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regarder & en chercher un autre ? - (Après l'avoir fixé long-temps.) J'ai toujours defiré voir cet homme au regard anéantiffant, affis fur les ruines de Carthage, (1)-à préfent, je ne le defire plus.

SCHWEIZER.

Le bandit!

LE V. Moor.

Et qui vous amene vers moi ?

KOSINSK Y.

O Capitaine ! ma deftinée plus que cruelle. -Naufragé fur la mer impétueufe de ce monde j'ai été forcé de voir s'anéantir les espérances de ma vie, & il ne me refte rien que le fouvenir déchirant de leur perte, qui me rendroit fol, fi je ne cherchois à l'étouffer, en portant fur d'autres objets une ardeur qui ne peut être oifive.

LE V. Mo ó R.

En voici encore un rejetté par le ciel ! - Continuez.

KOSIN SKY.

Je me fuis fait foldat. Le malheur m'a perfécuté jufques dans cet état. Je partois pour les Indes, & mon bâtiment s'eft brifé contre des

(1) Marius.

rochers; rien que des plans manqués. — Enfin j'ai entendu le répandre le bruit de tes exploits, ou aflatlinats, comme ils les appellent, & j'ai fait un voyage de cent quarante mille dans l'inébranlable deflein de t'offrir mes fervices, fi tu daignes les agréer. Je t'en conjure, digne Capitaine,

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SCHWEIZER faifant une gambade.

Bon, bon ! voilà notre Roller mille fois remplacé. Un bon camarade pour notre bande.

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Comment Kofinsky! Sais-tu que tu es un trèsjeune homme, & que tu fais imprudemment le grand pas de la vie, comme la jeune fille fans expérience. Ici, tu ne joueras ni au ballon, ni à la boule, comme tu l'imagines, peut-être.

KOSIN SKY.

Je fais ce que tu veux dire. J'ai vingt-quatre ans, mais j'ai vu des épées étinceler, & j'ai entendu fifler les balles.

LE V. Moo R.

Oui? N'as-tu donc appris à manier les armes que pour tuer de pauvres voyageurs pour un rixdaler, ou pour affaffiner des femmes par derriere? Va, va, tu t'es échappé de ta nourrice, qui t'a menacé de la verge.

SCHWEIZER.

Que diantre, Capitaine. A quoi penses-tu ? Veux-tu renvoyer cet Hercule? N'a t il pas l'air de chaffer d'un regard, au-de-là du Gange, le Maréchal de Saxe? (1)

LE V. Moor.

Parce que tes fredaines n'ont pas réuffi ar gré argré de tes defirs, tu viens trouver un affaffin, & tu veux devenir un aflaffin? - Affaffin ! - Jeune homme, entends tu ce mot là? Tu t'es couché tranquillement après avoir coupé des têtes de pavots, mais porter un meurtre fur fon âme....

KOSINSK Y.

Je répondrai fur mon âme de tous les meurtres dont tu m'auras chargé.

(1) Cet anachronisme feroit impardonnable, fi l'on avoit jamais tort de louer un grand homme.

4

LE V. Moo R.

Comment? tu as tant d'efprit? Veux-tu prendre un homme par la flatterie. D'où fais-tu que je ne fais pas de mauvais rêves, & que je ne pâlirai point fur mon lit de mort? Combien as-tu déja fait de choses avec cette idée: Il faut que j'en rende compte.

KOSINSKY.

Ma foi, bien peu jufqu'ici; cependant je puis te citer mon voyage vers toi, noble Comte.

LE V. Moo R.

Ton Gouverneur, fans faire femblant de rien, t'auroit-il fait lire la vie de Robin, ( On devroit envoyer aux galeres cette ignorante canaille.) qui a fans doute échauffé ton imagination d'enfant, & allumé en toi la folle envie d'être un grand homme? Es-tu infatiable de gloire & d'honneur? Veux tu acheter l'immortalité par des affaffinats? Penfe, jeune ambitieux, que jamais lauriers ne verdiffent pour des aflaflins! Aucun triomphe ne fuit les victoires d'un brigand, c'eft toujours les malédictions, les dangers, la mort, l'ignominie. Vois-tu la potence là-bas fur la colline?

SPIEGELBERG Se promenant avec humeur.

Ah que c'eft bête ! C'est abominable, impar

donnable, bête! Ce n'est

fuis pris différemment.

pas là le moyen. Je m'y

KOSINSK Y.

Que peut craindre, qui ne craint pas la mort ?
LE V. Moo R.

Bravo! A merveille! Tu as bien profité au college, tu fais ton Séneque par cœur. Mais, mon cher ami, avec ces belles fentences; tu n'endormiras pas la nature fouffrante, tu n'émoufferas jamais avec elles les traits de la douPense bien à ce que tu vas faire mon fils. (Il le prend par la main.) Penfesy, mon fils, je te confeille comme un Pere. Apprends d'abord à connoître la profondeur de l'abîme avant d'y fauter. Si tu fais encore

leur.

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faifir fur la terre une feule joie, il pourroit y avoir des momens où tu.... t'éveillerois!- & alors il feroit trop tard peut-être. Pense donc que tu vas fortir du cercle de l'humanité

HOMME, OU DÉMON, - prends garde. - Encore une fois, mon fils, fi une étincelle d'efpérance couve encore pour toi, cachée fous la cendre fuis cette alliance effroyable. On peut se tromper, fe se faire illusion crois moi, prendre pour force d'efprit, ce qui, après tout, n'eft que défespoir. Crois en Moor, Moor! & fuis.

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