Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Nagelius fe croyoit destiné par la Providence pour révéler les Mystéres de l'Apocalypfe. Pour en venir à bout, il avoit appellé l'Aftrologie à fon fecours. Entre autres Visions il renouvelloit celle des Millénaires.

Plufieurs Luthériens prirent la plume pour le réfuter & pour arrê ter le cours de fa nouvelle fecte: mais de tous fes Adverfaires je n'ai remarqué que Philippe Arnold qui ait fait un ANTI-NAGELIUS. C'est le titre qu'il mit à la tête d'un Livre Allemand qu'il fit imprimer contre Nagelius l'an 1612. in-4°.

83

D

ANTI-SYNCRETISTE.

Epuis hier, dit le jeune Mr de S. Yon, que je vous ai entendu parler des opinions fyncretistiques d'un George Calixte, j'épie l'occafion de vous demander ce que c'eft qu'un syncretiffe, & ce que veut dire Syncretisme.

Si j'avois à vous expliquer ces ternies par leur étymologie, répondit Mr de Rintail, c'eft à vous que ces Meffieurs & moi devrions nous adreffer. Vous ne manqueriés pas de nous conduire par les degrés ordinaires des Grammairiens jufqu'à συγκεράννυμι.

Bon, reprit Mr de S. Yon, fi vous difiés Syncatrifte, & Syncratifme. L'un vaut l'autre, répartit Mr de Rintail; les Savans d'Allemagne qui parlent, ou qui écrivent en Grec, ne se croyent pas obligés de parler toujours le Dialecte commun ou l'Attique, ils favent que l'Ionique a fes graces (1).

Quoiqu'il en foit, le Syncretisme des Allemans en matiére de Religion, n'est autre chofe que le mélange des Sectes différentes en une feule Communion, ou fi vous l'aimiés mieux : La Réunion des Sociétés feparées par le fchifme. Je ne fache point que perfonne ait encore fait l'hiftoire du Syncretisme : c'eft pourquoi je vous en ferai la divifion telle que je pourrai. La maniére dont les Proteftans ont traité l'affaire du Syncretisme foit en l'attaquant, foit en le défendant, nous donne lieu de le diviser en deux façons. Si l'on considére le Syncretisme 1 Il s'eft extrêmement trompé d'avoir cu que Syncretifme, en Grec Συγκρητισμός, venoit de συγκεραννυμι, & qu'on avoit dit συγκρητισμός ioniquement, au lieu de ovyxenoμg's dans la fignification de méLange. Premiérement ouyxus eft un compofé que les Grecs ne connoiffent point. Secondement peu de perfonnes ignorent que

Συγκρητιστι & Συγκρητισμός font des fa cons de parler proverbiales, empruntées des peuples de Crère, qui malgré leurs divifions ordinaires, ne manquoient pas de fe réunir quand ils étoient menacés d'un péril commun. Plutarque dans fon Traité de l'amitié fraternelle a mis ce proverbe dans tout fon jour.

A a iij

Anti-Syncretile. en lui-même, il y en a de quatre fortes, 1o Le Syncretisme général,

[ocr errors]

c'est-à-dire, la réunion des Luthériens & des Calvinistes avec les Catholiques. 2° Le Syncretifine des Luthériens avec les Catholiques a l'exclufion des Calviniftes. 3° Le Syncretifme des Luthériens avec les Calviniftes à l'exclufion des Catholiques. 4° Le Syncretisme des Calvinistes avec les Catholiques. Mais cette derniére espéce ne doit point paffer pour un Syncretifine d'Allemagne, où on n'a point encore agité la queftion de réunir les Calvinistes avec les Catholiques à l'exclufion des Luthériens. S'il faut admettre cette derniére espéce, on la prendra plutôt pour un Syncretisme de France, & d'Angleterre où les Miniftres des Reformés, les Prélats des Epifcopaux, & d'autres Auteurs (1) avoient dreffé divers projets de Réunion, & fourni des moyens, & des propofitions de paix avant que Louis le Grand eût rendu la France toute Catholique.

Mais fi l'on regarde le Syncretilme par les difpofitions locales, on pourra le divifer en quatre autres efpéces felon les lieux où il a pris naiffance, & où il a été le plus agité. Ainfi l'on peut compter 1° Le Syncretisme de Helmftadt petite ville au Duc de Brunfwic, c'est celui des Calixtins, & le plus célébre de tous. 2° Le Syncretifme de Caffel au Lantgraviat dont le Prince Guillaume Lantgrave de Heffe femble avoir été l'Auteur. 3° Le Syncretisme de Brandebourg ou de la Marche, dont Bugey & Botticher femblent avoir été les principaux promoteurs. 4° Le Syncretifme de Pruffe dont on fait Auteurs Drejer, Laterman, & quelques autres Profeffeurs de Konigsberg. Mais à dire le vrai, je crois qu'on pourroit rapporter ces quatre fortes de Syncretilme local à la troifiéme espéce de la premiére divifion, je veux dire au Syncretisme des Luthériens avec les Calviniftes à l'exclufion des Catholiques. C'est le point dans lequel elles conviennent toutes quatre, quoiqu'elles différent entre elles par de certaines conditions qu'il feroit trop long de vous. fpécifier.

Le nombre des Ecrits que les Luthériens francs ont composés contre les Syncretiftes, n'eft pas aifé à compter: mais il s'en eft trouvé peu qui ayent eu la dureté d'employer le titre fatirique d'Anti pour repouffer l'humeur pacifique de ces Ecrivains de reconciliation & de concorde. Je me contenterai de vous en nommer quatre ou cinq des plus zélés, qui n'ont point fait difficulté de faire porter à leurs ouvrages la qualité d'Anti-Syncretiste.

Le premier eft le Sieur Abraham Caloff, ou Calovius né en

› Dyffe, d'Huiffean, &c. Davenant, Morton, Hall. Forbes, Dureus, &c;

1612. Théologien Saxon que je crois encore vivant, & qui eft d'ailleurs homme d'éradition; & fort eftimé parmi les fiens.

Le fecond eft Jean Botfacc Profeffeur & Miniftre des Luthériens à Dantzick mort en 1674. comme je vous l'ai fait remarquer ailleurs.

Le troifiéme eft Pierre Haberkorn Profeffeur de Gieffen mort en 1676. dont j'ai eu occafion de vous parler au sujet de l'Anti-Valerien.

Le quatriéme eft Jerôme Kromayer Profeffeur de Leipfick mort en 1670. âgé de foixante ans, fur les livres & la vie duquel je vous entretiendrois plus au long fi je prétendois que les Anti-Syncretistes fuffent blâmables comme les autres Auteurs fatiriques d'Anti.

Le cinquiéme est le Sieur Schertzer Profeffeur en la même ville, mort en 1683. dont je vous ai parlé dans l'article des Anti-Bel

larmins.

Vous pretendés-donc, reprit Mr de Brillat en interrompant Mr de Rintail, que les Anti-Syncretistes font plus tolérables que les au tres Anti.?

Oui fans doute, repartit Mr de Rintail, fi vous vous fouvenés de la différence que j'ai établie dans notre premiére conversation entre les Anti Perfonnels & les Anti Réels. Encore que les Syncretistes foient une secte d'hommes comme les Zwingliens, & les Calviniftes, je n'hésiterois pourtant pas d'ôter les Anti-Syncretistes du nombre des Satires perfonnelles, puifqu'ils n'attaquent & ne deshonorent la perfonne d'aucun Adverfaire, & qu'ils ne marquent le nom de perfonne dans leur titre. Si je m'étois chargé de vous chercher d'autres titres fatiriques que des Anti contre les Syncretistes, je vous produirois le Syncretismus Pilato-Herodianus de Drefchler; le Syncretifmus Paradifiacus, & fons omnis Syncretismi à diabolo, &c. par Deutschman; & d'autres de cette nature.

84 5.1.

Q

ANTI-WILLIUS.

Uoique l'ANTI-WILLIUS foit un ouvrage de controverse fatirique, ou de contestation de Luthérien à Calviniste, il fe trouve néanmoins, je ne fai par quel hazard, à la queuë des piéces Luthériennes contre les Luthériens. Il eft vrai que Crowæus, & quelques autres Critiques prétendent que Balthazar Willius qui a donné lieu à l'Anti-Willius, étoit Luthérien : mais je ne

voudrois que l'Anti-Willius pour les détromper de cette opinion; & je leur alléguerois plufieurs de fes ouvrages imprimés dans des boutiques Zuingliennes pour leur perfuader le contraire. Si d'un autre côté l'on venoit m'oppofer d'autres ouvrages du même Willius imprimés à Caffel au Lantgraviat de Heffe pour nous faire voir qu'il n'avoit pas renoncé au Luthéranifme, je confentirois volontiers qu'on le mît dans la Claffe de ceux que les Inquifiteurs appellent Luthero-Zuingliens.

L'Anti-Willius doit fon origine à un livre que Michel Havemans, ou Havemannus avoit publié dans la ville de Hamboug l'an 1647. fous le titre d'Eris Euchariftia in-12. Il eft conftant que Haveman étoit Luthérien : mais il admettoit en même tems diverfes opinions des Calvinistes, ou Zuingliens. Son Livre du combat, on conteftation Euchariftique ne fut pas trouvé bon dans toutes les parties, fur tout par Balth. Willius qui en voulut attaquer les premiers chapitres. C'est ce qui lui attira de la part de Haveman le Libelle intitulé Anti-Willius, five, Expedita Refponfio, quod Balthazar Willius duo priora Capita Eridos fue Euchariftice oppugnare non potuerit. Ce second Ouvrage fut imprimé l'an 1656. dans la même Ville & en la même forme que le premier.

Haveman étoit në le 29. de Novembre, ou plutôt de Septembre jour de faint Michel de l'an 1597. dans la ville de Brème qui étoit encore alors Archevêché, ou Siége Métropolitain. Il étudia les langues fous Slutter & Cafiman, après quoi on l'envoya à Hambourg pour continuer fes études fous Lauremberg. De là il passa à Roflock où il fit fa Théologie fous les deux Tarnow. Ils le firent recevoir Maître ès-Arts. Ayant paflé huit ans dans l'Univerfité de Rofock, les Echevins de la ville de Staden dont fon Pere étoit Collegue l'appellérent pour lui donner de l'emploi. Il obéit d'autant plus volontiers qu'il confidéroit cette ville comme fa feconde patrie. Ily. vint en 1624, y enfeigna la Philofophie, les Mathématiques. Il s'y maria & fut Re&eur de l'Univerfité l'an 1625. puis Théologal de faint Cofme faint Damien, Miniftre du Château, & Ancien des Pafteurs. Durant la Guerre de Suede, le Comte de Tilly s'étant rendu Maitre de la Ville de Staden, y rétablit la Religion Catholique avec l'Evêque d'Ofnabruck, & chaffa les Miniftres. Haveman fe fauva à Hambourg, mais le Comte de la Frife Orientale le fit Miniftre principal d'Aurick & de Norden, Profeffeur & Recteur du Collége du lieu. Après la paix de Munfter, les Suedois étant devenus paifibles Poffeffeurs de Brème & de Verden fous le titre de Duchés

il

il fut établi Surintendant Général des Eglifes Luthériennes des Diocèfes de ces deux Villes dont on avoit fupprimé la Prélature Catholique. Il fut fait en même tems Président du Confeil Royal de Suede à Staden. Il mourut le 24. jour de Janvier de l'an 1672. après 75. ans de vie, 47. de mariage, 46. de Ministére,& 21. d'Epifcopat ou de Surintendance.

84 §. 2.

C

ANTI-B OHMI U S.

'Eft au hazard que je compte Jacques Bóhme Cordonnier de Gorlitz en Luface (1) parmi les Schifmatiques Proteftans qui font fortis du fein du Luthéranifme pour faire une fecte à part. Si j'ai bien rencontré, l'on ne m'accufera point d'avoir mal placé ici l'ANTI-BOHMIUS du Sieur Calovius ou Caloff l'un des plus célébres Docteurs que les vrais Luthériens ayent eus en ces derniers tems. Cet Ouvrage eft un des plus recens d'entre les Anti. Il fut imprimé à Wittemberg en Saxe l'an 1684. in-4° fous le titre de Abrahami Calovii Anti-Bohmius, quid habendum de Jacobi Bohmen futoris Gor licenfis Secta, &c. L'Ouvrage n'eft point encore tombé entre mes mains, ainsi je ne puis vous dire de quelle nature eft la nouvelle fecte de ce Bóhmen, ni quelle en a été la fortune jufqu'ici. Je ne fuis pas mieux inftruit de ce qui concerne la perfonne de ce nouveau Se &taire, je fai feulement qu'un autre Luthérien d'Allemagne nommé Jean Müller a compofé en langue vulgaire un Livre contre le même Bohmen qu'il a fait imprimer à Hambourg in-8°.

Nous avons quelques Ouvrages tant en Latin qu'en Allemand qui ont paru dans ce fiécle fous le nom d'un Jacques Bóhmen. Je ne* ferois pas éloigné de croire que notre Bóhmen dont il s'agit içi, fùt l'Auteur de celui qui fut imprimé en Latin à Francford en 1676. in-8° fous le titre de Jacobi Bohemi Aurora Philofophiæ, Theologiæ, & Aftrologia; & je lui en attribuerois volontiers un autre que Mr Lipenius Auteur Allemand qui a écrit en Latin, nous représente dans fa Bibliothéque Philofophique comme un Ouvrage compofé en François fous le titre de Miroir temporel de l' Eternité par Jacob Bohm imprimé à Francfort l'an 1664. in-8°.

¶ Ce Bohme étoit un Myftique comme nos Quiétistes.

Tome VIK

Bb

« AnteriorContinuar »