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KOSINSK Y.

Non, je ne fuirai jamais. Si ma priere ne peut t'émouvoir, écoute mes malheurs. — Tu me forceras toi même de m'armer du poignard vengeur, tu..... Affeyez-vous tous ici par terre & prêtez-moi une oreille attentive.

LE V. Moor.

J'écouterai.

KOSIN SKY.

Sachez donc que je fuis Gentilhomme bohémois, & que par la mort prématurée de mon Pere, je devins maître d'un fief confidérable. Les environs.... c'étoit un Paradis! - car il y habitoit un Ange, une fille embellie de toute la fraîcheur de la floriffante jeuneffe, & chafte comme la lumiere du ciel. Mais pourquoi vous en parler. Vous ne m'entendez pas. Vous n'avez jamais aimé, (1) vous ne fûtes jamais aimé !

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SCHWEIZER.

Doucement, doucement. Comme le vifage du Capitaine s'enflamme!

LE V. Moor.

Laiffez-moi. Je t'écouterai une autre fois

(1) Imité de Nathaniel Lee,

fang.

demain, un autre jour, quand j'aurai vu du

KOSINS K Y.

Du fang, du fang! - Ecoute feulement. Toute ton âme fera altérée de fang. Elle étoit d'une famille bourgeoife, une Allemande, mais fon regard diffipoit les préjugés de la nobleffe. Avec la plus fenfible modeftie, elle avoit accepté l'efpérance d'être mon époufe; j'allois conduire aux autels mon Amélie. (Moor fe leve. ) Au milieu de l'ivreffe du bonheur qui m'attendoit, & des apprêts fi doux de notre éternelle union, je fuis mandé à la Cour. Je m'y rends. On me préfente des lettres pleines de trahison, & ils m'accufent de les avoir écrites. Tant de méchanceté me furprit, & me fit rougir. On saisit mon épée, & on me jette dans un cachot affreux, où toute ma raison in'abandonna.

SCHWEIZER.

Et cependant.... continue. Je fens ce qui va venir.

KOSINSK Y.

Je reftai là un mois éternel, & je ne favois point ce qui m'arrivoit. Je m'attendriflois fur mon Amélie, qui fouffroit une mort affreuse dans chaque minute de ma captivité. Parut enfin le

premier Miniftre qui venoit me féliciter fur la découverte de mon innocence, & d'une voix mielleuse, il me lit fon ordre pour ma liberté, & me rend mon épée. Alors en triomphe, je vole à mon château dans les bras de mon Amélie. Elle avoit difparu. On l'avoit enlevée sur le minuit; perfonne ne favoit où: perfonne ne l'avoit vue. Ce fut un trait de lumiere. - Je vole à la Ville, je fonde les Courtilans. - Tous les yeux s'enracinoient fur moi, perfonne ne vouloit répondre. Enfin je la découvre dans le Palais, au travers d'une grille. Elle me jette une petite lettre.

SCHWEIZER.

Ne l'ai-je pas dit?

KONIN SKY.

Enfer, mort & diables! la voilà. Me voir expirer dans l'opprobre & les tourmens, ou devenir la maîtreffe du Prince, elle avoit à choifir.Et (fouriant avec amertume) je fus sauvé.

SCHWEIZER.

Que fis-tu alors?

KOSINS K Y.

Je reftai là, comme frappé de mille tonnerres.

Du fang! fut ma premiere pensée, & ma derniere pensée, encore du fang. L'écume à la bouche je trouve une épée à trois quarts & à tous trois le fil, & je cours avec ma vengeance dans le palais du Miniftre; car lui feul avoit été l'infernal inftrument (1). Il falloit qu'on m'eut apperçu dans la rue, car je trouvai tous les appartemens fermés. Je cherche, je demande; il étoit allé chez le Prince. J'y vole, on ne l'avoit point vu. Je retourne encore chez l'infâme, je force les portes, je le trouve, & voilà cinq à fix domestiques qui fortent d'une embuscade, & m'arrachent mon épée.

SCHWEIZER frappant du pied la terre.

Et il ne lui arriva rien. Et tu fortis fans avoir rien fait ?

KOSINSK Y.

Je fus chargé de fers, accufé, poursuivi criminellement, &, — remarquez bien cela, - par grâce finguliere, chassé de la principauté comme un scélérat. On fait préfent au Ministre de tous mes biens. Mon Amélie, épuifée de soupirs & de

(1) Der hællifche Kuppler. Ils n'ôfent pas nommer, diroit Montaigne, les emplois dont ils s'enorgueilliffent.

larmes, refte entre les griffes du tigre, tandis que ma vengeance jeúne courbée fous le joug du defpotisme.

SCHWEIZER fe leve, & contre une borne aiguise Son épée.

C'est de l'eau fur notre meule, Capitaine. Voilà de quoi brúler.

LE V. MOOR qui depuis long-temps fe promenoit dans une agitation violente, femble tout-à-coup fe calmer, & dit aux Voleurs:

Il faut que je la voie! - Allons, levez-vous. -Tu reftes avec nous, Kolinsky. — Vîte, préparez-vous à partir.

LES VOLEURS.

Où ? Quoi?

LE V. Moor.

Où ? Qu'est-ce qui demande où?-(Vivement à Schweizer,) Traître, tu veux me retenir? Mais par l'efpérance du ciel....

SCHWEIZER.

Moi, traître? Va jufqu'aux enfers, je

t'y fuivrai,

LE

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