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avantageusement de l'Anti-Claudien, & Mr de Brillar me prévint Anti-Clauden. lorfqu'il dit à Mr de Rintail. Si vous continués, vous pourrés. bien yous brouiller avec Mr Baillet votre ami & le notre. L'idée qu'il nous ayoulu donner de l'Anti-Claudien dans fon Recueil de Jugemens fur les Poëtes Latins, pourra-t-elle fe concilier avec tout le bien que vous venés de nous en dire?

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Oui, nous répondit-il, fi vous y joignés auffi le mal que j'en ai dit. Mr Baillet en a dit du bien & du mal. Quai-je fait autre chofe? Il a même ajouté plus que moi une circonftance qui eft avantageuse à l'Anti-Claudien. C'est l'honneur d'avoir non feulement été traduit en François depuis près de deux cens ans, mais d'avoir encore été réduit en un bel abrégé & enrichi de digreffions morales par Adam de la Baffée Chanoine de l'Ifle qui étoit un homme d'importance vivant furla fin du quatorziéme siècle.

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Ont-ce-là les Prédéceffeurs de l'Anti-Baillet dont vous nous Anti en général. promettiés l'histoire, dit Mr de Brillat à Mr de Rintail? Sontce-là ces Ancêtres dont la race eft devenuë si odieufe? Si le recit que vous avés à nous faire des fuivans, n'arien de plus affreux que ce que nous venons d'entendre, je crains de ne pas remporter chés moi toute l'averfion que Mr de Verton m'en avoit donnée en venant ici.

Ayés patience, Monfieur, vous ne voyés pas, lui dis-je, que Mr de Rintail a voulu imiter ces Généalogiftes ingénieux d'Espagne, & de Flandre, qui pour faire plus d'honneur à leur Nobleffe, favent trouver les moyens d'en faire remonter l'antiquité jusqu'à Japhet. Mr de Rintail nous fait affés connoître qu'il n'a point eu l'intention de nous perfuader que l'Anti-Baillet & fes femblables foient defcendus en droite ligne de ces anciens Anti.

Trouvés-moi, répondit Mr de Rintail, quelque origine qui ne foit point fabuleufe, dès que vous cherchés à la placer dans l'Antiquité. Ne vous fouvenés-vous pas qu'une Maifon ne paffe pas pour être des plus illuftres lorfqu'on ne fauroit reculer fa généalogie au de-là de l'Hiftoire, & la faire paffer jufqu'aux tems Héroïques. Je parle à des gens qui ont lû Diodore de Sicile, & qui par conféquent ne m'obligeront pas de leur donner une explication des tems Héroïques on Fabuleux. Je ne me fuis pas engagé à vous faire voir que l'Anti-Baillet & fes femblables fuffent de la même efpéce que ces anciens dont je vous ai rapporté quatre éxemples. Loin de vous faire croire qu'ils fuffent méme du nombre de ces Defcendans infortunés

qui font dégénérés, & qui ont laiflé effacer les traces que leurs Âïeux leur avoient marquées, je fuis prêt de vous montrer que leur véritable origine n'est pas fort éloignée de nous. Vous aurés fans doute aflés de pénétration pour juger qu'ils ne doivent leur naif fance qu'à la corruprion du genre humain qui s'eft gliffée enfin dans la République des Lettres depuis deux cens ans avec autant de licence, qu'il s'en pourroit trouver dans l'armée la plus mal disciplinée des Barbares, ou dans une fociété de Bohemiens & de Brigands. Après cela je vous permettrai de comparer leur origine avec celles des Infectes qui naiffent de la corruption de la terre, je veux dire de l'infection & de l'ordure.

J'aurois fouhaité, pour l'Anti-Baillet & fes femblables, pouvoir découvrir une fource plus pure, & moins proche de nous: mais pourquoi n'eft-elle pas plus incertaine, & plus obfcure? Ne fait-on pas que ce n'eft qu'à la faveur de l'incertitude & de l'obscurité que les d'Hozier, les du Bouchet, les du Chefne peuvent conduire furement de certaines Généalogies, annoblir de certaines Maisons, purifier leurs origines, & faire remonter leurs fources jufqu'à la belle Antiquité.

Croyés-vous, lui dis-je en l'interrompant, que Mr de Brillat & moi nous nous intereffions fi fort dans l'honneur, ou dans la fortune de vos Anti? Qu'ils s'en prennent à leur destinée, ou à l'état de leur nature, s'ils ne peuvent pas être autre chofe que ce qu'ils font. Mais voyons toujours ces Prédéceffeurs de l'Anti-Baillet, voyons fi vous pourrés nous faire fentir cette grande différence que vous prétendés mettre entre eux & les quatre anciens dont vous venés de nous faire l'hiftoire.

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'M

R de Rintail changeant auffi-tôt de cahier, nous dit d'un air de compaffion qu'il ne pouvoit nous diffimuler que la plupart de ces Anti Modernes & Prédéceffeurs de l'Anti- Baillet avoient eu le malheur de naître dans l'Héréfie, c'est-à-dire dans des Sociétés féparées de notre Communion; qu'il en avoit auffi apperçu quelques-uns parmi les Catholiques, mais qu'il n'affuroit pas que ceux d'entre eux qui avoient pris des maniéres fatiriques, même contre la perfonne des Hérétiques, n'euffent pas deshonoré l'Eglife. Il ajouta que les moins raisonnables à son sens, étoient ceux qui fous le nom odieux d'Anti avoient prétendu traiter les matiéres de Religion qui demandent d'être maniées avec toute la fageffe, & tout le respect poffible.

Je pris occafion de cette pensée, pour lui demander s'il y avoit du deffein dans fon Recueil, & s'il y avoit fait entrer quelque divifion pour donner de l'ordre, ou de la méthode à la lifte de ses Anti.

Il me répondit que ceux qui pourroient trouver du deffein dans fon Recueil en la maniére que je l'entendois, feroient plus ingénieux que lui; que fon intention avoit été fimplement de faire un Catalogue plus ou moins raifonné, felon que les fujets lui avoient paru plus ou moins importans. Pour la méthode qu'il y avoit gardée, il nous dit qu'il n'avoi pas crû devoir s'affujettir à l'ordre des tems, parce qu'il ne s'agiffoit que d'Ecrivains modernes des deux derniers fiécles, & que plufieurs avoient vécu dans les mêmes tems.

Divifion de ce

Il s'étoit contenté d'une efpéce de divifion que je veux vous rapporter ici avant que de finir la rélation de ce premier Entretien, afin Traité. de n'être pas obligé de la répéter à la tête du fecond dont je vous rendrai bon compte au premier jour. Il avoit partagé fon Recueil, ou fon Catalogue raisonné en deux principales parties. La premiére comprenoit les Anti que l'on trouve à la tête des Ouvrages de Théologie, &la feconde étoit pour ceux qui regardent les fciences humaines.

La premiére partie fe trouvoit encore divifée en divers chapitres affés inégaux entre eux fuivant le nombre des Anti qu'ils contenoient. Le 1. Chapitre étoit destiné aux Anti des Proteftans en général contre les Catholiques ; le 2. à ceux des Proteftans en particulier contre euxmêmes, & premiérement des Luthériens contre les Calvinistes; le 3.à ceux des Luthériens contre les Luthériens leurs confréres; le 4. à ceux des Calviniftes contre les Luthériens; le s. à ceux des Calviniftes contre d'autres Calviniftes; le 6. à ceux des Proteftans en général contre les Sociniens & contre les Juifs; le 7. à ceux des Catholiques contre les Proteftans ; le 8. à ceux de quelques Catholiques entre eux: mais ce dernier Chapitre étoit fi peu de chofe, que Mr de Rintail vouloit que nous le comptaffions pour rien.

La feconde partie du Recueil qui étoit pour les Sciences humaines, avoit aufli fes Chapitres différens. Le 1. contenoit les Anti dans le Droit & la Politique; le 2. dans la Philofophie & les Mathématiques; le 3. dans la Médecine; le 4. dans l'Hiftoire facrée & profane ; le 5. dans les belles Lettres.

Voilà, Monfieur, quelle étoit la divifion des Anti qu'il appelloit perfonnels, & qu'il nous faifoit confidérer comme des Piéces fatiriques & injurieuses au moins dans leur Titre. Il avoit fait un autre cahier pour les Anti réels qui ne regardentque les chofes fans en vouloir aux perfonnes: il n'en défapprouvoit pas le Titre, & nous difoit que

la plupart des Anti perfonnels auroient eu plus de jufteffe, s'ils n'avoient été que réels. Il nous en a promis la lecture & de mon côté je vous en promets au moins un abrégé en fon tems.

Mr de Rintail avoit donc pris déja le cahier fur lequel il avoit à nous entretenir touchant les Anti des Proteftans contre les Catholiques, & il commençoit à nous faire faire quelques réfléxions générales fur les Anti-Becans, & les Anti-Bellarmins qui fe rencontroient les premiers ur fa feuille, lorfque nous vîmes entrerchés lui une compagnie qui fui fit remettre le cahier dans le tiroir de fa table. C'étoient le P. Briet, & le P. de Billy accompagnés de l'Abbé Nitar de Bellay. Le premier en qualité de parent, & les deux autres comme alliés de Mr de Rintail ne devoient pas être du nombre des Fâcheux dont la présence fait fufpendre la liberté des Entretiens, & qui troublent ce que la familiarité peut avoir d'agrément dans une Compagnie. Mais nonobftant leur privilége, Mr de Rintail nous fit affés connoître qu'il ne les avoit pas choifis pour être fes Auditeurs dans la lecture de ses Anti. Les deux Peres & Mrl'Abbé fembloient n'être venus que pour complimenter Mr de Saint Yon fur le fuccès d'une nouvelle expédition de Mr le Marquis de Valbeil fon Pere, & pour apprendre des nouvelles d'Angleterre. Mr de Brillat s'étant levé & moi avec lui, nous prîmes congé de Mr de Saint Yon qui nous fomma de revenir, & Mr de Rintail nous dit adieu tout bas pour trois jours.

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Où commence l'Hiftoire des Prédéceffeurs de l'Anti- Baillet.

Entre Meffieurs de Saint Yon, de Rintail, de Brillat, Terlaine, & de Verton.

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J

Envoyé à Mr de la Cour d'Oronne.

ANTI des Modernes.

PREMIERE PARTI E.

ANTI qui se trouvent à la tête des Ouvrages de Théologie.

'AI confidéré, Monfieur, la fatisfaction que vous m'avés témoignée de la Rélation que je vous ai envoyée de notre premiére converfation avec Mr de Rintail comme un engagement honnête à vous envoyer encore celle de la feconde, & à vous faire espérer celles des fuivantes fi vous continués d'en être

content.

Au bout des trois jours marqués par Mr de Rintail, je fus chés Mr de Brillat que je trouvai levé de table & tout prêt de me venir prendre fi je ne l'avois prévenu. Il avoit donné à diner à Mr Terlaine d'Alby qui foit par conjecture, foit par l'entretien qu'il avoit eu à table, s'étoit douté que Mr de Brillat devoit donner l'après midi à Mr de Rintail qu'il avoit vû depuis notre premiére vifite. Il nous furprit lorsqu'il nous fit connoître qu'il favoit le fujet de l'Entretien

Tome VII.

E

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