SCENE III. LES PRÉCÉDENS, LE MAGISTER (1) BON LE MAGISTER. ON jour, Pere Rode, bon jour la mere RODE. Aha! Bon jour, M. le Magister. (L'un & l'autre lui donnent la main.)* LE MAGISTE R. Point de nouvelles de votre fils? Voilà le mois qui vient de finir. RODE. Femme, cela eft vrai, au moins. - Je me fuis couché hier avant que Marguerite ne fût rentrée. A-t-elle apporté quelque chofe? RACHEL. Oh oui, elle a apporté quelque chofe, & auffi (1) Der Küfter veut dire Bedeau, Sacriftain & Maitre d'école, parce que dans les Villages de l'Allemagne, les trois emplois n'en font qu'un. Ces caracteres très-fréquens dans les Pieces Allemandes, font un emploi particulier. une lettre. Mais elle dort encore de fi bon ap pétit. Faut-il que je l'éveille ? RODE. Tu n'as qu'à lui dire que je vais aller la faire lever. (Rachel fort.) Er favez-vous auffi, M. le Magifter, que mon fils n'eft plus Capitaine de l'Etat Major? Il eft à présent chef d'escadron. LE MAGISTER. Il n'eft pas poffible! Chef d'un escadron? RODE. A propos, oui, c'eft vrai vous n'en favez rien, c'est M. le Curé qui nous a lu fa derniere lettre. Voilà ce que c'eft, M. le Magifter; mon fils a toujours eu le bonheur d'avoir le Roi préfent, lorsqu'il s'eft diftingué. Et voilà comme il a été fait Officier, qu'il a eu la croix, & qu'on lui a donné un escadron, Mais qu'a-t-il donc fait encore de nouveau ? Racontez-moi donc cela, pere Rode. RODE. Ecoutez moi donc bien, Monfieur le Magifter. Dans la derniere bataille...... près de...... chofe.... là... près de... Hm! toujours je me brouille avec les noms tout le Régiment s'en alloit à la débandade, la plupart des Officiers tués ou bleffés; mon fils aufli avoit reçu à la cuiffe un coup de feu: çà ne lui fait rien. Voilà qu'il les encourage, & qu'il jure, & qu'il rassemble enfin trois cens hommes, (il s'anime) les mene à l'ennemi, tombe deffus à coups de fabre, on lui tue un cheval fous lui, il faute 'fur un autre, il eft forti du feu avec cinquante hommes, Roi qui étoit là, lui a donné fur le champ un efcadron, en l'affurant de le récompenfer encore davantage par la suite. - Eh mais oui, M. le Magifter, c'est comme je vous le dis. (Se frap-pant le côté.) C'est mon fils qui a fait cela. LE MAGISTER. & le Oh, il eft brave, je m'en étois bien apperçu lorfqu'il étoit à l'école. — Quand les enfans du Village jouoient fur la pelouze, c'étoit toujours Frédéric qui menoit la bande, & quand les coups de poing pleuvoient, les fiens tomboient comme gréle. C'étoit déja en lui, pere Rode, comme s'il eut tenu çà de famille. RODE en fouriant. N'est-ce pas ? SCENE V. LES PRÉCÉDENS, RACHEL, MARGUERITE. RACHE L. NË la gronde pas, je t'en prie, je l'ai trouvée levée. MARGUERITE. Tenez, mon Pere, ( elle bâille )voilà une lettre du frere Frédéric. Et voilà votre mois. Il y a que les appointemens font augmentés. Il fait pour nous au-deffus de fes forces, n'eft-ce pas, mon ami? RODE. Ce bon Frédéric; je peux bien vivre avec fix écus, peut-être. MARGUERITE. Et le vin, mon Pere que mon frere vous fait livrer par ce vieux Marchand au gros nez bleu(en bâillant) Comment l'appellez-vous? — Il est déja dans votre chambre. Il y en a un panier tout plein. LE MAGISTÈR - avec une grande attention. Un panier tout plein? Ah! ah! RODE. Il y en aura une bouteille pour vous, M. le Magifter. Vous n'avez qu'à l'envoyer chercher. (Le Magifter le remercie d'un air très-content.) Ce n'eft pas tout, il faut auffi en boire un coup avec moi pendant que vous me lirez la lettre. Allons, la mere, apporte-nous une bouteille & trois verres, & auffi de quoi déjeûner: & toi, Marguerite, donne ici une table & deux chaifes. Dépêche-toi. (Rachel & Marguerite s'en vont.) RACHEL |