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AMÉLI E.

Sors, te dis-je. Tu m'as dérobé une heure précieuse! Qu'elle foit prife fur ta vie.

FRANCO I S.

Tu me hais.

AMÉLI E.

Je te méprise. Sors.

FRANÇOIS frappant la terre dans fa fureur.

Attends. Voilà comme je te ferai trembler. Me facrifier à un mendiant! (Il fort comme un forcené.)

A MÉLIE.

Va t'en miférable.

Enfin je fuis avec Charles! A un mendiant? Où font tes loix, ô monde ! des mendians font donc des Rois, & les Rois font des mendians. Je n'échangerois pas les haillons qu'il porte contre la pourpre des Souverains.— Le regard avec lequel il demande l'aumône, doit être un grand regard, -un regard qui anéantit la magnificence, la pompe, le triomphe des grands & des riches! (Arrachant avec indignation tous fes ornemens.) Parure magnifique, je te foule à mes pieds. Soyez condamnés à vous charger d'or, d'argent & de diamans Grands & Riches, je vous

condamne à vous enivrer de moleffe & de volupté! -Charles, Charles, voilà comme je fuis digne de toi !

SCENE III.

Sur les frontieres de la Saxe.

UNE AUBERGE.

CHARLES MOOR feul fe promene avec impatience.

Ou diable peuvent-ils être ? — Ils auront fait une course à cheval. - Holà, du vin ici, je n'en ai plus! Il est bientôt nuit, & la poste n'est pas arrivée. (la main fur le cœur) Jeune, homme, jeune homme ! comme il palpite là.— Du vin! Du vin donc ! J'ai aujourd'hui doublement befoin de mon courage, pour la joie, ou pour le défefpoir. (On apporte du vin, il boit, & frappe la table de fon verre.) - Maudite inégalité parmi les hommes ! - L'argent fe rouille dans les tréfors de l'avarice, & la pauvreté attache du plomb à la plus noble entreprise de la jeunesse. - Des drôles qui crêveroient dix fois avant de pouvoir compter leurs rentes, ont

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ufé le feuil de ma porte pour arracher une poignée de miférables dettes. - J'avois beau leur ferrer la main, avec un épanchement du cœur: «je ne vous demande qu'un jour ! » Prieres, fermens, ils n'entendent rien. Leur âme recouverte d'une triple peau de bouc, ne s'amollit point par des larmes. (1)

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SCENE IV.

SPIEGELBERG avec des lettres, CHARLES MOOR.

SPIEGEL BERG.

MILLE diables. Coup fur coup ! Malédiction! Sais-tu, Moor? fais-tu ? · C'eft à devenir fou.

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Moor.

Et quoi donc de nouveau ?

SPIEGEL BERG.

Tu demandes?-Lis lis toi-même.-Notre métier eft à vau-l'eau. La paix eft en Allemagne. Que le diable emporte les Moines!

(1) Il y a dans le texte : Les prieres, les fermens, les larmes rebondissent sur leur peau de bouc.

Moo R.

La paix en Allemagne !

SPIEGEL BERG.

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Il y a de quoi fe pendre. Le droit du plus fort détruit pour toujours -toute efpece de guerre défendue, fous peine de mort. - Meurtre & mort! Crêve Moor. Des piumes griffoneront, où jadis nos glaives tranchans....

Moo R jette fon fabre avec colere.

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Que de vils poltrons gouvernent donc, & que les HOMMES brifent leurs armes. La paix en Allemagne ! Allemagne, tu es flétrie pour toujours. Une plume d'oie au lieu de lance... Non, je ne veux pas y penser. -Il faut enchaîner ma langue & ma volonté dans leurs loix. La paix en Allemagne ! -Malédiction fur cette paix, -elle force à ramper, qui alloit s'éléver d'un vol d'aigle. La paix n'a pas encore formé un grand homme, la guerre enfante des géants & des héros. ( Avec feu. )—Ah ! fi l'âme de Herman brûloit encore fous la cendre! Qu'on me place devant une troupe d'hommes tel que moi & hors de l'Allemagne, -hors de l'Allemagne. - Mais non, non, non. Elle doit finir, & fon heure est venue. Plus de battement de pouls libre dans

les petits-fils de BARBEROUSSE. Je veux dans mes bois paternels oublier de combattre.

SPIEGEL BERG.

Comment diable! Tu ne voudrois pas jouer l'Enfant prodigue, j'efpere? Un homme comme toi, dont l'épée a plus écrit fur les figures que trois Secrétaires n'en pourroient barbouiller fur les loix dans une année-biffextile! Fi donc ! Rougis de honte. Il ne faut pas que le malheur fasse d'un grand homme un lâche.

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MOOR.

Je veux demander pardon à mon Pere, Maurice, & je n'en rougirai point. Appelle, fi tu veux, foibleffe ce respect pour mon Pere, — c'est la foibleffe d'un homme, & celui qui ne l'a pas, doit être un Dieu - ou une brute. -Laiffe-moi garder toujours un jufte milieu.

SPIEGEL BER G.

Va t'en, va! Tu n'es plus Moor. Te rappellestu combien de fois, le verre à la main, tu t'es moqué de ce vieux ladre? Qu'il grappille & qu'il entafle, difois-tu, cela fervira pour user mon gofier à force de boire. Te rappelles-tu cela? hé? Te le rappelles-tu?- O malheureuse & pitoyable jactance ! Encore c'étoit parler en homme, en Gentilhomme, mais....

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