,,point contre la Loi Divine. Sur ce Princi,,pe, je laiffe aux Cafuiftes à décider de la qualité des fentimens de Mr. & de Mad. de Montaufier. Ils avoient voulu que leur fille ,, montrât l'exemple aux autres de fuivre Mademoiselle de la Valiere; & comme ils avoient demandé permiffion à la Reine, qui ,, la leur avoit réfufée; l'excès du dépit qu'ils en avoient leur faifoit dire avec hypocrifie & fans le deffein de decouvrir la lâcheté de leurs "difcours, que la Reine-Mere, par une opi,, niâtreté indigne d'une Mere Chrêtienne, avoit contribué au Péché du Roi fon fils, au lieu de travailler à l'en tirer; comme elle le faifoit fouvent, par fes fages confeils. Ils ,, auroient voulu au contraire, qu'elle y eût ,, pris une part, qui l'auroit rendue indigne des miféricordes Divines, & indigne même de l'eftime du Roi fon fils; car ce Prince avoit trop de difcernement, pour croire qu'il eût pu voir fans mépris, ce qui de foi auroit été fi méprifable. Je repondis à Mr. de Montaufier, qu'il me fembloit avoir remarqué dans l'Histoire, que Cathérine de Médicis étoit deshonorée pour avoir eu de pareilles complaifances pour les Rois fes enfans; & que je ferois fâchée, pour l'intérêt ,, que je prenois à la gloire d'Anne d'Autri,, que, qu'elle fût capable d'en faire autant.

"

Les faveurs du Roi pafferent de Mad. de Montaufier, à fon Epoux; le Duc de Longueville étant mort, & les Princes fes fils étant trop jeunes pour exercer par eux la charge de

H 4

Gou

Gouverneur de Normandie, le Roi jetta les yeux fur le Marquis de Montaufier qu'il nomma Commandant de cette Province, où il eut plufieurs desagrémens. Quelque tems après le Pape Alexandre VII. envoya en France fon neveu le Cardinal Chigi en qualité de Legat à latere, le Roi honora Mr. de Montaufier de la Commiffion de l'aller recevoir à Marseille, & pour l'indemnifer des grandes depenfes qu'il avoit faites à cette occafion, S. M. le crea Duc & Pair à Brêvet. Le refte de ce Livre eft un éloge fuivi de la piété, de la dévotion & de la charité du Duc de Montaufier, & l'Auteur prétend qu'il ne fit aucune demarche pour obtenir le glorieux emploi de Gouverneur de Monfeigneur le Dauphin.

Le Tom. II. contient les Liv. V. & VI. & la fameufe Guirlande de Julie. Ce fut le 18. Sept. 1668. que le Roi déclara à Mr. de Montaufier qu'il l'avoit choifi Gouverneur du Dauphin, & il l'honora en même-tems des Charges de premier Gentil-homme de la Chambre & de Grand-Maître de la Garderobe de ce Prince. Le Préfident de Perigny fut choifi Précepteur, & Mr. Milet Sous-Gouverneur. Mr. de Perigny mourut un an après, & Mr. de Montaufier en fut la caufe fi l'on en croit Segrais (a). Le Gouverneur fit nommer Mr. Boffuet Evêque de Condom & l'Abbé Huet. qui fut depuis Evêque de Soiffons & d'Avranches, Précepteurs de Mr. le Dauphin. Le Liv,

(4) Mémoires Anecdotes, pag. 72.

V. contient un recit flâteur des peines que fe donnoit le Gouverneur. Mr. de Segrais (a) qui a été témoin oculaire de cette éducation dit,

Molière a bien répresenté Mr. de Montau ", fier dans fon Mifanthrope; c'étoit-là fon pro,, pre Caractère. Ce n'eft point par fon mérite qu'il a été élevé au pofte où il étoit, ,, majs par fa fortune. Mr. de la Rochefou ,,sault auroit bien mieux réuffi que lui. Mon,, feigneur auroit apris tout ce qu'un Prince comme lui devoit aprendre, feulement en le ,, regardant: Il étoit doux, complaifant, a,, gréable & infinuant, & il n'avoit pas cet air de decifion & d'autorité qu'avoit Mr. de Montaufier. Monfeigneur ne favoit pas encore les principes de la Langue Latine ,, qu'il étoit en colère de ce qu'il ne favoit pas le Grec. Et dans un autre endroit le même dit (b),,, Mad. de Choifi difoit de Mr. de Montaufier, que c'étoit un fagot d'ortie qui piquoit de quelque côté qu'on le ,, prît. Il difoit qu'il n'y avoit rien d'indifférent dans les Actions d'un Prince; fur quoi Madame de *** lui difant, qu'un Prince voulant paffer le tems à couper du papier, il étoit indifférent que ce fût du papier gris ou du blanc: Suivant l'occafion; repliqua-til, il y en a auffi où il est plus à propos de cou" per du papier gris. Je ne fai pas comment on ne s'eft pas aperçu à la Cour qu'il étoit

.

(a) Mémoires Anecdotes, pag. 72. (6) Ibid. pag. 235. Hs

un

un peu fou. Monfeigneur étoit fi fort intimidé de fes manières, qu'il n'ofoit ouvrir la bouche pour parler, ne fachant fi ce qu'il diroit feroit de fon goût. Il faut reprendre dans le tems & dans l'occafion; il faut auffi careffer du même.... Ce n'est pas le Portrait que Mr. N.... fait du Duc de Montaufier dans fon Hiftoire. Quoi qu'il en foit, on trouve dans le Liv. V. une partie des belles maximes Politiques & Chrêtiennes, que le Duc avoit mis par écrit pour l'inftruction de Mr. le Dauphin; les 24. ou 25. pag. qui en contiennent un abregé font la meilleure partie de cet ouvrage. L'Auteur n'a pas manqué de remarquer que c'est à Mr. de Montaufier que l'on doit l'invention des Auteurs in ufum Delphini; mais il ne dit pas que Mr. de Montaufier les inventa autant pour fupléer à ce qu'il ignoroit que pour l'ufage de fon Eleve, il faut entendre fur cet Article Mr. Huet, qui fut chargé de l'exécution de ce deffein (a);,, les Commentaires fur les anciens Auteurs Latins, qui furent entrepris par ordre du Roi, pour l'u,, fage de Mr. le Dauphin, & pour l'utilité ,, publique, furent uniquement de l'invention. de Mr. le Duc de Montaufier. Comme il ,, avoit toûjours aimé & cultivé les belles Lettres, & qu'il avoit pris plaifir à la lecture des Anciens, autant que ja vie militaire & ,,aulique le lui avoient pu permettre, il trouvoit fouvent à fon chemin des paffages obf

(4) Huetiana, pag. 92.

curs

curs qui l'arrêtoient, faute de Commen „taires, dont il ne pouvoit pas charger fon équipage. Ces obfcuritez étoient de deux "fortes; ou elles confiftoient dans le texte & l'expreffion de l'Auteur; ou elles regardoient des points d'Hiftoire, ou de Mythologie, dont l'intelligence dependoit de la connoif"7 fance de l'antiquité. Il chercha donc des ,, remedes à ces deux obftacles; il jugea qu'u➡ ne interprétation, en forme de glofe, éclairciroit les obfcuritez du texte, & que des Notes, en forme de Commentaires expli ,, queroient les matières d'érudition ancienne. Îl eût été à défirer que pour remplir digne" ment cette entreprife, on eût pu trouver des ,, gens confommez dans la belle Literature, en auffi grand nombre qu'il fe trouvoit des Auteurs dignes de cette culture.

"

Il en coûta au Roi environ 400. mille francs, il ferait à fouhaiter qu'on exécutât un projèt que fit alors Mr. Huet; après avoir inventé les amples indices qu'on trouve à la fin des in ufum Delphini;,, Il porta, dit-il (a), fes vues ,, plus loin, & il propofa de fondre enfemble "tous ces indices particuliers, quand ils fe roient achevez, & d'en compofer un Indice ", général, qui renfermeroit & circonfcriroit, ", pour ainfi dire, les Limites de la Langue Latine. En forte que par ce moyen on pourroit trouver dans un moment, & avec certitude, la naissance, l'âge, l'ufage, la fignification,

33

(a) Huetiana, pag. 941

3