Tantôt aux prifonniers apprendre à prévenir
De plus grands maux que ceux dont on les doit punir.
Crois-tu que rempliffant ainsi ton miniftere,
Plein d'un zele humble, pur, courageux & fincere, On te vît d'Auditeurs & de Chaires manquer ? Juges-en par l'effet. Tu l'as pû remarquer Dans les fiécles paffez, peut-être dans le nôtre, Ce que peut la vertu, le zele d'un Apôtre. Ces faints Predicateurs qui vivent retírez, Manquent-ils donc d'employ? Tu les vois admirez, Sans brigue, fans appuy, ne se montrant qu'en Chaire, Leur nom feul après eux traîne toute la terre, A tout autre cachez qu'au pecheur penitent Qui leur ouvre fon coeur foûmis & repentant.
Mais vois quel eft le fort de celuy qui s'intrigue, Et n'a des Auditeurs, des Chaires que par brigue.
Cet Abbé va par tout, on le voit à la Cour, On le trouve à Paris, me difoit l'autre jour Un homme, obfervateur zelé des bienfeances, Pourquoy nous fatiguant de fades reverences, Abordant qui le fuit, le voit-on s'obstiner
Par de fots complimens à nous affaffiner ?
Pourquoy? dis-je auffi-tôt, il faut qu'on vous inftruife, Trouvez-vous au Sermon Dimanche en telle Eglife. TJ
Il y vient, il y trouve un grand monde assemblé, Il reconnoît celuy dont il m'avoit parlé, Qui de mots affectez & de vaines pensées, Repaiffoit les brebis qu'il avoit ramaffées.
Hé bien, luy dis-je alors, demandez-vous pourquoy?r.. Non, dit-il, c'est affez, maintenant je le voy. Ecoutons. Ce fut là que s'échauffa fa bile. Est-ce ainfi, me dit-il, qu'on prêche l'Evangile ? Eft-ce là d'un Apôtre & l'air & le difcours? Puis qu'il en a befoin, qu'il cherche du fecours; Qu'il aille aux Marguilliers rendre un honteux hommage, Et par fes lâchetez achetant leur fuffrage,
Qu'il obtienne qu'en Chaire on le laiffe monter; Ce n'eft rien... Mais de voir ce qu'il vient debiter. Ces mots, ces riens brillans qu'avec pompe il étale Quels bizarres portraits! quelle vague morale! Sortons, amy, fortons ... Arrêtez ... Je ne puis, Sortons encore un coup. Il fort, & je le fuis, Et j'approuve en fortant fon zele & fa colere. Mais toy qui t'élevant à ce faint miniftere, Sembles n'attendre plus que l'heure pour prêcher, Abbé, crois-tu qu'alors il ait dû se fâcher?
CHANT SECOND.
ARLE fans te flatter, sçais-tu bien de quel ftile
On doit parler en chaire & prêcher l'Evangile Sçais-tu quel choix de mots, de phrafes & de tours, Et quel fublime, enfin, convient à ce discours?
Il doit être éloquent, mais la vraye éloquence, Dans le Sermon fur tout, n'eft pas ce que l'on penfe; Et le fublime propre à ce difcours facré Plus que jamais, peut-être, eft encore ignoré.
Plus que jamais ? hé quoy, les Sermons qu'on eftime, Que l'on fuit, que l'on court, n'ont-ils pas de fublime? N'eft-ce pas au contraire, en ce fiécle éclairé, Que de barbares mots le difcours épuré,
Du Bon fens & du Vray foumis aux loix severes, A trouvé le fublime îgnoré de nos Peres?
C'est-là du moins, c'eft-là ce qu'on dit tous les jours.
On le dit, je le fçay, mais laiffant les discours, Qu'en dépit du bon fens tous les jours on imprime, Penfe-tu qu'un Sermon foit éloquent, sublime, Où l'art paroît d'abord par le tour affecté, Qui cherche du brillant l'ennuyeuse beauté ? Où le terme nouveau, l'épithete hardie, Ne fervent qu'au vain fon d'une phrase arrondie, Et d'un arrangement toujours harmonieux, Le puérile foin faute par tout aux yeux? Où de la Métaphore on s'égaye aux licences, Et le Prédicateur efclave des cadences,
Semble n'avoir à cœur rien de plus important, Que le foin de charmer l'oreille qui l'entend> C'eft-là ce qu'aujourd'hui des gens nomment fublime, Et toy-même croyant que c'eft ce qu'on eftime, Tu n'as lû, copié, que les Auteurs nouveaux, Dont l'Orateur novice adoptant les lambeaux, Vient fier de fes larcins nous rendre avec emphase Les termes hazardez & l'infolente phrase.
Choifis mieux, & toûjours te faifant une loy De ne rien emprunter qui ne paroiffe à toy;
Tâche de te former à toy-même ton ftile, D'en bien choifir le genre, & de t'y rendre habile. Ce qu'on appelle STILE, eft un arrangement De termes affortis, qui tous également
Semblent, quoique divers, couler de même source, Et fans fe defunir fournir la même course. Un fleuve que le vent qui le vient agiter, Ne fait point de fon lit fortir ou s'écarter; Mais qui tantôt tranquile, & tantôt dans l'orage, N'a que les mêmes eaux & le même rivage.
Ainfi toujours égal, doit ton ftile en prêchant, Tantôt couler tranquile, & tantôt vif, touchant, Courir impétueux où ton zele t'emporte; Des bornes du Sermon fans que jamais il forte, Et vienne audacieux entraîner dans fon cours, D'un discours étranger les termes & les tours, C'est par de tels écarts que l'Auteur mal habile En croyant l'enrichir, anéantit le stile, Et donne pour fublime un informe cahos, De termes & de tours placez mal-à-propos; Qu'il rampe d'un côté fans forces & fans
De l'autre tout à coup monte fur des échâffes ; Dans un même difcours Poëte & Profateur,
Bas, guindé, froid, boüillant, fade & pompeux Auteur.
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