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D

ANTI-COPPENSTEIN.

E's que Mr de Rintail eut nommé l'Anti-Coppenstein pour nous en faire l'hiftoire, ce nom me frappa d'abord, & je lui demandai fi ce n'étoit pas encore un Allemand? Oui, me répondit-il, & vous en aurés peut-être meilleure opinion de l'Anti-Baillet. Comment cela, reprit Mr de Brillat? C'eft, dit Mr de Rintail, qu'encore que l'Anti-Baillet ne foit point un Allemand de naiffance, la. plupart de fes Prédéceffeurs ont été Allemands. Vous l'avés vû dans tous les Anti-Becans, dans tous les Anti-Bellarmins ; dans l'AntiBertius, & l'Anti-Cochlée, mais vous le verrés encore mieux dans les Anti fuivans.

Pourquoi donc, repliquai-je, voudriés-vous que nous en eussions meilleure opinion de l'Anti-Baillet?

Si ce n'est pas un grand avantage à l'Anti-Baillet, repartit Mr de Rintail, d'avoir eu des Allemands pour Ancêtres, ou pour Prédéceffeurs ; vous ne difconviendrés pas au moins que ce ne foit pour lui beaucoup d'honneur de pouvoir fe vanter d'une origine semblable à celle des Peuples les plus célébres qui foient aujourd'hui dans la partie la plus confidérable de l'Europe. Ne reconnoiffons-nous pas en France les anciens Francs, les Bourguignons, une partie des Gots, & les Normans pour nos Ancêtres? Les Italiens peuvent-ils renoncer les Oftrogots, les Herules, les Huns, & les Lombards? Les Efpagnols ne doivent-ils pas une partie de leur naissance aux Wifigots, & aux Vandales? l'Angleterre n'eft-elle pas encore peuplée par les Descendans des Pictes, des Angiles, & des Saxons?

Voilà, dit Mr Terlaine, des origines tout-à-fait Allemandes, ou du moins Germaniques, pour parler un peu plus jufte. Il faudroit que l'Anti-Baillet fût bien fier, je dis plus, bien ingrat, & bien dénaturé pour refufer de reconnoître des Peres, & des Aïeux d'un pays qui en a donné à tout ce qu'il y a de plus noble, & de plus qualifié dans l'Europe.

Quoiqu'il en foit, reprit Mr de Rintail; l'Anti-Coppenstein étoit d'Allemagne comme plufieurs autres Anti. Il fut mis en lumiére l'an 1626. in-4°. dans la Ville d'Erfurt en Turinge fous le Titre d'AntiCoppenfteinius, five, Spongia Coppenfteiniane contra Papeo-Calvinismum directe modefta methodica Refutatio. Il avoit pour Auteur un Théologien Proteftant nommé Jean Himmelius qui avoit publié

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contre les Calviniftes, & contre nous quelques Papeo-Calvinisme que Anti-Coppenstein. je n'ai point vû, & qui n'eft peut-être autre chofe que le Livre intitulé Calvino-Papifmus, five Hermonia Calvino-Papiftica Theoretico-practica, & imprimé dans la même Ville d'Erfurt in-4°. l'an 1624.

Un Auteur Catholique nommé Jean-André Coppenstein entreprit de repouffer cet Adverfaire, & voulut lui montrer que ce n'étoit pas aux Catholiques Romains, mais aux Luthériens qu'il devoit affocier les Calviniftes. Il donna pour Titre à fon Ouvrage Concordia Lutherano-Calviniftica qui fait partie de fon Lutherc-Calvinisme compofé de trois Tomes in-4°. en 1624.

Himmelius ne manqua point de repliquer par un nouveau Livre, qu'il intitula Concordia concors Pape-Calviniftica oppofita Concordia Lutherano-Calvinistice Joh. Andree Coppenfteinii, & qu'il fit imprimer à Jhéne (1) dans les terres du Duc de Saxe-Weimar. l'an 1625, in-4°.

Coppenstein ne crut pas devoir laiffer ce dernier Ouvrage fans Réponfe. Celle qu'il lui prépara, fut publiée l'année fuivante à Francford fur le Mein in-8°. fous le Titre de spongia concordie Pape-Calvinistica, quam Joh. Himmelius Concordie Lutherano-Calvinistica oppofuerat, &c. Il feroit fuperflu maintenant de vous dire que c'eft ce Livre de l'Eponge qui a fait naître l'Anti-Coppenftein.

Je trouve, dit Mr de Brillat, la fuite hiftorique que vous venés de nous donner des Ecrits à qui l'Anti-Coppenftein eft redevable de ce qu'il eft, affés courte, & affés claire. Nous ne ferions pas moins curieux d'apprendre auffi quelque chofe de la vie de fon Auteur, & de celle même de Coppenftein. Souvenés-vous donc de ce que Mr Terlaine vous a dit fur ce fujet à l'occafion de l'Anti- Cochlée.

Je ne me fuis pas trompé, répartit Mr de Rintail, lorsque j'ai répondu à Mr Terlaine que la vie & les actions des Ecrivains Ĉatholiques, fur tout de ceux qui n'ont été d'aucun Ordre Régulier, nous font ordinairement moins connuës que celles des Ecrivains Proteftans. Admirés tant qu'il vous plaira cette bizarrerie, & tirés-en telles conféquences que vous voudrés. Je vous dirai que Jean Himmelius naquit à Stolpe en Pomérante l'an 1581. le jour de Saint Jean l'Evangélifte qui étoit un Mardi, & qu'il fut jumeau d'une foeur qui vécut un an moins que lui. Il étudia en diverses Villes de la Saxe qu'il eft peu utile de vous nommer. Après quelques voyages qu'il

1 ¶ Il faut écrire & prononcer lé1e, comme on écrit & prononce ïambe, Ionie, &c.

fit jufqu'aux extrémités de l'Allemagne, le Marquis de Bade George Frederic le fit Principal du Collége de Durlach ; & au bout de quatre ans, c'est-à-dire en 1612. il eut le même emploi à Spire pendant deux ans, après lefquels on le fit Théologal, ou Prédicateur de la Ville. Il pafla Docteur en Théologie à Gieffen en 1615. Ayant été enfuite ordonné Miniftre à la Luthérienne, il devint Professeur en Théologie au Collége de Sall, je veux dire dans l'Univerfité de Iéne en Saxe. Il avoit époufé deux femmes dont la premiére lui avoit donné beaucoup d'enfans. Il mourut l'an 1642. après avoir choifi lui-même le texte de fon Oraison funébre.

Pour Coppenstein, il faut vous avouer que je n'ai encore pû découvrir ni le lieu, ni le tems de fa naiffance, & de fa mort. J'ignore. encore quels ont été ses emplois & fa profession; je fai seulement. qu'il a trompé quelques Auteurs qui l'ont pris en quelques rencontres pour un Calvinifte fur les Titres de quelques Livres mal énoncés. Ses Ouvrages qui font en affés grand nombre, & d'une maniére de controverfe affés approchante de celle de Cochlée, font. tous fuffifans pour détromper ceux qui feroient encore dans cette. opinion, & entre les autres, celui qui parut à Francfort l'an 1627; fous le titre Re-excalvinizatio catechetica adverfus Blafium Tigurinum. Calvino-Heidelbergenfis Catechifmi Excalvinizati Recalvinizatorem..

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L

ANTI-CORNE U S.

pas

'ANTI-CORNÆ Us eft encore un fruit des Luthériens: d'Allemagne. Il a pour Auteur un Théologien de Rostock. nommé Jean-George Dorfchæus, mais il faut vous dire en deux mots. ce qui a donné occafion à cet Anti. Il paroit que le Pere Wolffgang Herman, ou quelque autre Jéfuite d'Allemagne avoit intenté procèsaux Proteftans de la Confeffion d'Aufbourg, pour n'avoir bien expliqué le Myftére de la Sainte Trinité. Dorfchæus voulant juftifier fes Confréres contre cette accufation, compofa un Livre Latin qu'il fit imprimer à Francford l'an 1645. in-12. fous le Titre de Interventio. pro Myfterio SS. Trinitatis ad actionem læfæ. SS. Trinitatis, Ecclefiis Auguft. Confeff. à Jefuitis intentatam contra Wolffg. Hermannum. Non content de s'être porté pour défenfeur des fiens, il voulut attaquer les nôtres à fon tour, & dreffa une accufation contre les Catholiques. touchant le même Myftére, & principalement für la Divinité du Fils de Dieu. Il publia ce nouvel écrit à Strasbourg l'an 1646. in-12. fous

le. Titre de Detectio mala fidei Papalis circa probationes SS. Trinitatis, Anti-Cernausfigillatim Deitatis Filii Dei adversùs Wolfg. Hermannum.

Nous ne voyons pas que le Pere Wolfgang Herman (hors fon Anti-Muller) ait entrepris de répondre à ces deux Libelles. Il ne crût peut-être pas devoir y perdre le tems qu'il employoit plus utilement à des Ouvrages de piété, & de Théologie Afcétique. Mais le Pere Melchior Cornæus fe chargea de cette commiffion d'autant plus volontiers, qu'il faifoit fa principale occupation de combattre les Proteftans par des Ecrits Polémiques. Il repouffa rudement Dorfchæus fur le Mystére de la Sainte Trinité, & fur divers autres fujets que le même Auteur avoit remués de fon tems. Voilà ce qui irrita ce Proteftant contre le P. Cornæus, & qui lui fit compofer l'Ouvrage dont il eft queftion. Il le fit imprimer à Strasbourg l'an 1649. in-4°. fous le Titre d'Anti-Cornaus, five Vindicia Interventionis pro Myfterio Trinitatis contra Corneum, &c. Cet Ouvrage réveilla le Pere Wolffgang Herman qui avoit affecté de ne point répondre à Dorfchæus fur les chofes dans lefquelles il l'avoit attaqué perfonnellement. Voyant donc que ce n'étoit point de l'interêt particulier de Cornæus fon confrére ni du fien propre, mais de la caufe publique de l'Eglife Catholique qu'il s'agifloit en cette rencontre, il prit la plume pour réfuter Dorfchaus avec quelques autres Proteftans dans un Livre écrit en Allemand dont j'espére vous parler en un lieu plus commode.

Jean-George Dorfchæus étoit né à Strasbourg l'am 1597. le 1.3.de Novembre d'un pere qui étoit de Würtzbourg en Franconie, mais qui étoit venu fe marier à Strasbourg. Ayant fait fes études dans fon pays, il fut établi Miniftre d'Enfisheim en Alface l'an 1622, deux ans après il fit un long voyage dans les principales Univerfités de Franconie, de Heffe & de Saxe, & fut rappellé à Strasbourg au bout de trois ans pour remplir une Chaire de Théologie. Si nous en croyons Mr Quiftorp Miniftre de Roftock, il ne manquoit dèslors à Dorfchæus que la feconde qualité de celles que l'Apôtre requiert dans un Evêque. Cette qualité fi importante eft celle d'avoir une femme, fuivant l'explication que cet Auteur grave donne aux paroles de Saint Paul (1). Si bien que Dorfchæus voyant qu'il tenoir à peu de chofe pour devenir un Evêque complet prit une femme qui ne lui donna que fix enfans quoi qu'il eût vécu vingt-fept ans avec elle. L'an 1653. il quitta la Ville de Strasbourg pour aller s'ha

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1.Ad Timoth. c. 3. unius uxoris virum, Quiftorp, ap. Wit. memor. Theol. pag. 1349.

Tome VII

H

bituer à Rostock Ville Hanféatique du Duché de Mecklebourg dans la Baffe Saxe près de la Mer Baltique. En 1654. il y fut reçû premier Profeffeur en Théologie & en 1657. il se remaria à une veuve du pays. Mais il fallut quitter cette nouvelle épouse avec la vie le jour de Noël de l'an 1659. après 62. ans & plus d'un mois de vie.

Tela été l'Auteur de l'Anti-Cornæus, il eft jufte que je vous apprenne auffi ce que je fai de Cornæus. Il n'aquit à Brilow dans la Weftphalie l'an 1598. il fut reçû dans la Compagnie de JESUS l'an 1618. & y enfeigna le Grec & la Rhétorique jufqu'à ce que l'armée des Suédois qui s'étoit répandue dans l'Allemagne lui fervit de prétexte pour fe retirer en France durant la Guerre. Il profeffa la Philofophie à Toulouse pendant fept ans. Après fon retour en Allemagne, il enfeigna la Théologie Scholaftique & la Controverse à Maïence & à Würtzbourg durant l'efpace de quinze ans. Il fut aussi Recteur des Colléges de fa Compagnie dans ces deux Villes, puis Prédicateur de Dominicales à Maïence où il mourut le treize de Mars l'an 1665.

On parle d'un autre ANTI CORNAUS fait par le Sieur Seldius Luthérien. Je pourrai vous en dire un mot à l'article 27.

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V

ANTI-COSTER.

Ous avés peut-être oui dire, continua Mr de Rintail, que les Calvinistes ont prefque toujours affecté de paroître plus férieux que les Luthériens dans leurs écrits.

Je ne vous dirai rien de leur férieux, dit Mrde Brillat, mais il m'a toujours paru qu'ils étoient moins féconds dans leurs Satires (1).

Leurs Satires, ajouta Mr Terlaine, ne font peut-être pas fi nombreufes que celles des Luthériens. Mais je vous répons qu'elles font fouvent plus vives, plus ferrées & qu'elles ne leur cédent pas en aigreur.

Joignés, reprit Mr de Rintail, vos fentimens fur les Satires des Calvinistes avec ce que je vous dis de leur férieux, & vous ne ferés pas furpris de m'entendre dire que les Calvinistes ayent fait moins d'Anti que les Luthériens, foit qu'ils ayent appréhendé que l'idée de ce Titre ne donnât quelque caractére de badinerie à leurs Satires,

1 Baillet a voulu dire moins feconds en Satires.¶

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