Tous à grands cris. Vive le Capitaine ! SPIEGELBERG à part. Jusqu'à ce que je lui expédie fon passe-port. MOOR. Le bandeau tombe de mes yeux ! Quel imbé cille étois-je donc pour vouloir rentrer dans leurs tombeaux! Non, j'ai foif de grandes actions, je brûle, j'étouffe; il faut que je respire la liberté. -Voleurs & affaffins! Voilà les loix foulées fous mes pieds. Les hommes ont caché l'humanité quand j'en appellois à l'humanité. Loin de moi fympathie & pitié! - Je n'ai plus de Pere, je n'ai plus d'amour. Le fang & la mort m'apprendront à oublier que jamais quelque chofe d'humain me fut cher.Venez! venez !-Oh je veux quelque chofe d'horrible pour me diftraire. C'est dit, je fuis votre Capitaine, & vive le plus implacable d'entre vous qui brûlera, qui affaffinera avec le plus de férocité; car je vous le dis à tous, il fera récompensé en Roi. Formez tous un cercle autour de moi, & jurez-moi fidélité & obéiflance jusqu'à la mort. TOUS lui donnant la main. Jufqu'à la mort. (Spiegelberg fe promene avec une fureur jaloufe.) Tome XII. E 1 Moor. Et à préfent, par cette main d'homme, ( il étend fa droite) je vous jure ici de refter jufqu'à la mort votre fidele & dévoué Capitaine. Ce bras changera fur le champ en cadavre (1) le premier qui tremble, hélite, ou recule. Et qu'on en faffe autant de moi, fi je lèze mon ferment. Êtes-vous contens? Tous jettent leur chapeau en l'air. Nous fommes tous contens. (Spiegelberg rit d'un vilain rire.) Moo R. Marchons done! Ne craignez ni le danger ni la mort, -nos deftins font immuables, & chacun de nous fera enfin furpris par fon jourde-mort, ou fur les couffins voluptueux de la moleffe, ou dans le ravage horrible des combats, ou à la potence, ou fur la roue. Une de ces morts là nous est destinée. (Ils fortent. )` SPIEGELBERG qui eft refté feul. (1) By heav'n I'll make a ghost of him that lets me.... Fin du premier Ade. La vie d'un vieillard eft une éternité. Faut-il donc que mes plans fublimes fe traînent comme les heures d'un vieillard? Si l'on pouvoit frayer à la mort avide un chemin nouveau pour entrer dans le FORT de la vie?-DÉTRUIRE LE CORPS EN DÉCHIRANT L'AME. -Ah! pour qui en feroit l'auteur, quelle découverte ! Une merveilleune conquête-Un fecond COLOMBE dans l'empire Réfléchis, Moor. Ce feroit un mort. de la Et où commencer mon ouvrage ? par Quelle ef pece d'émotions furieuses briseroient tout-à-coup la vie dans fa force? LA COLERE?- Souvent ce loup affamé fe furcharge, & s'étouffe. LE CHAGRIN? Ce ver fe traîne trop lentement. LA CRAINTE?-L'ESPÉRANCE ne lui permet pas de faifir fa victime. (Avec une affreuse mé chanceté.) Sont ce là tous les bourreaux de L'arfenal de la mort eft-il fi facile ment épuifé? Hm! hm! (Il s'arrête.) Comment? Eh bien?- Quoi? - Ah! (Avec tranf port.) LA FRAYEUR! Que ne peut la frayeur ! Que peuvent la raison, l'efpérance, la religion, contre les embraflemens glacés de ce Géant? Et-s'il réfiftoit encore à cette fecoufle-Oh alors viens à mon fecours, DOULEUR, & toi REPENTIR, furie infernale, ferpent rongeur, monftre qui rumines ta nourriture; & toi REMORDS, aux hurlemens affreux, toi qui dévaftes ta propre maison, qui blefles ta propre Mere; & vous auffi Graces bienfaifantes, venez à mon fecours; toi PASSÉ, aux traits riants, & toi brillant AVENIR, avec ta corne d'abondance, montrez-lui dans vos miroirs les joies du ciel, quand votre pied fugitif échappe à fes bras avides. — C'est ainsi qu'assauts fur aflauts, fans relâche, j'attaquerai cette vie fragile, jusqu'à ce qu'enfin la troupe des furies le livrent — au désespoir ! - Triomphe! triomphe -mon plan eft fait. SCENE I I. FRANÇOIS; HERMAN N. FRANÇOIS d'un air décidé. ALLONS. ·LLONS. ( Hermann entre.) Ah! Deus ex ma china! Hermann ! HERMAN N. Pour vour fervir, mon Gentilhomme. Tu n'obliges point un ingrat. HERMAN N. Je te connois. Un homme décidé!-Un cœur de foldat. Mon Pere t'a bien offenfé, Hermann. |