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Et n'eftimeras point ces Auteurs moins que nous, Pour n'avoir pas fuivi nos modes & nos goûts.

En les voyant ornez de ces graces fuprêmes, Qui doivent en tout tems avoir été les mêmes, De ce VRAI, de ce TOUR & noble & naturel, Qui feul donne aux Auteurs un renom immortel; Loin de fouffrir qu'on ofe abaiffer leur mérite, Tu voudras qu'à l'envi chaque Auteur les imite; Puifque, foit anciens, foit modernes écrits, C'est la même beauté qui donne à tous le prix, Et qu'enfin nous n'avons que le même fublime, Par où les Anciens ont acquis tant d'estime : Que c'eft-là ce qu'en eux nous devons imiter, Et dont nous n'oferions avec eux difputer.

Mais content d'employer tes Confeils & ton zele, Pour faire du Bon goût fuivre en eux le modéle; Quoique fçavant en l'art d'écrire & de parler, Tu n'iras point, Auteur, aux Auteurs te mêler; Et né pour gouverner un floriffant Empire, Te piquer de la gloire où l'Ecrivain aspire. Jaloux d'une autre gloire & plus digne de Tor, Tu fçauras être docte, être éloquent en Roi;

Toujours en foutenir l'auguste caractére ;

Et toujours de ton Peuple, & l'exemple & le Pere, Borner les grands talens dont Dieu voulut t'orner, Au bonheur des Sujets que tu dois gouverner.

Fin de la premiere Epitre.

EPITRE II

A M. RIGAUD, PROFESSEUR

de l'Académie Royale de Peinture

Noble de Perpignan, & honoré

par

du Cordon de l'Ordre de S. Michel.

créé

le Roi

EINTRE, qui non content d'avoir sû, comme
Appelle,

Acquerir par ton Art une gloire immortelle ;

Par ta Religion & par ta Probité,

Cherches à t'affûrer une autre Eternité.

A tous ceux, tels qu'ils foient, dont tu fais la Peinture,
Fais aimer, cher RIGAUD, & goûter ta droiture,
Des vifages en vain prompte à faifir les traits,

Ta docte main fait vivre & parler tes Portraits.
En vain, non moins Sçavant dans l'Art des Draperies
Des habits qu'à ton choix tu peins & tu varies

On fe trompe à l'étoffe, & l'on croit que

* Gautier

Te la fournit brillante au fortir du métier :
Si tu ne peins l'efprit, les moeurs, le rang & l'âge,
Je ne te connois point dans ton plus bel Ouvrage;
Je n'y vois qu'un Pinceau des tems toujours vainqueur,
Mais je n'y trouve point ta droiture & ton cœur.
Ennemi du menfonge, abhorrant l'imposture,
Jamais n'a de ton coeur héfité la droiture,
Et pour la verité ton zele impétueux,
De ta langue toujours a délié les nœuds.

"

Infpire à ton Pinceau la même hardieffe,

Au mauvais goût du tems oppose ta Sageffe
Et ne te rend jamais dans un Portrait flatté,
Complice du menfonge & de la vanité.

Ce n'eft point à fon Art pour donner plus de luftre,
Pour acquerir un nom plus prompt & plus illuftre,
Que de riches habits le Peintre fait le choix,
Et pare de Velours jufqu'aux moindres Bourgeois,
Qu'il change du Marchand le Comptoir, la Boutique
En table de Porphire, en fuperbe Portique ;

Et que,

fur un Carreau de galon d'or bordé,

En Robe de Brocart il le peint accoudé.

Le Peintre connoît mieux, en quoi fon Art confifte,

Il fçait que, d'une main également artiste

Fameux Marchand de Sope.

Il feroit un Portrait non moins fort, non moins beau,
Habillant le Bourgeois de fimple drap d'Uffeau,
Et peignant au Comptoir, affis auprès d'un Bouge,
Le Marchand en Bonnet, en Camifolle rouge.

Tels, avant que l'Orgueil eût confondu les Rangs,
Quand l'Habit annonçoit les états différens,
Distinguoit la Nobleffe, & que de la Police
Le Bourgeois plus foumis redoutoit la Juftice;
Tels furent les Portraits, fimples & naturels,
L'Habit en étoit vrai, les ornemens réels,
Les airs de tête tels qu'on les eut fans étude,
Le choix du Peintre feul en regloit l'attitude,
Et l'on ne croyoit pas qu'il dût fous fes couleurs
Rendre l'homme autrement qu'on ne le trouve ailleurs,
C'est ainfi que Vandik, fans parure étrangere,
A d'un Pinceau fidéle & d'une main legere,
Fait en Habit de Bure, aux Cabinets des Rois
Entrer le Bourgue-Meftre & le fimple Bourgeoiss
Et qu'on voit de Rembrand mise en place éclatante,
A côté des Héros la ruftiqué fervante.

D'où vient donc qu'aujourd'hui,nés un fiécle plus tard, Nos Rembrands, nos Vandiks fçavans Maîtres de l'Art, Quittant la verité, manquant aux vrai-femblances, De leurs meilleurs Portraits gâtent les reffemblances >

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