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de ses services, le sénat, à l'instigation de ses ennemis, avoit mis sa tête à prix, qu'on avoit fait mourir ses amis, forcé sa femme et ses enfants de s'enfuir de Rome pour sauver leur vie, démoli sa maison, confisqué ses biens, et cassé les lois qui avoient été promulguées sous son consulat : mais qu'il espéroit se rendre dans peu de temps à Rome, à la tête d'une armée puissante et victorieuse, et qu'alors il se vengeroit hautement des injures particulières et publiques.

Cette lettre et les nouvelles qui venoient tous les jours de l'armée de Sylla, que ce général se disposoit à tourner ses armes contre les deux consuls, leur donnoient beaucoup d'inquiétudes. Marius, accablé d'années, et le corps épuisé par les fatigues de la guerre, craignoit d'être obligé de se remettre en campagne, sur-tout quand il envisageoit qu'il auroit à combattre contre un ennemi puissant, grand capitaine, toujours heureux, encore dans la force de l'âge, vif, actif, diligent, et qui l'avoit déjà chassé une fois de Rome.

Il repassoit dans son esprit ses anciennes disgraces, sa fuite, son exil, les périls qu'il avoit courus tant sur terre que sur mer, et il craignoit de se voir exposé encore à son âge aux mêmes dangers. Ces tristes réflexions ne l'abandonnoient point, et il en perdit même le sommeil. Ce fut pour se le procurer et pour se débarrasser de ces idées funestes qu'il se jeta dans la débauche de la table; il cherchoit à noyer ses inquiétudes dans le vin, et il ne trouvoit de repos que quand il n'avoit plus de raison. Ce nouveau genre de vie et les excès qu'il fit lui causèrent une pleurésie dont il

mourut le dix-septième jour de son septième consulat. Un historien (a) semble insinuer qu'il avança luimême la fin de ses jours, quoiqu'il n'en marque point la manière. Il rapporte seulement que Marius se promenant un soir après souper avec ses amis, les entretint long-temps des principaux évènements de sa vie, et qu'après avoir rapporté tout ce qu'il avoit éprouvé de l'une et l'autre fortune, il avoit ajouté qu'il ne croyoit pas qu'il fût d'un homme de bon sens, à son âge, de se confier davantage à une divinité si inconstante; qu'en finissant ce discours, il embrassa tous ceux qui étoient présents avec un attendrissement qui ne lui étoit pas ordinaire, et qu'ensuite il se mit au lit, où il mourut peu de jours après.

(a) Piso in Plut.

FIN DU DIXIÈME LIVRE.

LIVRE XI.

Après la mort de Marius, C. Marius son fils s'unit étroitement avec Cinna et Valerius Flaccus. Ce dernier ayant été créé consul, passe en Asie à la tête d'une armée contre Mithridate, sous prétexte que la guerre que lui faisoit Sylla étoit sans l'aveu du sénat. Fimbria, lieutenant de Valerius Flaccus, tue son général. Sylla fait la paix avec Mithridate et marche contre Fimbria, qui, abandonné de ses soldats, pe passe son épée au travers du corps. Sylla retourne en Italie où il trouve des forces très supérieures aux siennes commandées par d'habiles officiers, à la téte desquels étoient L. Corn. Scipion et C. Junius Norbanus, les consuls de cette année. La ruse et l'argent le rendent maitre de l'armée de Scipion, et il triomphe de celle de Norbanus par sa valeur. Le jeune Marius est élu consul. Il présente la bataille à Sylla, et la perd. Il s'enferme dans Preneste, où son ennemi l'assiège. Après la défaite de son parti Preneste est enfin obligé d'ouvrir ses pories aux victorieux. Marius tâche de se sauver par des conduits souterrains avec un jeune Samnite qui commandoit les troupes de sa nation dans la place; mais ayant trouvé toutes les issues fermées, ces deux chefs se donnent mutuellement la mort. Sylla, dictateur perpétuel, se défait de ses ennemis par de cruelles proscriptions. Il abdique le pouvoir souverain et

meurt simple particulier. M. Emilius Lepidus, qui pendant la vie de Sylla avoit été attaché au parti de la noblesse, devient le chef de celui du peuple après la mort du dictateur. Ayant eu le gouvernement de la Gaule cisalpine au sortir de son consulat, il y lève une armée avec laquelle il vient camper aux portes de Rome, où il est défait par Catulus. Il se retire en Sardaigne, et y meurt. Pompée est envoyé en Espagne où, après quelques mauvais succès contre Sertorius, il a la gloire de mettre fin à la guerre en faisant couper la tête à Perpenna. Des esclaves commandés par Spartacus remportent plusieurs victoires contre les légions romaines. Ils sont défaits par Crassus, et leur chef est tué. Guerre des pirates terminée par Pompée.

La plupart des habitants de Rome crurent recevoir la vie une seconde fois, en apprenant la mort de Marius. Mais leur joie fut de peu de durée, et ils s'aperçurent bientôt qu'ils n'avoient fait que changer de tyran. Le jeune Marius hérita de sa cruauté comme de son pouvoir, et il célébra les obsèques de son père par la mort de plusieurs sénateurs, qui avoient échappé aux premières fureurs de la proscription. Ce jeune homme s'unit étroitement avec Cinna, et ils associèrent dans leur faction Valerius Flaccus, créature de Marius. Ils le firent même nommer pour lui succéder au consulat : et ce nouveau magistrat, pour gagner les bonnes graces de la multitude, proposa une loi, qui déclaroit les débiteurs quittes de leurs dettes, en payant

à leurs créanciers la quatrième partie du principal. Ils délibérèrent ensuite sur les moyens d'empêcher le retour de Sylla, et ils convinrent pour cela d'envoyer une armée en Asie contre Mithridate, sous prétexte que la guerre que lui faisoit Sylla étoit sans l'aveu de la république, et que l'autorité de ce général, proscrit par arrêt du sénat, n'étoit pas légitime. Cinna fit comprendre à Valerius qu'il étoit de leur intérêt qu'il se chargeât de cette entreprise; et il le flatta que les soldats de leur ennemi, voyant un consul dans la province, passeroient bientôt sous ses enseignes, ou du moins que son armée tiendroit en respect celle de Sylla, et retarderoit sa marche, si en sa présence il entreprenoit de passer en Italie.

Valerius partit de Rome avec deux légions. C'étoit un homme d'un caractère hautain et violent; fier de sa nouvelle dignité; cruel dans ses châtiments à l'égard du simple soldat; odieux aux officiers, qu'il traitoit avec trop de hauteur; et incapable de reconnoissance, parcequ'il attribuoit la complaisance qu'on avoit pour lui à la seule crainte de sa puissance et de son ressentiment. Comme Cinna n'étoit pas persuadé de sa capacité, on lui avoit donné pour conseil et pour lieutenant un sénateur appelé Fimbria, aussi estimé dans les troupes par sa valeur, que Valerius en étoit haï par sa dureté. Ces deux chefs ne furent pas long-temps sans se brouiller : le lieutenant, persuadé de l'incapacité de son général, ne faisoit pas assez d'attention à sa dignité; et le consul, sans égard pour le mérite d'un officier d'aussi grande considération que Fimbria, vou

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