Imágenes de páginas
PDF
EPUB

رو

depuis (1), que s'il ne lui avoit pas envoyé une copie de fa Lettre à Cefa, ce n'étoit point par aucune appréhenfion qu'il eût de paffer auprès de lui pour un des flateurs de Cefar & des efclaves de fa nouvelle fortune.,, Je lui ai écrit, dit-il, comme à un égal fans baffeffe & ,, fans oublier le rang que je tenois avant la révolution des affaires. Si j'ai dit du bien de fon Ouvrage contre Caton, c'eft que je n'ai ofe ,, trahir ma confcience ni contredire ma pensée ; & quoique d'un ,, autre côté, il semble que je lui aye parlé avec affés peu de ména,,gement, je fuis pourtant très-perfuadé que ma liberté ne l'offenfera point. Nec mehercule fcripfi aliter,ac fi apos loor pourque fcriberem Bene enim exiftimo de illis libris ut tibi coram. Itaque fcripfi ȧxonaxeútwe &tamen fic, ut nihil eum exiftimem lecturum libentius.

رو

ور

دو

Mr de Saint Yon remettoit le volume des Lettres à Attique, lorf que Mr de Brillat s'avifa de dire que fur ce qu'il venoit d'entendre de Ciceron, il lui paroiffoit que Cefar ne s'étoit pas contenté d'un Livre contre Caton.

Non dit Mr de Rintail, il eft conftant qu'il en avoit composé deux, & l'on peut dire que ce n'étoient pas même deux Livres d'un feul Ouvrage, mais deux Traités féparés & connus parmi les Anciens sous le Titre de Premier & de Second Anti-Catons. Il les avoit faits de fuite fans attendre que Ciceron ou quelque autre Partisan de Caton euffent répondu au premier pour leur oppofer le fecond. S'il l'avoit attendu, il n'en auroit jamais fait plus d'un, puifque la paffion de répondre fans vouloir céder, de parler le dernier, & d'avoir toujours raison ne paroiffoit pas fi violente en ces tems-là qu'elle femble l'avoir été dans ces derniers fiécles, où nous voyons que les feconds, les troifiémes & les quatriémes Anti-Pappus, Anti-Pareus, Anti-Sturmius: Anti-Tristanus, &c. ne font que des repliques qui ont été faites à des réponses, & des tripliques lancées contre des dupliques, s'il eft permis d'employer ces expreffions devant des gens qui ont l'oreille auffi délicate que vous. Il n'y a donc eu, repliquai-je, que l'abondance de la matiére qui ait porte Cefar à faire un fecond Livre des vices de Caton? Combien de Volumes auroit-il fallu pour décrire ceux de Clodius, de Sallufte, de Verrès, de Catilina & de quantité d'autres auprès defquels Caton étoit un grand Saint?

Vous ne doutés pas, reprit Mr de Rintail, que Caton n'ait eu fes. défauts. Peut-être auroit-on été obligé de lui en imputer de chime riques ou de lui attribuer ceux d'autrui, s'il en avoit fallu trouver fuffi

1.Epift. 51. lib. 13.

famment pour remplir deux gros Livres. Mais on jugera aifément que Cefar n'aura pas été obligé de recourir à cet artifice, lorfqu'on faura que fes deux Anti-Catons n'étoient que de fort petits Traités.

Puifque ce font des Ouvrages perdus, dit Mr de Brillat, il vous fera aifé de leur donner tel poids & telle mefure que vous jugerés à propos, fans qu'on puiffe vous obliger à la garantir.

Je ne parle pas tout-à-fait en l'air, répondit Mr de Rintail, & fi vous vouliés un garant, je pourrois vous livrer Juvenal qui témoigne affés les avoir mefurés.

Je m'en rapporte volontiers, repartit Mr de Brillat, à Mr de Saint Yon qui pourra nous répondre la-deffus (1), car pour moi je ne me fouviens plus de cela.

Je vous fai bon gré, continua Mr de Rintail, de l'avoir oublié, & je ferois fâché que Mr de Saint Yon en eût jamais chargé fa mémoire. L'endroit fe trouve dans une Satire (2) qui devroit être fupprimée pour fon infamie, & que je fouhaiterois perdue à la place des AntiCatons. Je ne crois pas que perfonne ait jamais mieux réuffi à deshonorer Cefar; rien n'eft plus propre pour nous infpirer de l'aversion & de l'horreur des deux Anti-Catons, que la place que ce Poëte lui a donnée au milieu de fes ordures. Ainfi je crois que pour épargner notre imagination, nous devons parler d'autre chofe.

Mais encore, lui dis-je, faites-nous connoître au moins en géneral, & en des termes honnêtes ce que Juvenal a voulu dire. La chose ne vaut pas la peine de fe gêner, reprit-il: vous faurés à peu près ce qu'il faut favoir de fa pensée, fi vous vous fouvenés de ce que vous difiés l'autre jour chés un Libraire de la ruë S. Jacques en voyant paffer Mr de la Renaudiere: Que fon nés étoit plus long que deux des Sermons de Mr l'Abbé...... (3)

Laiffons-là Mr l'Abbé, dit Mr de Brillat, il eft de nos amis. Il n'a pas besoin de nous pour devenir ridicule. N'infultons point à la briéveté de fes Sermons. S'ilen faifoit de plus longs, ce feroit encore pis.

1 Ceci fuppofe que Baillet avoit expliqué à fon Difciple agé pour lors de 12. à 13. ans cet endroit de Juvenal. S

2 Sat. 6.

3-11 auroit falu pour rendre la compa

raifon jufte que les Sermons de cet Abbé cuffent été roulés comme Juvenal donne à entendre que l'étoient alors les livres, appelés par cette raison volumina du verbe volvere.

2M

ANTI-HOMERE, ou ANT-HOMERE.

R de Saint Yon qui avoit fouvent jetté les yeux fur lecahier de Mr de Rintail pendant qu'il nous en faifoit la lecture voyant que perfonne ne parloit plus, s'avifa de lui dire. Vous avés avancé devant ces Meffieurs que de tous vos Anti, vous n'en aviés pas trouvé de plus anciens que les deux Anti-Catons ; & que s'il y en a eu, la Poftérité en a perdu la mémoire. Cependant je viens d'appercevoir un Anti-Homere, & un Anti-Gorgias dans la fuite de ceux que vous avés recueillis. Si l'Anti-Homere en veut au Patriarche des Poëtes; fi l'Anti-Gorgias regarde ce fameux Rhéteur de Leontie (1) qui vivoit du tems de la guerre du Peloponefe, & qui felon que je me fouviens de vous l'avoir oui dire lorfque j'étudiois ma Rhétorique, a été l'un des principaux Auteurs de l'Art-Oratoire chés les Grecs : il faut que les Anti-Catons cédent le pas à l'Anti-Homere, & à l'AntiGorgias comme à leurs Anciens. Car je ne mets pas beaucoup moins de quatre cens ans entre Gorgias & Caton ; & ceux qui travaillent à rapprocher Homere le plus près de nous qu'il leur eft poffible, ne feront jamais difficulté de nous accorder qu'en matiére d'Antiquité, Homere a pour le moins fur Gorgias la fupériorité & l'avantage que celui-ci pourroit avoir fur Caton.

Ce n'eft point par les perfonnes qui font l'objet de nos Anti, dit Mr de Rintail, mais par les Auteurs qui les ont compofés, que nous confidérons le tems de leur antiquité. Oui Homere & Gorgias ont paru dans le monde long-tems avant Caton: mais l'Auteur des Anti-Catons a vécu près de 200. ans avant celui de l'Anti-Homere, & plus de 1600.. devant celui de l'Anti-Gorgias.

Nous attendons, reprit Mr de Brillat, que vous nous contiés l'hiftoire de ces deux Auteurs, le récit que vous en ferés fera le meilleur moyen de nous perfuader de ce que vous nous en dites.

Je n'ai que deux mots à vous dire de celui qui a fait l'Anti-Homere, repartit Mr de Rintail. Cet Auteur n'eft autre qu'un Grammairien d'Alexandrie nommé Ptolomée, & furnommé chennus qui vivoit du

Il paroit que comme de Byzantium on ne dit pas Byzae mais Byzance, on devroit auffi de Leontium dite plutot Léonce que Léontie. Je croirois même que comme en retenant

terminaifon Latine on dit en François

Latium, Actium, Clufium, &c. Le meilleur feroit d'y dire auffi Leontium. Il fembleroit fi l'on difoit Léontre que ce feroit un féminin qui viendroit de Leontia. S

tems

tems des Empereurs Trajan, & Adrien (1). C'eft ce qu'on peut vous Anti-Homere. rapporter fur la foi de Suidas à qui nous avons l'obligation de nous avoir fait connoître au moins les noms de divers Auteurs, & les Titres de plufieurs de leurs Ouvrages que le tems & la barbarie nous ontfait perdre. Suidas (2) nous apprend que ce Ptolomée étoit fils d'Hephæftion, & cette circonftance peut nous fervir comme une petite lumiére capable de nous faire découvrir le même Auteur dans la Bibliothéque de Photius Patriarche de Conftantinople (3). Là nous trouvons un abrégé affés curieux de l'Hiftoire nouvelle de Ptolomé fi s d'Hepheftion. Mais,bon Dieu, quelle Histoire ! Nous trouverions peutêtre moins à redire au Titre de cet Ouvrage, s'il ne s'y étoit point appliqué plus férieufement que Lucien dans fon Hiftoire véritable ou Rabelais dans fon Pantagruel. Avouons pourtant que l'extrait que nous en donne Photius, n'est point inutile à ceux qui recherchent les Antiquités fabuleufes, & que Ptolomée avoit l'efprit entiérement tourné vers la Fable autant qu'on en peut juger encore par d'autres de fes Ouvrages, & fur tout par fon Roman du Sphinx dont Suidas fait mention.

Il ne faut pas douter, lui dis-je, que fon Anti-Homere ne foit de cette catégorie. A juger de l'Ouvrage par ce Titre, je n'attens rien moins qu'une réformation de la Mythologie d'Homere, ou quelque Critique de ce Pere des Fables.

C'eft fe laiffer prendre à l'ambiguité de cet Anti, me répondit-il, que d'avoir cette penfée. Il faut vous guérir de votre erreur, en vous difant que l'Anti-Homere, ou plutôt l'Anthomère, comme il a plû à Ptolomée de l'appeller par fyncope, étoit un Poëme Grec qui paroît n'avoir pas eu d'autre rapport avec les Ouvrages d'Homere, que celui d'être divifé en Vingt-quatre Livres comme fon Iliade, ou comme fon Odyffée. C'est au moins l'opinion d'un Savant de ces derniers fiécles (4) qui femble avoir voulu porter fes vûës plus loin que Suidas qui s'étoit contenté de nous dire que l'Anthomere étoit un Poëme de vingt-quatre Livres, fans éxaminer les intentions de l'Auteur dans. fon Titre, & fans y chercher autre chose que des mots.

1 Après l'Anticaton, il y avoit lieu de parler d'un Ants plus ancien de quelqué cent ans que celui de ce Ptolomée, favoir de Antibucolica dont il eft fait mention dans la vie de Virgile publice fous le nom de Tiberius Claudius Donatus, en cet endroit où il eft dit que les Bucoliques de Virgile ayant paru, un badin qui n'eft point nommé etr arodia ridiculement deux Eglogues, & Tome VII

intitula ces parodies Antibucolica. Cepaffage
eft corrompu dans les éditions communes,
mais voici comme il fe lit dans les plus cor-
rectes: Prolatis Bucolicis, innominatus quidam
refcripfit Antibucolica, duas modo Eclozas, fedt
infalfiffime παρωδήσεις

2 Suid. Lexic.

3 Myriobibl. fert. 190,-
4. Voff. de Hiftor. Græc.lib. z.
C.

Anti-Homere.

J'entens, lui repliquai-je, ce qu'a voulu dire votre Savant. Il faut felon lui que nous confidérions Ptolomée comme un Singe d'Homere, au lieu d'un Adverfaire que le Titre d'Anthomere sembleroit d'abord représenter à notre esprit.

Eft-il poffible, dit Mr de Rintail en fe tournant vers Mr de Brillat, que nous ne venions pas à bout d'ôter à Mr de Verton le préjugé odieux où il paroît être à l'égard des Anti. J'attens au moins ce bon effet de ce que je pourrai vous dire dans la fuite de mon cahier, lorfqu'il fera question de l'Anti-Claudien. J'espére vous faire voir en cet endroit qu'il peut fe trouver des Anti de fimple imitation, comme il ⚫ y en a de contradiction ou d'opposition.

Pour moi, dit Mr de Brillar, je n'ofe pas condamner Mr de Verton fi promptement, & je ne le juge pas extrémement coupable de préoccupation pour n'avoir pas une opinion fort avantageufe du Poëme d'un Egyptien fu un Titre d'Anti-Homere, lorsqu'on préfume avec lui que le mérite de cet Ouvrage confiftoit peut-être dans l'induftrie que l'Auteur avoit euë, de couper fon Poëme en vingt-quatre morceaux, afin de le rendre au moins par cette confidération, femblable à l'un des deux célébres Poëmes d'Homere.

Pauvre induftrie, repartit le jeune Mr de Saint Yon! S'il fuffifoit de faire des Poëmes Grecs de vingt-quatre Livres pour mériter le Titre d'Anti-Homere, il n'en faudroit que douze en Vers Latins pour porter celui d'Anti-Virgile. L'Ignatiade du P. le Brun, le Conftantin du P. Mambrun feroient à ce compte-là des plus parfaits d'entre les AntiVirgiles, fur tout lorsqu'on y joindroit leurs Eglogues & leurs Géorgiques fpirituelles.

On peut vous paffer votre réfléxion, dit Mr de Rintail à Mr de Saint Yon. Mais les deux Poëtes dont vous venés de nous parler, ont été trop judicieux pour fouffrir à la tête de leurs Poëfies un Titre d'auffi mauvais augure que celui d'Anti-Virgile. L'un d'eux ne voulant pas nous laiffer perdre fon modéle de vûë a mieux aimé faire porter à fon Ouvrage le nom de Virgile Chrétien. Il a fait encore l'ovide Chré⚫tien, comme le P. Jonin avoit fait l'Anacreon Chrétien, le Bion Chrétien, & comme deux Poëtes Latins d'Allemagne nous ont donné des Terences Chreftiens. Ces Auteurs pouvoient alléguer deux prétextes affés fpécieux pour appeller leurs Ouvrages Anti: Terence, Anti-Bion, &c. l'un d'avoir tâché d'imiter ces Anciens Poëtes dans le ftyle & la méthode, l'autre de s'être étudié à oppofer des fentimens Chrétiens à ce qu'ils pouvoient avoir de profanes. Mais enfin ils n'ont pas jugé à propos de deshonorer leur Ouvrage.

« AnteriorContinuar »