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LE

BON FILS,

SCENE PREMIER E.

RODE fort de la maison, étendant les bras comme un homme qui cherche à fe réveiller.

H,

:

Âн, ah, ah! ( Il báille.) Je ne fais pas pourquoi je me leve de fi grand matin, moi je pourrois bien dormir plus long-temps ! C'eft encore comme du plomb dans mes veines. - Mais dormir? paffer à dormir une matinée fi belle? non cela eft impoffible. Quand je n'ai point vu le foleil fe lever, je fens un mal-aise toute la journée. Comme il s'avance là-bas majestueusement! Que c'eft beau! Quelle aurore délicieufe! Quels nuages! C'est toujours la même chofe, & cependant toujours nouveau. Ah!

---

peut-être...... Peut-être que mon fils eft levé auffi. A la guerre, on ne dort pas long-temps.

- Peut-être eft-il là, auffi gai que moi, à contempler le foleil, & à penser à moi, fon Pere, comme je pense à lui, qui eft mon fils. - Bon & brave garçon, qui m'auroit dit, quand tu étois petit, que tu me donnerois tant de joie !

SCENE I I.

RODE & RACHEL.

RACHE L.

DEJA ici? Je ne favois pas ce que tu étois

devenu.

RODE.

Oui, me voilà, & je regarde le bon foleil qui fe leve. Il vient de me rappeller notre cher Frédéric. Femme, que peut-il bien faire, à préfent?

RACHEL affligée.

'Ah! - Peut-être ne fait-il plus rien !

RODE.

Toujours les mêmes inquiétudes? Crois-moi donc ! Nous le reverrons, j'en fuis sûr comme de

ma vie; car, vois-tu, je le demande tous les

jours à Dieu.

RACHE L.

Il eft foldat, mon ami. Un foldat est toujours en danger! Que de craintes, que d'inquiétudes cela me cause ! - Souvent quand j'écoute la lecture de fes lettres, & que tu crois que je pleure de joie, c'est de chagrin que je pleure. - Je penfe toujours que c'eft-là fa derniere. Et cet argent qu'il nous envoie, mon ami, je ne puis le regarder, fans en avoir le cœur ferré. C'eft avec cet argent que le Roi paie fon fang, voilà ce que je me dis, & nous, fes Pere & Mere, il nous oblige de l'accepter pour nous donner nos aifes.- Ah, mon ami!

RODE branlant la tête.

Le Roi lui paie son sang?

RACHE L.

Certainement. Son fang & fa vie.

RODE.

Non, ma bonne amie, non. Ah, s'il fervoit un Prince étranger, tu aurois raison, & je n'accepterois pas un fol de fon argent. Mais c'est notre bon Roi qu'il fert! Et ne lui doit-il pas fon fang & sa vie? Ne les doit-il pas à toute la Patrie?

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Et il faut qu'ils aient raison, puifqu'il y a même déja des Régimens qui s'en retournent dans leurs quartiers.

RACHE L.

Ah, fi c'étoit vrai!

RODE.

Cela eft sûr, mon amie. Tu peux y compter. -Nous aurons la paix, avant de nous en douter feulement. Et alors notre Frédéric fera en garnifon dans la Ville, qui eft à deux pas d'ici; & nous irons nous y promener une fois toutes les femaines,

RACHEL avec joie.

Deux fois, trois fois, mon ami; une fois n'eft pas affez. Ah! que fentirons-nous là dans notre cœur, quand nous le reverrons! - Mais qui fait fi nous le reconnoîtrons ?

RODE

Je reconnoîtrai bien mon fils, j'efpere!

RACHEL,

En habit d'Officier, mon ami; tout couvert d'or, & auffi un cordon & une croix.

dit qu'il en avoit une ?

RODE.

Certainement. Il s'eft tant diftingué.

RACHE L.

Je voudrois bien voir quel air il a.

RODE.

Tu m'as

Lui? Il a l'air d'un brave foldat, je penfe. -L'uniforme & fon cordon n'y font rien, ma femme; ce font les cicatrices qu'on nous a dit qu'il avoit fur le front, c'eft là la vraie marque d'honneur d'un foldat, c'est par-là qu'on fait s'il a le cœur comme on doit l'avoir.

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