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LE COMTE.

D'un feul coup,

d'un feul coup.

fils, tu m'épargnes la vieillefle. (1)

FRANÇOIS lit.

Mon

A Leipzig, ce premier de Mai. « Ton frere paroît avoir comblé la mesure de fa honte ; » pour moi, je ne connois rien au - deffus de ce » qu'il a fait; à moins qu'en cela fon génie ne furpaffe le mien. Après 40000 ducats de dettes.>> Cela fait une joli bourse, n'eft-ce pas ?

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Après avoir déshonoré la fille d'un riche Ban-. quier, ) & il a bleffé à mort, dans un duel, le jeune & brave Gentilhomme qui devoit l'époufer) hier, fur le minuit, il a exécuté le grand projet de fe fouftraire au glaive de la » Justice, avec sept de fes camarades, tous dé» bauchés comme lui. » Mon Pere, pour l'amour de Dieu! Comme vous pâliffez!

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LE COMTE.
Сомте.

Affez, affez, mon fils!

FRANÇOIS.

Je vous ménage.« On a par-tout envoyé fon

(1) Du erfpahrft mir die Krucke. Tu m'épargnes la béquille.

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fignalement; les plaignans demandent à grands cris juftice. Sa téte eft mis à prix. Le nom » Moor..... ». Non, mes pauvres levres n'affaffineront jamais un Pere. (Il déchire la lettre.) Ne le croyez pas, mon Pere, ne le croyez pas. LE COMTE pleurant amerement. Mon NOM! Mon nom refpectable !

FRANÇOIS.

Oh s'il pouvoit ne pas porter le nom de Moor! Pourquoi faut-il que mon cœur palpite fi vivement pour lui: tendreffe impie, que je ne puis étouffer, qui m'accufera un jour au tribunal de Dieu!

LE COMT E.

Oh mes espérances! -mes fonges dorés!

FRANÇOIS.

Je le fais bien! Ne l'avois-je pas prédit?. Cet efprit de feu qui couve en fon jeune sein, difiez vous toujours, qui le rend fi fenfible à tout ce qui porte un air de grandeur & de majefté, & fon âme franche & belle qui femble fe répandre avec les regards, cette délicateffe exquife de fentiment, ce mâle courage, cette ambition enfantine, cette opiniâtreté invincible, & toutes ces fortes & brillantes vertus qui germent

dans ce fils chéri, en feront un jour l'ami d'un ami! un bon citoyen, un héros, un grand, grand homme. Eh bien, le voyez-vous à préfent - cet efprit de feu s'eft développé, & porte des fruits délicieux. - Regardez cette franchise qui a fi bien tourné en effronterie. Voyez avec quelle délicateffe il gémit tendrement pour des coquettes, & comme il eft fenfible aux charmes d'une Phryné. Voyez comme ce génie brûlant s'eft éteint: fix petites années, & il n'y a plus d'huile dans la lampe de fa vie; ce n'eft plus qu'un cadavre ambulant, & alors vient le monde affez stupide pour dire : C'est l'amour qui a fait çà. ( 1 )

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Ah! regardez donc cette tête hardie, entreprenante ! Comme il forme de grands deffeins qui éclipfent les héroïques actions des Cartouches & des Howards. Et quand ces germes fuperbes feront en pleine maturité!..... Quelle perfection d'ailleurs peut-on espérer dans un âge fi tendre? Peut-être, mon Pere, aurez vous encore le bonheur de le voir chef de quelque troupe honorable qui habite le facré filence des forêts, & qui foulage le voyageur fatigué de la moitié de fon fardeau. Peut-être, avant de mourir, pourrez-vous encore faire un pélerinage

(1) Ces mots font en François dans l'original

à fon monument, qui lui fera érigé, fans doute, entre ciel & terre. Peut-être.

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O mon

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nom, ou ils diront tous: Voilà fon Pere!

LE COMT E.

Et toi auffi, mon François, & toi auffi? O mes enfans! Comme ils frappent droit au cœur !

FRANÇOIS.

Vous le voyez, je puis auffi faire de l'efprit ; mais mon efprit eft plus venimeux que la morfure du ferpent. Et puis ce François, fec & froid, cet homme ordinaire, cet homme de bois..... Puis-je me rappeller tous les jolis noms que vous infpiroit l'étonnant contrafte entre lui & moi, lorfque fur vos genoux affis, il vous pinçoit les joues. --Celui-là, c'étoit moi, mourra entre les quatre murs de fon château, pourrira, & fera oublié, tandis que la gloire de cette tête universelle volera d'un pôle à l'autre. Ha oui ! Les mains jointes, ce François fec & froid, cet homme de bois, te remercie, ô ciel! - de ne point ref-fembler à celui-ci. (1)

(1) Allufion à l'Evangile,

LE COM TE.

Pardonne-moi, mon enfant, ne murmure point contre un Pere trompé dans fes plus douces espérances. Le Dieu qui m'envoie des larmes par Charles, me donnera ta main, mon François, pour les effuyer.

FRANÇOIS.

Oui, mon Pere, il les effuiera. Votre François donnera toute fa vie pour prolonger vos jours. Dans tout ce que j'aurai à faire, je me dirai, avec recueillement: Cela ne peut-il pas empoifonner quelques heures de fa vie? Aucun devoir n'eft affez facré pour moi, que je ne fois prêt à le rompre, quand il s'agit de vos jours précieux. Vous n'en doutez pas ?

LE COM TE.

Tu as encore à remplir de grands devoirs, mon fils. Que Dieu te béniffe pour ce que tu as été pour moi, & auffi pour tout ce que tu feras pour moi à l'avenir.

FRANÇOIS.

Convenez donc -que fi vous pouviez ne pas nommer ce fils, votre fils, vous feriez un homme

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