouverts, Et de plein pied vous pouvez vous y rendre; Frès du Patron oubliant l'univers,
Là vous foulez & le voir & l'entendre, Et l'admirer, l'un de l'autre s'enfuit; Bien en ferois autant à votre place,
Mais on n'a pas toûjours ce qui nous duit: Jugez de-là, quelque mine qu'on faffe, Que dans le fond le Bourniquet & vous, Par cet endroit faites bien des jaloux.
Ne faut pourtant que Aille vous faire oublier vos amis; Jouiffez-en, elle n'eft pas commune, Mais bien fçavez ce que m'avez promis. De moi chetif ayez donc fouvenance Dans votre gloire; & quand y verrez jour, Près de l'Altesle ou près de l'Eminence, Ce m'est tout un, faites un peu ma Cour. Or pour cela ne faut tant de détour. Suffit de peindre en un portrait fidele L'attachement, & l'ardeur & le zéle, Et le respect, dont mon cœur lui fait vœu; Ajoûtez-y 1econnoiffance entiere
Pour les bontez; bref, fur cette matiere N'apprehendez que d'en dire trop peu. A fa faveur recommandez ma Mufe, Elle a befoin d'un femblable fupport; Si quelquefois au moins elle l'amuse,
Je fuis content, & me voilà trop fort. Qu'après cela déformais on la fronde : Fier d'un honneur qui releve fes droits, J'oferai dire, elle a plû toutefois A la premiere Eminence du monde.
A MADAME
LABBESSE DE PREAUX le jour de fa Fête.
'Allois cüeillir des fleurs, pour vous faire un bou
Elles s'offroient en abondance,
Et demandoient toutes la préference,
Jufqu'au moindre petit muguet ;
Quand un gros chêne à fiere contenance, Prit la parole en arbre d'importance, Et par ces mots rabatit leur caquet:
Canailles, taifez-vous, leur dit-il en colere,
C'est bien à vous de vous offrir ici;
Votre beauté fragile eft courte & paffagere, Un gratecu fur pied vaut mieux, fans vous déplaire, Que tout autant que vous voici,
Dès que vous n'êtes plus au sein de votre mere.
Quant à moi, Chêne, il n'en eft pas ainfi,
Vivant, ou mort, je fuis toûjours d'usage, On fçait me mettre en œuvre poliment : Sous le nom de lambris, ou bien de parquetage,
Je ne fuis pas d'un petit ornement.
Las du fardeau de la vieilleffe,
veux m'immoler galamment,
Pour une illuftre & fage Abbeffe:
Qu'elle me foule aux pieds dans fon appartement ;
Mon fort fera plus beau, que quand jufques aux cieux J'élevois ma fuperbe tête;
Et j'afpire au moment que tiré de ces lieux J'aille en Parquet changé me montrer à fes yeux, Et fervir de bouquet à fa nouvelle fète.
Ainfi fut fait, comm'il l'avoit reglé;
Un Chêne de Dodone auroit-il mieux parlé?
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