De toutes parts en foule on iroit les entendre, Et moy laiffant cet Art que je te veux apprendre, Après eux le premier tu me verrois courir. Mais d'autres que des Saints en Chaire ofent paroître, C'est pour eux que j'écris, & leurs défauts peut-être Me feront pardonner le peu qu'en les blâmant, La fatire à mes vers a prêté d'agrément. Tu t'en es apperçû, j'ose icy pour t'instruire Emprunter quelquefois les traits de la fatire, En féparer le fel d'un venin odieux, Et donner à mes vers un ton moins sérieux. C'eft-là ce que gardant toûjours leurs caracteres Ont fait les plus grands Saints, les Saints les plus aufteres. Combien de fois Jerôme en attaquant Rufin S'eft-il fervi d'un tour & fatirique & fin? Et Bernard, manqua-t'il aux loix de la prudence, Il eft, il eft, crois-moy, d'innocentes critiques. Sçache qu'à t'observer tout le monde s'applique, Saints, pecheurs, libertins, mais fur tout l'hérétique, Ne te déguise point ce qu'il dira de toy, Si prophane tu viens remplir ce faint employ. Et chargé d'annoncer la divine parole, Tâche au moins, cher Abbé, de le faire avec fruit, Mais pour t'exprimer juste, apprens à bien penfer, La faute eft dans l'efprit, c'eft luy feul que j'accuse, Et la langue toûjours exprime clairement Ce que d'abord l'efprit a conçu nettement. Souviens-toy donc toûjours d'éloigner de ton ftile De puériles fleurs l'abondance inutile. Ce n'eft point ton difcours que je dois admirer Les mots font inventez pour conduire aux pensées. Mais quand avec trop d'art les phrafes font placées, Le difcours en chemin nous préfentant des fleurs, Amuse notre efprit qu'il doit porter ailleurs. Que du cœur échauffé les figures dictées Ne foient jamais de l'art par machine empruntées; La nature fans art produit fes mouvemens, Et pare Tu dois en compofant varier tes difcours; Toûjours eft fon Sermon en trois points propofé, t Les yeux les moins fçavans fçavent les reconnoître; Au brillant à propos joignant le pathétique, Ce qu'il doit obtenir fans nous en supplier. Quoy! voit-on revêtu de l'Etole facrée Miniftre d'un côté, de fon Dieu qui s'immole, Fais donc que l'Auditeur t'entendant le Carême Tu dois être fçavant, fur tout dans la sçience, Dont on prend fur les bans l'exacte intelligence. Incertain fans cela, bégayant, te troublant, Tu ne peux fur un point décider qu'en tremblant, Ou bien en décidant avec plus d'affurance, Tu viens d'un ton fçavant marquer ton ignorance. Mais prends garde en prêchant de faire vanité De ce langage obfcur dans l'Ecole ufité. Ce langage fçavant ne réuffit qu'aux grilles, Et tu fçais ce qu'on dit, qu'en un Couvent de filles Lingende fit un jour un excellent Sermon; Mais il étoit trop clair, il ne parut pas bon. On s'en plaignit, comment tant de filles fe taire? Hé bien, leur dit Lingende, il faut vous fatisfaire, Je prêche encor demain. Il le fait, & d'abord Jusqu'à la Trinité mon homme prend l'effort. |