Imágenes de páginas
PDF
EPUB

RAZMAN N.

Mais, mon Dieu, ce pauvre Roller! le pauvre Roller.

SPIEGEL BERG.

Memento mori, il faut mourir, frere, mais tout cela ne me fait rien. (Il chante fur un air à boire.)

Suis-je auprès d'une potence?

Je ne ferme que l'œil droit,

Et je dis: Pends-y tout feul,

Le plus fot de nous deux, ce n'eft pas moi.

RAZMANN fe levant en furfaut.

Paix! un coup de fufil! (On entend au loin un grand tumulte & des coups de fufils de tout côtés.)

SPIEGEL BERG.

Encore un autre !

RAZMAN N.

Encore! C'eft le Capitaine. (On entend chanter au loin avec des tranfports de joie.)

Les Nurembergeois ne pendent perfonne
Avant de les avoir pris.

(On entend les voix de Schweizer & Roller.)

Hollà oh! hollà oh!

RAZMAN N.

C'eft Roller, c'eft Roller! que mille diables m'emportent !

Les voix de SCHWEIZER & ROLLER.

Razmann, Grimm, Spiegelberg, Razmann !

RAZMAN N.

Roller, Schweizer! Eclair, tonnerre, grêle & tempête! (Ils courent au devant d'eux.

SCENE I X.

LE VOLEUR MOOR à cheval, ROLLER, SCHEWEIZER, SHUFTERLE, bande de Voleurs, couverts de pouffiere & de boue.

LE VOLEUR MOOR fautant de cheval.

LIBERTÉ ! liberté ! - Te voilà sauvé, !

Roller.

Emmenez mon cheval, & lavez-le avec du vin. (Il s'affied par terre.) Il y faifoit chaud.

RAZ MANN à Roller.

De par la forge de Pluton! tu es donc reffuf

cité de la Roüe?

SPIEGELBERG.

SPIEGEL BERG.

Es-tu fon ombre? Ou suis-je un imbécille? Estu Roller en chair & en os?

ROLLER ne pouvant refpirer.

C'est moi-même tout vivant, c'eft Roller tout entier. D'où crois-tu que je vienne?

GRIM M.

Demande à la Sorciere. Ta fentence n'étoitelle pas déja prononcée ?

ROLLE R.

Oui vraiment,. il y avoit bien encore quelque chofe de plus. Je viens tout droit du Gibet. Laiffe-moi d'abord refpirer. Schweizer te racontera...... Donnez-moi un verre d'eau-de-vie ! — Et toi auffi, Maurice, te voilà de retour? Je croyois bien te revoir ailleurs!-- Donnez-moi donc un verre d'eau-de-vie! Mes os fe détachent. - O mon Capitaine ! Où eft mon Capitaine ?

RAZMAN N.

Tout à l'heure, tout à l'heure! - Mais dis donc, parle donc. Comment t'es-tu échappé ? Comment nous es-tu rendu ? La tête me tourne. Tu viens du gibet, dis-tu ?

Tome XII.

G

ROLLER avale un grand verre d'eau-de-vie.

Ah c'eft bon, ç'a brûle ! - Tout droit du gibet. Vous êtes là ébahis, vous ouvrez une large mâchoire, vous ne pouvez pas concevoir... Je n'étois qu'à trois pas des facrés échelons par où j'allois monter dans le fein d'Abraham, - fi Tu aurois eu ma vie pour près ! -fi près!

une prise de tabac. Et c'est à mon Capitaine que je dois l'air, la liberté, la vie!

SCHWEIZER.

Ah c'est une farce vraiment comique. Nous apprenons la veille par nos efpions que Roller en avoit jusques par-deflus la tête, & que fi le ciel ne fe hâtoit de crouler, demain, -'c'est-àdire, aujourd'hui, il feroit forcé de prendre la route univerfelle (1). Allons, dit le Capitaine, que ne rifque pas un ami! - Nous le fauverons, ou nous ne pourrons pas le fauver, ce que je promets bien, c'est que plus d'un avec lui feront le grand voyage. Toute la bande reçoit ses ordres. Nous lui dépêchons un courier qui lui fait

(1) Il y a dans le texte : Den weg alles fleisches gehen müssen, faire le chemin de toute chair; Bible de Luther. Voyez auffi la derniere préface de la Bible grecque & latine de Morin, Sed Gregorio viam univerfæ carnis ingreffo, &c.

favoir nos projets, en lui jettant un petit papier

[blocks in formation]
[ocr errors]

Nous guettions le moment où tous les chemins feroient déserts. Toute la Ville étoit au grand fpectacle; cavaliers, fantaflins, caroffes, tout pêle mêle. Le tumulte & le cantique de la potence retentissoient déja dans les airs. A préfent, dit le Capitaine, mettez le feu, allumez. Nos gens partent comme des flêches: le feu eft à la Ville dans cinquante endroits différens ; on jette des mêches enflammées près du magasin à poudre, dans les Eglifes, dans les granges. Mort bleu ! Il n'y avoit pas encore un petit quart d'heure que le vent du nord, qui fans doute a auffi une dent contre la Ville, nous favorife, & fait merveilles; la flamme de tous côtés s'éleve par tourbillons. Et nous autres, nous allions hûrlant par les rues, comme des furies, au feu ! au feu ! & nous traversons toute la Ville. Des hûrlemens des cris, un bruit terrible glacent tous les cœurs. Les tocfins fonnent, le magasin à poudre crêve, -on eut dit que le globe venoit de fe fendre jufques dans fon centre, que le ciel s'étoit dé

« AnteriorContinuar »