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vrages ont été multipliez par un grand nombre d'éditions, Regnier eft peut-être celui qui a le plus fouffert de la négligence des Imprimeurs, de l'ignorance des Copiltes, & de la temerité des Editeurs.

D'ailleurs, fes Poëfies contiennent quantité de faits Hiftoriques, & d'allufions, que l'éloignement des tems a derobez à notre connoisfance; fans parler de l'obfcurité qui refulte de l'embarras même de fon expreffion. C'eft ce qui a déterminé Mr. Broffette à donner une Edition correcte de fes Oeuvres avec un Commentaire qui en pût rendre la lecture plus facile & plus agréable. Voici le plan qu'il a fuivi.

Il a corrigé le Texte exa&tement. Pour cet effet, il a raffemblé & conferé toutes les éditions, au nombre de quinze ou feize, dans chacune desquelles il y a des differences fort notables; outre qu'il n'y en a aucune, qui ne foit remplie de fautes eflentielles. Il n'en excepte pas même celles qui ont été faites pendant la Vie de l'Auteur: elles donnent lieu de croire que fon indifference pour fes ouvrages, alloit jufqu'à n'en pas revoir les épreuves.

Il a recueilli avec foin toutes les Imitations. Et il ne faut pas s'imaginer qu'elles foient en petit nombre; car outre les frequentes Imitations des Poëtes Latins, Regnier a pris des Pièces prefque entieres des Poëtes Italiens; & ces larcins qu'il a faits chez les Etrangers ne font connus presque de perfonne. Sur quoi Mr. Broffette remarque que les envieux de la glore

gloire de Mr. Despreaux ont eu grand tort de lui oppofer Regnier, comme un Poëte original, qui ne devoit rien qu'à fon génie, & qui avoit tout trouvé dans fon propre fonds.

A l'égard des Notes, Mr. Broffette n'en fauroit promettre d'auffi remplies que celles qu'il a données fur les Oeuvres de Mr. Despreaux. La raison de cette difference eft bien fenfible. Celles-ci ont été faites fous les yeux de Mr. Defpreaux lui-même, & de concert avec lui: au lieu que les Eclairciffemens fur Regnier ne viennent que plus d'un fiecle après fa mort. Il a fallu tout tirer des Ecrivains de ce tems-là, & fouvent fe contenter de fimples conjectures. Il fe flate néanmoins d'avoir recueilli, à peu près, tout ce qui peut avoir rapport à l'ancien Satirique François, foit pour les Faits perfonnels, foit pour la Critique; & bien loin d'avoir negligé les fecours qui fe prefentoient d'eux-mêmes il: a recherché avec foin ceux que les confeils & les lumieres de fes amis ont pû lui fournir.

Il y a dans les Oeuvres de Regnier plufieurs Pieces qui n'ayant pas été publiées pendant fa Vie, ont été inferées dans les diverfes éditions qui ont paru après fa mort. Comme elles ont été ajoutées aux précedens Ouvrages, fucceffivement, & à mefure qu'elles fe prefentoient, on ne s'étoit attaché jufqu'à prefent, ni à les ranger dans leur ordre naturel, ni à leur donner les titres qui leur convenoient. Mr. Broffette a cru devoir faire l'un & l'autre. 11 a distribué tous les Ouvrages de Regnier en Cc 3

fix

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fix Claffes differentes, fous les Titres de Satires, Epitres, Elégies, Poêfies mêlées, Epigrammes, & Poëfies Spirituelles.

Après avoir donné une idée générale de fon plan, Mr. Broffette rapporte ce qu'il a pû recueillir touchant la Vie de Regnier. On en chercheroit inutilement des particularitez dans les Auteurs contemporains; ils fe font contentez de louer fon talent, fans parler de fa perfonne. Ce que Mr. Broffette nous en dit, eft tiré des papiers journaux de fa famille, dont on lui a communiqué des Extraits. En voici le precis.

MATURIN REGNIER nâquit dans la Ville de Chartres, le 21. de Decembre 1573. II étoit fils ainé de Jacques Regnier, Bourgeois de la même Ville; & de Simonne Defportes, fœur de l'Abbé Desportes fameux Poëte. Jacques Regnier dans fon Contrat de Mariage, paffé le 5. de Janvier 1573, fut qualifié honnorable Homme, titre qui dans ce tems là ne fe donnoit qu'aux plus notables Bourgeois. II fit bâtir, cette même année, dans la place des Halles, un Jeu de Paume, des démolitions de la Citadelle de Chartres, qui lui furent données par le crédit de l'Abbé Defportes fon Beaufrere; & comme ce Tripot a porté le nom de Tripot-Regnier tant qu'il a subsisté, c'est aparemment ce qui a donné lieu de dire que Regnier le Satirique étoit fils d'un Tripotier.

Le Pere & la Mere de Regnier moururent de la Contagion, mais non pas en même tems,

ni en même lieu. Son Pere mourut le 14. de Fevrier 1597, à Paris, où il avoit été deputé pour les interêts de la Ville de Chartres, dont il étoit actuellement Echevin; & fa Mere mourut à Chartres le 20. de Septembre 1629.

Maturin Regnier fut tonfuré le 31. de Mars 1582, par Nicolas de Thou Evêque de Chartres. Quelques années après, il obtint par dé-. volut un Canonicat, dans l'Eglife de NotreDame de la même Ville; ayant prouvé que le Refignataire de ce Bénefice, pour avoir le tems de faire admettre fa Refignation à Rome, avoit caché pendant plus de quinze jours la mort du dernier Titulaire, dans le lit duquel on avoit mis une bûche, qui fut depuis portée en terre, à la place du corps qu'on avoit fait enterrer fecretement. Regnier prit poffeffion de ce Canonicat, le 30. de Juillet 16c4.

Il eut encore d'autres Bénéfices, & une Penfion de deux mille livres, qu'Henri IV. lui donna en 1606. fur l'Abbaye des Vaux-deCernay, après la Mort de l'Abbé Defportes, qui en étoit revêtu.

La tradition à Chartres, eft que Regnier, dès fa premiere jeuneffe, marqua fon inclination à la Satire. Les vers qu'il faifoit contre divers Particuliers, obligerent fon pere à l'en châtier plus d'une fois, en lui recommandant de ne point écrire, ou du moins d'imiter fon Oncle, & de fuir la médifance.

Le déréglement dans lequel il vécut, ne le laiffa pas jouir d'une longue vie. Il mourut à Rouen, dans fa quarantiéme année, le 22. Cc 4 d'Oc

d'Octobre 1613. en l'hôtellerie de l'Ecu d'Orleans, où il étoit logé. Ses entrailles furent portées en l'Eglife Parroiffiale de Sainte Marie de Rouen; & fon corps ayant été mis dans un cercueil de plomb, fut transporté à l'Abbaye de Royaumont, lieu qu'il aimoit beaucoup, & où il voulut être enterré.

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Le P. Garaffe dans fa Recherche des Recherches, dit que Regnier, fe baftit jadis cette Epitaphe à foy mefme, en fa jeunesse débauchée, ayant defefperé de fa fanté, & eltant, comme il penfoit, fur le point de ,, rendre l'ame:

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J'ay vefcu fans nul penfement,
Me laiffant aller doucement

A la bonne Loy naturelle:
Et fi m'eftonne fort pourquoy
La mort ofa fonger à moy

Qui ne fongeay jamais en elle.

Mr. Broffette a placé cette Piece à la fin des Poëfies mêlées de Regnier: mais après l'avoir rapportée dans la Préface, il obfarve que ce n'eit ni cette Epitaphe, ni quelques autres Poëfies licentieufes de cet Auteur, qui doivent fervir de régle pour porter un Jugement décifif fur fes fentimens & fur fes moeurs. Il est peu de Poëtes, dit-il, dont la jeuneffe n'ait été infectée de cette malheureufe contagion; mais on pardonne aifément, on oublie même leurs égaremens paflagers, quand ces Auteurs ont

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