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Et réduit à porter un habit plus modefte,

Il s'en dédommageoit en faifant fous sa vefte,
Briller fine dentelle, & badiner flottant,

D'un ruban de couleur le lien éclatant.

Tous les jours au Théatre, aux jeux, aux promenades,
Sans honte il paroiffoit ; là, fier de fes airs fades,
De jeunes gens de Cour notre Abbé s'accosta,
D'abord s'en crut Ami, les vit, les imita;

Eut comme eux un Grifon, valet furnuméraire,
Puis enfin un Coureur pour fidéle émissaire,

Et fe donnant en tout l'air de petit Seigneur,
Mafqua, courut le bal, concha chez le Baigneur.

Un jour las de payer, (car perfonne n'ignore,
Que qui veut, fous des airs dont il fe deshonore,
Hanter les gens de Cour, doit An généreux,
Etre prêt de répondre ou de payer pour eux.)
Las, dis-je, de payer, un jour il pfa dire,
Qu'il n'avoit plus d'argent. On crut qu'il vouloit rire;
Mais enfin, quand on vit que c'étoit tout de bon,
Ah, ah, petit Monfieur, vous voulez, lui dit-on,
Faire ici l'agréable, allons en galant homme,
Pour la derniere fois payez, payez la fomne,

* Laquais qui n'a point de livrées.

Gy

Et connoiffez enfin que des gens comme nous,
N'auroient jamais fouffert un maraut tel que vous;
Un freluquet d'Abbé, qui fait le petit Maître,
S'ils n'avoient vu l'argent qu'il leur a fait paroître.
A ces mots il fe vit houfpillé, tiraillé,

Et trop heureux de fuir, s'enfuit dépenaillé.

Fiu du fecond Chant.

DE

L'AMITIÉ.

CHANT TROISIE' ME.

L n'est point fans vertu d'Amitié veritable,
La vertu la rend feule, heureufe & fouhaitable,
Seule en fait la douceur, en prolonge le cours,

En affure les foins, & hâte les secours.

Choififfez des Amis, dont la vertu fidéle, Puiffe dans vos devoirs vous fervir de modéle; Qu'en vous foit la vertu que vous cherchez en eux, Rien de votre Amitié ne peut rompre les nœuds. Un vertueux Ami n'est jamais infidéle ;

Toujours également la vertu paroît belle;

Elle rend l'homme aimable en tous lieux, en tout temps: Pour elle tous les coeurs femblent s'unir conftans.

Les Allemans vaincus aimoient le grand TURENNE,
Et les François vainqueurs, le valeureux LORRAINE.
L'Amitié remontant jusqu'aux fiécles passez,
S'attache à des Héros déja prefque effacer,

Tous ceux dont la vertu confacre la mémoire,
Dont on trouve les noms, dont on lit dans l'Histoire,
La valeur, l'équité, les geftes fignalez,

Autant que de lecteurs ont des Amis zelez.

O combien la Vertu, de fi loin vénérable,
Dans un fidéle Ami nous fera-t'elle aimable ?
Qu'elle foit donc toujours le premier fondement
Des innocens plaisirs que l'on cherche en aimant.
Mais rendez s'il se peut votre Amitié chrétienne,
Et laiffez aux Payens une Amitié
payenne.
Le Sage en fes Amis cherche la probité,
Le Chrétien veut encor y voir la pieté.
Ne demandez-vous pas, qu'un Ami soit fidéle ?
Tendre, vif, généreux, ardent, & plein de zele
Qu'il partage vos maux? qu'il aide à vos plaisirs
Et prévienne souvent jusques à vos défirs?

Enfin qu'il foit à vous, plus à vous qu'à lui-même ;
Oui, quand on eft Ami, c'est ainfi que l'on aime.
Mais peut-on vous promettre un pareil dévoûment,
Quand à l'égard de Dieu fans honte on se dément;

Peut-on, trompant la foy fur les Autels jurée,
De la foy qu'on vous donne affermir la durée ?
Et qui tantôt pécheur, tantôt faux pénitent,
Dans fes plus faints devoirs fut toujours inconstant,
Qui, fous les yeux de Dieu, le trahit fans scrupule,
Sera-t'il plus fidéle à fon Ami crédule?

Par le même penchant courant précipité,
Le cœur de l'un à l'autre eft bien-tôt emporté.
Cain oubliant Dieu, bien-tôt fe livre au crime,
Bien-tôt de fa fureur fon frère eft la victime;.
Il rompt de l'Amitié le plus facré lien.
David de ses sujets jufques-là le foutien,
Devenu criminel ordonne, Roy perfide,
D'un généreux fujet le fanglant homicide.
Choififfez des Amis de qui la pieté
Vous foit un für garant de leur fidelité.

Où trouver, direz-vous, une vertu fi rare?
De fon nom tous les jours l'hypocrite fe pare;
On ne trouve par tout que pieux impofteurs,
Et Dieu n'a dans le fond que faux adorateurs.
Il n'eft donc plus d'espoir dans ce monde rebelle,
De goûter les douceurs d'une Amitié fi belle;
Je viens donc, faux Docteur, inutile Ecrivain
A ces nobles devoirs vous exhorter en vain.

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