Imágenes de páginas
PDF
EPUB

FRANÇOIS

Ecoute-moi donc, Hermann, & que tu voyes fi je prends ton fort à cœur comme un brave ami. -Va-change tes habits, rends-toi tout-à-fait méconnoiffable, fais-toi annoncer chez le vieillard, prétexte que tu reviens tout droit de la Hongrie, que tu as assisté, avec mon frere, à la derniere bataille, que tu l'as vu expirer dans tes bras.

HERMAN N.

Me croira-t-on ?

FRANÇOIS.

Ho, ho! C'eft mon affaire. Prends ces paquets, tu y trouveras ta commiffion détaillée & des titres qui feroient croire le Doute lui-même. — Hâtetoi feulement de fortir, fans être vu, - gliffe-toi dans la cour, & de-là, tu fauteras par - deffus le mur du jardin. Quant à la catastrophe de cette tragi-comédie, je m'en charge.

HERMAN N.

Et l'on dira alors: Vive le nouveau maître François de Moor.

FRANÇOIs lui carreffant la joue.

Tu es fin!

Car, vois-tu, comme cela,

[ocr errors]

nous réuffirons dans tous nos projets, & bien promptement. Amélie renonce à toute espérance. Le bon vieillard s'attribue la mort de fon fils, &-tombe malade. Un édifice qui chancelle n'a pas befoin, pour s'écrouler, d'un tremblement de terre. Il ne furvivra pas à ta nouvelle, — alors je fuis fils unique. Amélie, fans protecteurs, eft le jouet de mes volontés, alors tu peux bien imaginer.... Tout va au gré de nos vœux ;mais il ne faut pas reprendre ta parole.

[ocr errors]

HERMAN N.

--

Que dites-vous? ( Avec joie.) La bombe rentreroit plutôt dans fon mortier. Comptez fur moi. Laiflez-moi faire. Adieu.

FRANÇOIS court, & lui crie:

Songe bien que tu travailles pour toi. — ( Il le fuit des yeux, & revient en riant d'un rire de démon,) Tout zele, tout volonté ! Avec quel empreffement le fot trompé faute hors des fentiers de l'honnête homme pour attraper un bien que jamais.... Pour découvrir l'impoffibilité de l'obtenir, il ne faut rien de plus que de n'être pas imbécille. (Avec humeur.) Ah c'est impardonnable! C'est un coquin, cependant, & il fe fie à mes promeffes!-Sans la moindre inquiétude, il s'en va tromper un honnête homme, & jamais

[ocr errors]

il ne pardonnera de l'avoir trompé. Eft ce là ce Vice-Roi fi vanté de la création ? Pardonne-moi donc, Nature, fi je t'ai juré ma haîne pour les traits que tu m'as refufés, je veux que tu me dépouille encore de ce peu qui me refte d'humanité. -Homme, tu as perdu toute mon eftime, & je ne crois plus qu'à te nuire, on commette un crime. (Il fort.)

SCENE I I I.

La chambre à coucher du Comte.

LE COMTE MOOR endormi A MÉLIE.

AMÉLI E.

DOUCEMENT- doucement

il fommeille.

(Elle s'arrête devant le vieillard.) Comme il est bon! refpectable ! --Voilà comme on peint les Saints! Non, je ne puis me fâcher contre toi, bon vieillard! Je ne puis m'irriter contre ces auguftes cheveux blancs. (Effeuilletant fur le vieillard un bouquet de rofes.) Sommeille dans le parfum des roses! Que dans le parfum des rofes, Charles t'apparoifle dans tes fonges;

[ocr errors]

éveille-toi dans le parfum des roses, - je veux aller m'endormir fous le romarin. (Elle s'éloigne.)

LE COMTE en fonge.

Mon Charles! mon Charles! mon Charles!

AMÉLIE s'arrête, & revient lentement.

Paix! Son Ange a exaucé ma priere. (S'approchant tout près de lui.) L'air où fon nom se mêle, eft doux à refpirer! Je veux refter ici.

LE COMTE toujours en fonge.

Es-tu là? L'es-tu réellement?

(Il crie.) Ah! ah! - ne me regarde pas avec cet œil désespéré. — — Je suis affez malheureux. (Il s'agite.) AMÉLIE s'élance, & l'éveille en furfaut. Réveillez-vous, mon oncle. Ce n'étoit qu'un

[merged small][merged small][ocr errors]

Il n'étoit pas là? Je ne preffois pas fa main? Je ne refpire pas le doux parfum de fes rofes? -Vilain François, veux-tu auffi l'arracher à mes fonges?

A MÉLIE recule.

L'as-tu bien entendu, Amélie ?

LE

COMTE Je réveille,

Où fuis-je donc? Tu es là, toi, ma niéce ?

1

AMÉLI E.

Vous dormiez d'un fommeil digne d'envie.

LE COMT E.

Je rêvois mon Charles. Pourquoi mon rêve a-t-il été interrompu? J'aurois peut-être obtenu mon pardon de fa bouche?

AMÉLIE l'œil enflammé.

Des Anges ne confervent pas de haine. - Il vous pardonne. (Preffant doucement fa main.) Pere de Charles, je vous pardonne.

LE COMT E.

Non ma fille. Cette pâleur mortelle fur tes joues, m'accufe encore, malgré ton cœur. Pauvre fille! J'ai flétri la joie de ta jeuneffe. Ne pardonne point- feulement ne me maudis pas.

A MÉLI E.

L'amour ne connoît qu'une feule malédiction. (Baifant la main du vieillard avec tendresse.)La voici. LE COMT E qui s'eft levé.

Que trouvé-je donc là? Des roses, ma fille? Tu femes des roles fur l'affaflin de ton Charles?

A MÉLI E.

Des roles au Pere de mon amant, (fe jettant à fon col) à qui je n'en puis plus jetter.

« AnteriorContinuar »