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Sois ce que tu voudras INCONNUE, (1) pourvu que ce MOI me refte fidele & que je l'emporte avec moi! Les dehors ne font que *la couleur de l'efprit, je fuis MOI-MÊME MON CIEL & mon Enfer. ( Etendant au loin fes regards.) Si tu me laiffois un Univers, réduit en cendres, que tu aurois banni de tes yeux, où je ferois feul avec la nuit folitaire & les déferts éternels? — Alors je peuplerois le vuide filencieux de mes rêves, & j'aurois l'Eternité, pour analyser à loifir le tableau embrouillé des miferes humaines.-Ou voudrois-tu par des naiffances toujours nouvelles, par un fpectacle de miferes toujours nouveau-de degrés en degrés, me conduire Ne pourrai-je plus caffer le fil de la vie qui me fera filé au-delà comme je puis briser celui-ci ? - Tu peux me réduire à RIEN; mais cette liberté, tu ne peux me la ravir. (Il bande fon piftolet, & tout-à-coup s'arrête. ) Et je MOURRAI par la crainte d'une VIE pleine de tourmens? Me laifferai-je vaincre par le malheur? Non. Je le fupporterai. Que mon orgueil épuise la douleur. Je veux accomplir ma deftinée. (La nuit devient toujours plus fombre. Minuit fonne.)

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au néant?

(1) Il y a dans le texte : Namenlofes Jenfeit AU-DELA SANS NOM. Entre mille noms que Lavater donne à la Divinité dans fon Poëme de l'Apocalypfe, il appelle Dieu Der Miskannte, LE MÉCONNU.

SCENE XVI.

LES PRÉCÉDENS, HERMANN arrive, enfuite UNE VOIX dans la tour.

HERMAN N.

PAIX! paix! Horribles hûrlemens ! C'eft la Chouette ! -Le Village fonne minuit. Bien ! Tout dort. Le remords feul veille- & la

vengeance. (Il s'approche de la tour,

Monte, homme de douleur.

tour, ton repas eft prêt.

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& frappe.)

Habitant de la

LE V. MO O R recule en frémissant.

Qu'est-ce que j'entends?

UNE VOIX fortant de la tour.

Qui frappe? Eft-ce toi, Hermann, mon corbeau? (1)

HERMAN N.

C'eft moi, Hermann, ton corbeau. Monte, approche de la grille, & mange. Tes Cama

(1) Mein Rabe.

Allufion au Prophete à qui les corbeaux portoient à manger.

rades de nuit (1) hûrlent des chants horribles. Vieillard, tu manges avec appétit ?

LA VOIX,

J'avois grand faim. - Je te remercie, Envoyeur de Corbeaux, (2) pour ce pain dans le désert. Et comment fe porte mon cher enfant Hermann ?

HERMAN N.

Paix!-Ecoute. C'eft comme des gens qui ronflent! - N'entends-tu rien?

LA VOI X.

Comment ? Entends-tu quelque chofe?

HERMAN N.

J'entends le vent fifler au travers des fentes de la tour. Une mufique de nuit qui fait que les dents vous claquent, & que vos ongles bleuiffent.Ecoute! encore! Il me femble toujours entendre ronfler. Tu as de la compagnie, Vieillard! -Hou! hou! hou!

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HERMAN N.

Adieu, adieu! Affreux eft ce défert! Redescends dans ton fouterrein. Ton Sauveur eft près, ton Vengeur..... (ll veut fuir.)

LE V. MO OR s'approche en frémissant.

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Arrête, parle. Qui es-tu? Qu'as-tu à faire ici? Parle !

HERMANN s'avançant.

C'est un de ses efpions. (1) Cela eft sûr. — Je ne crains plus rien. ( Mettant l'épée à la main.) Défends-toi, lâche. Tu as un homme devant toi. LE V. MOOR lui faifant fauter au loin fon épée.

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C'est une réponse que je veux. A quoi bon ce jeu de fcélérat? Tu parlois de VENGEANCE? C'est à moi feul dans ce monde qu'appartient

LA VENGEANCE.

Qui ofe attenter à mes droits?

(1) Il veut parler des efpions de François de Moor

HERMANN effrayé, recule.

Par le ciel, celui-là n'eft pas né d'une femme! -Son toucher énerve comme la mort.

LA VOI X.

Hélas! Hermann, eft-ce toi qui parles ? A qui parles-tu, Hermann ?

LE V. Mo o R.

Encore là-bas? Qu'est-ce qui fe paffe ici? courant vers la tour.) Quelque fecret abominable eft caché dans la tour. Avec cette épée, je le découvrirai.

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HERMANN s'approche d'un pied tremblant.

Etranger terrible, ferois-tu par hafard le LUTIN de ce défert? Ne ferois-tu pas un des Sbires de la compensation inconcevable (1) qui font patrouille (2) dans ce bas monde, & passent en revue les (3) Naiffances de minuit. — Oh fi tu l'es, fois le bien venu près de cette affreufe tour.

(1) Dunkeln, obfcure.

(2) Patrouilliren gehen. (3) Die Geburten der Mitternacht, les naissances de minuit, c'est-à-dire les actions noires, les crimes qui fouillent les ténebres de la nuit.

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