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teuse négociation, et partage avec Calpurnius l'argent de Jugurtha. Pour éblouir le public, on fait un traité solennel le roi de Numidie se soumet en apparence aux ordres du sénat; il livre ses places, ses chevaux, ses éléphants, et des sommes considérables d'argent. Il paroît s'abandonner lui-même à la discrétion des Romains, vient au camp sans gardes et sans aucune marque de sa dignité mais il avoit pris la précaution de se faire donner des otages (a); et après que le général des Romains se fut retiré de ses états, il rentra dans ses places. On lui renvoya pour de l'argent jusqu'à ses chevaux et ses éléphants; et à la faveur de cette fausse paix, il jouit paisiblement du fruit de son crime, et de l'assassinat d'Adherbal. On apprit à Rome avec autant de honte que de douleur cette nouvelle prostitution: tout le monde se plaignoit que la majesté du peuple romain avoit été violée. =An 642 de Rome. Memmius, un des tribuns du peuple, en prit occasion de se déchaîner contre le sénat. « L'intégrité, dit-il, a disparu <<< dans cet ordre : on n'y trouve plus de justice; l'argent << est le tyran de Rome, et le peuple n'a que trop éprouvé «< que les grands et la noblesse n'ont point d'autre divi«< nité. Ils trafiquent publiquement de leur foi et de <«<leur honneur. La gloire et les intérêts de l'état sont << tombés en commerce. On a trahi la majesté de l'empire; on a vendu la république dans l'armée et dans « Rome même. Opimius, l'assassin de Caïus, le meur<< trier de trois mille de ses concitoyens, ce tyran de sa patrie, les mains encore souillées du sang du peuple (a) Tit. Liv. ep. 64.

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<«< et de ses tribuns, les a remplies de l'or et de l'argent «< du perfide Jugurtha. Calpurnius et Scaurus ne sont << peut-être pas plus innocents. On nous dit que le « Numide s'est rendu à la république; qu'il a livré ses places, ses troupes, et ses éléphants; éclaircissez cette vérité, faites venir à Rome Jugurtha. S'il est vrai qu'il se soit rendu de bonne foi, il obéira à vos ordres; << et s'il n'y obéit pas, vous jugerez aisément que ce «< qu'on appelle un traité n'est qu'une collusion de ce prince artificieux avec nos généraux; traité qui << n'aura produit pour lui que l'impunité de ses crimes, << des richesses honteuses pour ceux qui étoient chargés << des ordres du sénat, et un déshonneur éternel

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<< la république.>>

pour

Ce discours réveille toute l'animosité publique. Opimius est cité devant l'assemblée du peuple. On lui fait son procès; il est banni de Rome par un décret solennel. Le souvenir de ses cruautés, dit Velleïus Paterculus, fit qu'il n'y eut pas un plébéien qui eût pitié de sa disgrace; et il fut obligé, ajoute Plutarque, de passer sa vieillesse dans le déshonneur, et dans la honte que lui avoit attiré son avarice et sa corruption.

Cassius, qui étoit alors préteur, en vertu du même décret du peuple, passa en Afrique pour amener Jugurtha à Rome. Il lui donna pour sa sûreté la foi publique. Mais ce prince avoit encore plus de confiance en son argent; et il ne fut pas plus tôt arrivé, qu'il gagna par de riches présents un tribun du peuple, appelé Bebius; il se présenta ensuite devant l'assemblée. Memmius lui reprocha son ingratitude pour la maison de

Micipsa, son ambition excessive, sa cruauté, le meurtre de ses deux frères adoptifs, sa désobéissance pour les ordres du sénat, et son intelligence secrète avec ceux qui en étoient chargés, encore plus criminelle et plus odieuse à la république.

Le tribun ajouta qu'encore que le peuple n'ignorât pas le nom de ses complices, et le prix de leur prostitution, il vouloit cependant en être instruit par sa Louche; qu'il peut tout espérer de la foi et de la clémence des Romains s'il dit la vérité; mais que s'il la cache ou la déguise, il se perd sans ressource: et làdessus il le somme de répondre, article par article, aux différents chefs d'accusation qu'il avoit encore moins préparés contre lui que contre les sénateurs et les commissaires qui s'étoient laissé séduire par son argent.

Mais Bebius venant au secours de Jugurtha, lui défendit de répondre, sans en alléguer aucune raison. Tout le monde est surpris de l'impudence de ce tribun. Cependant il persiste obstinément dans son opposition; et le peuple, trahi par un de ses magistrats, voit rompre l'assemblée sans éclaircissement. Justement irrité de cette collusion, et de l'opposition de Bebius, il la regarde comme l'effet d'une nouvelle corruption, et on ne parle pas moins que d'arrêter le roi de Numidie, et de donner sa couronne à un autre petit-fils de Masinissa, qui, redoutant la cruauté de Jugurtha, s'étoit réfugié à Rome depuis la mort d'Adherbal.

Jugurtha, alarmé de ces bruits, trouve des assassins qui le défont de ce rival. Mais l'un de ces meurtriers ayant été arrêté, le perfide Africain, convaincu d'une

action si noire par la déposition de cet assassin, et peut-être n'ayant plus assez d'argent pour être innocent, reçoit ordre du sénat de sortir incessamment de Rome. Il partit aussitôt, apparemment dans la crainte d'être arrêté. On dit qu'étant hors des portes de Rome, il s'écria, en la regardant : « O ville vénale! tu serois << bientôt esclave, s'il se trouvoit marchand assez riche « pour t'acheter. >>

Comme ce prince étoit venu à Rome sur la foi publique, on le laissa retourner paisiblement dans ses états. =An 643 de Rome. Mais il fut bientôt suivi par le consul Albinus, qui avoit ordre de lui faire la guerre sans relâche, s'il ne remettoit sa personne et son royaume au pouvoir du peuple romain. Albinus étant arrivé en Afrique, commença à faire la guerre avec succès; et il eût bien souhaité de la pouvoir finir avant que son consulat fût expiré. Jugurtha, au contraire, qui n'avoit d'espérance que dans le changement des généraux, et qui attendoit tout du bénéfice du temps, ne songeoit qu'à amuser le consul, et à tirer les choses en longueur.

Tantôt il promettoit de se rendre, une autre fois il témoignoit qu'il quitteroit la vie plutôt que la couronne. On le voyoit fuir devant les Romains, et peu de jours après il venoit les attaquer jusque dans leur camp. II y faisoit passer ensuite des courriers et des négociateurs: c'étoient tous les jours de nouvelles propositions. Le consul, embarrassé dans cet abîme de négociations, dont il ne voyoit point le fond, ne faisoit pour ainsi dire ni la guerre ni la paix. Et le temps des comices étant venu, il fut obligé de quitter l'Afrique, et de se

rendre à Rome pour présider à l'élection de nouveaux consuls; et il partit après avoir donné le commandement de l'armée à Aulus, son lieutenant et son frère.

C'étoit tout ce que Jugurtha pouvoit souhaiter de plus avantageux. On lui laissoit à combattre un capitaine sans valeur et sans science militaire, et qui n'avoit pour toute considération que la qualité de frère du général. Beaucoup de présomption lui cachoit son incapacité; et une avarice sordide lui fit faire autant de fautes que d'entreprises.

Au milieu de l'hiver il tira ses troupes de leurs quartiers pour assiéger Suthul, une des plus fortes places de la Numidie, où Jugurtha tenoit une partie de ses trésors. C'étoit le leurre qui l'y attiroit; mais la proie étoit enfermée dans un château situé sur la d'une montagne, et environné de marais que les pluies et les neiges fondues avoient rendus impraticables.

croupe

Aulus, aveuglé par son avarice, ne laisse pas d'en former le siège. Jugurtha, ravi qu'il se fût attaché à une entreprise aussi difficile, lui fait faire différentes propositions, comme s'il eût redouté le succès de ses armes. Pour entretenir sa présomption, il lui envoyoit de temps en temps des députés qui lui demandoient la paix avec des termes aussi soumis que s'il eût déjà été maître de toute la Numidie. Il ne laissa pas de faire avancer son armée, comme s'il eût voulu tenter de jeter du secours dans la place. Mais il avoit donné ordre à ses officiers d'affecter une contenance mal assurée.

Aulus, qui se flattoit d'avoir répandu la terreur

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