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RODE.

Ecoutez donc, M. le Magifter, à préfent, il faut, s'il vous plaît, que vous écriviez à mon fils, comme quoi j'ai pris ma revanche du Roi, & qu'il doit le remercier de ma part, & l'assurer auffi de mon amitié. Vous n'oublierez pas cela, au moins?

LE MAGISTER.

Y penfez-vous, pere Rode? Ce feroit lui manquer de respect.

RODE.

Qu'est-ce que vous dites donc? Lui manquer de refpect? - Le Roi, M. le Magister, est un homme comme nous tous, & il doit fe réjouir, je penfe, quand on lui dit qu'on l'aime de tout fon cœur.

RACHEL.

Mais, mon ami, fi la paix eft faite.....

RODE,

Sans doute que la paix eft faite, puisque notre fils nous l'écrit.

RACHEL avec une tendre inquiétude,mettant la main fur le bras de Rode, & le regardant avec joie.

Il revient donc, notre fils, mon ami ? IĮ viendra donc nous voir ! Nous le reverrons ?

RODE.

Patience, ma bonne Mere, nous allons favoir

tout cela.

RACHE L.

Ah s'il pouvoit venir seulement avant les noces de Marguerite! Il doubleroit encore notre joie. RODE.

Patience, patience, M. le Magifter aura la bonté de nous lire le refte. Mais il faut d'abord que je boive à la fanté de mon fils, & c'eft à toi, la Mere, que je la porte.) Il lui verfe du vin & trinque avec elle.) Quand il étoit petit, tu l'aimois comme la prunelle de tes yeux. Vive mon fils!

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Et qu'il vive long-temps ! (Il trinque avec Rachel) & qu'il foit heureux !

RACHE L.

Je vous remercie, M. le Magifter.

RODE pofant fon verre fur la table.

Le cœur me bondit toujours de joie en buvant à la fanté de mon fils. Que le Tout-Puissant le

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béniffe! Ah! il m'a rendu devant le Roi un fi bon témoignage! Et moi, grand Dieu, (Levant les yeux au ciel) je rends devant toi juftice à mon fils, un bon fils, un fils reconnoiffant; il n'a point rougi de mon état obscur, ni de ma pauvreté. Il s'eft fait une joie véritable d'honorer fon vieux Pere. Ce n'eft point à moi, c'est à toi qui en as le pouvoir de le récompenfer.

RACHE L.

Oh lifez-nous donc la fin de fa lettre, M. le Magifter. Peut-être...

LE MAGISTER cherchant où il en eft reflé, s'affied avec Rode, Rachel fe met derriere entre eux deux, & prête la plus grande

attention.

ici,

De m'admettre à fa table. Où en fuis-je refté? Votre fanté, en m'ordonnant. — Oui, c'est - en m'ordonnant de vous le faire favoir, & de vous affurer de fa bienveillance. Il ne me fut pas poffible de me contenir davantage, tant j'étois ému. Je m'élançai de ma place, je tombe aux genoux du Roi. Sire, lui ai-je dit, de toutes les grâces dont vous m'avez comblé....

SCENE I X.

LES PRÉCÉDENS, MARGUERITE.

MARGUERITE.

Au fecours! au fecours! mon Pere! les en

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rôleurs.

RACHEL effrayée.

Comment ? Qu'eft-ce qu'elle a donc ?

MARGUERITE.

Les enrôleurs, mon Pere!

RACHEL courant avec inquiétude à fa fille.

Remets-toi, ma fille, remets-toi.

il donc arrivé ?

MARGUERITE.

Comme j'entrois chez Michel.

Nous y

LE MAGISTER.

Que t'eft

voilà. Ils nous ont enlevé Michel.

RACHEL avec effroi.

Ah mon Dieu! mon Dieu !

RODE.

De force? à préfent que la paix eft faite ? — Il y a quelque chofe là-deffous.

LE MAGISTER.

La paix! avec votre paix ! Comme fi dans le pays des Rois, il y avoit un moment de paix ! Comme fi jamais nous pouvions dire, nous n'avons rien à craindre pour nos enfans. Que Dieu ait pitié de nous !

RODE avec humeur.

M. le Magister, laissez notre bon Roi tranquille! Tous ces propos là me font toujours de la peine. Eft-ce que tous les jours nos bœufs ne font pas attelés au joug; & fans cela, que deviendroient donc nos champs & nos bœufs eux-mêmes? Comment les nourririons-nous? Un homme comme vous, tenir pareil difcours !

MARGUERITE.

Mais allez donc, mon Pere; cherchez donc à nous le faire rendre. Vous êtes auffi bien fon Pere que le mien, & le Sergent aura pour vous du refpect, j'en fuis sûre. Tout le monde a du respect pour vous.

RODE.

Innocente! comme fi tout le monde étoit de notre Village.

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