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EPITRE VII

A MONSIEUR

A C A L. C. D. A

Sous le nom de fa belle-feur, en lui envoyan de petites figures Chinoises en broderie,

V

Ous négligez bien les bons hommes,

De partir fans vous en charger;

Pourtant deviez-vous bien fonger
Que dans la faison où nous sommes
Ce n'est pas chose à negliger.

Cette denrée eft affez rare

Pour qu'on ait droit d'en être avare:
Je le jure en femme d'honneur

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Pour tout autre j'en ferois chiche,

Mais

pour vous, grave Senateur, Je vous les donne de bon cœur,

Il m'en refte un, je fuis trop

riche.

Leur figure vous fera peur,
Mais n'en jugez pas par la mine,
On peut s'y tromper quelquefois,
Et s'ils ont l'air un peu Chinois,

Il ne faut pas qu'on s'imagine
Que cette marchandise-là

Ne le peut trouver qu'à la Chine.
C'est beaucoup dire, mais holà;
On en trouve parci par là,
Aux païs Chinois & dans d'autres,
Et même fans aller fi loin,

Qui les chercheroit avec foin

En pourroit trouver dans les nôtres.
A tout hazard gardez ceux-ci,

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La dépense n'en eft pas grande,
Je vous les livre tous ici,

Leurs femmes & le Diable auffi,
Qui s'eft faufilé dans la bande;
Et pour le prix que j'en demande
Il fuffira d'un grandmerci.

Vous me direz c'est cas étrange,
Qu'ils ont ces bons hommes fi bons,
Toûjours le Diable à leurs talons,
Et qu'on y trouve jamais d'Ange.
Le fait eft fûr & trop certain,
Mais qu'y faire? C'eft leur deftin.
Job en fon tems fut un bon homme,
Et vous fçavez pourtant en somme,
Qu'il eut le pauvre malheureux,

Durant un tems long & fâcheux,

Sa femme & le Diable à fes trouffes :
C'étoit trop d'un; mais qui des deux
Donna de plus rudes secouffes,
C'est de quoi l'on difpute fort;
Et même on dit que la Sorbonne
Sur ce point là n'est pas d'accord.

Mais qu'une femme aimable & bonne
Puiffe rendre heureux un Epoux,
Je n'en ai vû douter personne,
Nos Docteurs nous l'affurent tous;

Pour fçavoir le vrai de l'affaire,
Si c'eftoit chofe néceffaire,

Je n'irois confulter

que vous.

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EPITRE VIII

J

A MONSIEUR ***

É vous redemande mes Vers,

Et vous m'en envoyez des vôtres ;
J'y gagne plus que je n'y perds,
Ils valent les miens & bien d'autres,
Mais, à vous parler franchement,
C'eft toûjours répondre en Normant.
Pardonnez ce petit reproche

A mon juste ressentiment :
Un Poëte ordinairement

A toûjours quelque trait en poche;
Que fon courroux malin décoche,
Sans fonger fur qui, ni comment,
Dès qu'il voit devant lui qu'on cloche:

Or

pour ne point vous le mâcher, Vous êtes né fous un clocher

Où pour fauver une anicroche

La langue eft fujette à clocher.
Vous êtes fort heureux en rime,

Et je conviens que du Royer

Rime fort bien avec Boyer;

Mais un fçavant maître d'escrime,

Pour ne rien devoir qu'à fon art,

Auroit évité, ce me femble,

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Ces deux beaux noms que le hazard

A fait fi bien rimer ensemble.
Paffe encor que pour une fois
Par néceffité l'on les mette;
Mais le rimeur eft aux abois
Qui dans douze Vers les repete.
Vous avoüez de bonne foi,
Que la rime eft foible de foi

Et vous priez qu'on vous la passe;

Elle eft de trop mauvais alloi,
Et je

ne puis vous faire

grace.

Mais je vous donne un bon confeil :

Sans faire rimer l'un à l'autre,

Le nom de Boyer & le vôtre,

Faites rimer en cas pareil,

Quoi qu'on en dife & qu'on en glose,

Du Royer avec du Royer,

Comme Boyer avec Boyer,

C'eft à peu près la même chofe,
Corrigez votre plaidoyer:

Corrigez mon cher, & pour cause,

Quand la rime aux regles s'oppose,

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