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tion, devoient commander différents

corps. Mais avant

de faire aucun acte d'hostilité ils envoyèrent des députés à Rome, pour demander de la part de tous les peuples d'Italie, alliés ou dépendants de la république, d'être reçus au nombre des citoyens romains.

Le sénat également instruit de leurs prétentions et de leurs forces, refusa avec hauteur d'entendre leurs députés; et on leur fit dire qu'ils n'auroient point d'audience, jusqu'à ce que ceux qui les avoient envoyés eussent renoncé à la confédération qu'ils venoient de signer; et on les congédia avec cette réponse.

Les alliés, au retour de leurs ambassadeurs, prirent en même temps les armes de tous côtés. On vit tout d'un coup au milieu de l'Italie une armée de cent mille hommes tous conjurés contre Rome; et ce qui rendoit ces troupes redoutables, c'est qu'elles étoient commandées par d'excellents chefs, et qui avoient été élevés dans les armées et dans la discipline des Romains.

An 663 de Rome. Le sénat arma de son côté avec une extrême diligence, et mit sur pied un plus grand nombre de légions qu'à l'ordinaire. Sextus Julius César, et P. Rutilius Lupus, tous deux consuls cette année, marchèrent en campagne, et commandèrent chacun une armée. On leur donna pour lieutenants C. Marius, Cn. Pompeius, Cornelius Sylla, et Licinius Crassus, qui passoient pour les plus grands capitaines de la république, et dont la plupart avoient commandé des armées en qualité de consuls et de généraux. Mais l'amour de la patrie faisoit que ceux mêmes qui avoient

commandé en chef une année, ne dédaignoient point de servir la suivante dans la même armée en qualité de lieutenants. On donna à ceux-ci le titre de proconsuls; et quoique toujours soumis aux ordres des deux consuls, ils commandoient séparément, à cause des différents endroits où l'on fut obligé de faire la guerre.

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Jamais la république n'avoit eu tant d'armées différentes en même temps dans l'Italie. De peur de surprise on mit des gardes aux portes de Rome, pendant une guerre dans laquelle les soldats des deux partis étoient habillés de la même manière, parloient la même langue, et se connoissoient les uns les autres; en sorte qu'il étoit difficile de distinguer le citoyen de l'ennemi. Il y eut des combats sanglants, des batailles, et des prises de villes. La fortune passa plus d'une fois dans l'un et l'autre parti, qui s'affoiblirent réciproquement sans rien relâcher de leur animosité et de leur fureur. = An 664 'de Rome. Enfin le sénat s'apercevant que la république ne remportoit pas même de victoires qui ne lui fussent funestes, et qu'en faisant périr des alliés elle perdoit autant de soldats qui composoient auparavant ses armées; ce corps.si sage se relâcha de sa première fermeté; mais il ne céda que peu å peu pour conserver toujours la dignité du nom romain; et mème pour jeter de la division entre les alliés, on n'accorda d'abord ce droit et ce privilège de citoyen, qui faisoit le sujet de la guerre, qu'aux peuples voisins de Rome, ou qui n'avoient point pris les armes, ou qui offrirent les premiers de les quitter. Cette conduite ralentit l'ardeur des ennemis; les alliés, dans une défiance réciproque,

se pressèrent de faire chacun leur traité particulier; et les Romains de leur côté trouvèrent plus de grandeur à se relâcher en faveur des ennemis divisés et affoiblis, que de céder au corps entier de la ligue lors même qu'elle étoit en sa plus grande vigueur (a).. Enfin tous ces peuples obtinrent successivement ledroit de bourgeoisie romaine, à l'exception des Lucaniens et des Samnites leurs voisins; peuples féroces et courageux, jaloux et ennemis de la grandeur de Rome, et qui soutinrent encore quelque temps la guerre, mais plus par leur animosité que par leur force.

Quoique le sénat eût accordé ce droit de bourgeoisie aux voisins de Rome, il le réduisit presqué à rien par la forme qu'il donna au traité; et au lieu de distribuer cette foule de peuple, dont on faisoit de nouveaux citoyens, dans les trente-cinq tribus anciennes, où ils auroient été maîtres de la plupart des délibérations par leur grand nombre, le sénat eut l'adresse de les ranger, de leur consentement, sous huit tribus nouvelles. Comme elles se trouvèrent par leur institution les dernières à opiner, il étoit inutile de compter leurs suffrages quand les anciennes étoient de concert; et le droit de bourgeoisie, qui avoit coûté tant de sang aux alliés, ne devint presque à leur égard qu'un yain titre sans fonction et sans autorité.

Ils ne furent pas long-temps sans s'apercevoir qu'on, ne les avoit placés tous ensemble dans les huit dernières tribus, que pour rendre leurs suffrages inutiles.

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(a) App. Alex. de bello civili, lib. I, cap. 49. Vell. Paterc. lib. II, cap. 16.

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Cependant le sénat par cette politique se flattoit d'avoir rétabli le calme dans l'Italie, et il songeoit a porter ses armes en Orient, lorsque la jalousie entre les grands fit succéder la guerre civile à la guerre sociale. Marius, âgé de plus de soixante-dix ans, n'avoit pas soutenu dans cette dernière guerre cette haute réputation qu'il avoit acquise dans celle des Teutons et des Cimbres, soit par la pesanteur qu'amènent les années, soit que la fortune ne lui eût pas fourni d'occasions de se signaler: il s'étoit même presque toujours tenu sur la défensive. Sylla au contraire, vif, actif, impétueux, avoit gagné de grandes batailles, pris des villes considérables, an 665 de Rome et il s'étoit distingué dans cette guerre par de si glorieux succès, que le consulat fut la première récompensé de ses services. On lui décerna ensuite le gouvernement de l'Asie Mineure, avec la commission de faire la guerre à Mithridate, le plus puissant prince de l'Orient, grand capi taine, mais injuste, cruel, sanguinaire, comme la plupart des conquérants, et dont l'empire n'étoit presque composé que des états qu'il avoit usurpés sur ses voisins. Ses forces étoient proportionnées à ses desseins et à son ambition. On comptoit dans ses armées jusqu'à deux cent cinquante mille hommes d'infanterie, cinquante mille chevaux, un nombre infini de chariots armés; et ses ports renfermoient plus de quatre cents vaisseaux de guerre. D'habiles généraux étoient à la tête de ces corps différents; mais il en étoit toujours le premier général; et quand il ne les commandoit pas en personne, lui seul en régloit les opérations. Il s'étoit

emparé de la Cappadoce et de la Bithinie, qu'il avoit conquises sur Ariobarzane et sur Nicomède, qui en étoient les souverains et les alliés du peuple romain. La Thrace, la Macédoine, la Grèce, Athènes, la plupart des îles Cyclades, avoient subi le même sort; et le sénat lui ayant fait dire qu'il eût à retirer ses armes de toutes ces provinces, qui étoient sous la protection de la république ce prince (a), pour faire voir qu'il n'en redoutoit ni la puissance ni le ressentiment, fit égorger en un jour marqué cent cinquante mille Romains, la plupart marchands, qui, à la faveur de la paix, , négocioient et s'étoient établis dans l'Orient et dans les principales villes de la Grèce. Il menaçoit Rome même et toute l'Italie de l'effort de ses armes, quand le soin de cette guerre échut à Sylla. Marius, dont l'ambition étoit toujours vive, et qui, comme nous avons vu, aspiroit à ce commandement; regarda cette préférence comme une injustice, Il sembloit que tous les emplois de la république lui appartinssent. Il résolut d'enlever à Sylla celui de faire la guerre à Mithridate. (b) Il mit dans ses intérêts un tribun du peuple appelé P. Sulpitius, grand ennemi de Sylla, homme éloquent, vif, entreprenant, d'ailleurs considéré à Rome par des biens immenses, par un grand nombre de clients, et encore plus craint par le mal qu'il pouvoit faire et par le crédit que lui donnoit sa charge.

Ces deux hommes, unis par la haine commune qu'ils avoient l'un et l'autre contre Sylla et contre le corps de la noblesse, convinrent, avant que de se dé(a) Vell. Patere. lib. II, cap. 18. (6) Idem, ibid.

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