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Cette disposition des esprits commença à éclater sur la fin du consulat de L. Volcatius Tullus, et de M. Emilius Lepidus. On avoit désigné pour leurs successeurs Publ. Autronius et P. Sylla; mais ayant été depuis convaincus d'avoir acheté les suffrages, ils furent exclus de cette dignité, et par une nouvelle élection =an 688 de Rome,= on substitua en leur place Lucius Cotta et L. Torquatus. La honte de cette exclusion et un esprit de vengeance les portèrent à conjurer contre repos de l'état ils résolurent d'assassiner les deux nouveaux consuls, de se défaire de la plus grande partie du sénat, et de s'emparer du gouvernement. Catilina, toujours prêt à entreprendre les plus grands crimes, et avide des nouveautés qui lui pouvoient faire. espérer quelque changement dans sa fortune, entra dans cette conspiration. Ils y engagèrent encore un grand nombre de ces jeunes gens perdus de débauche, dont nous venons de parler, et entre autres Pison, jeune homme d'une maison illustre, mais téméraire, factieux, abîmé de dettes, et qui n'envisageoit de ressource à ses affaires que dans la ruine de l'état.

Leur dessein étoit, comme nous l'avons dit, de tuer les consuls, et de faire périr la plus grande partie des sénateurs. Ils devoient exécuter cet attentat dans le Capitole le premier jour de janvier, auquel les consuls entroient en charge: mais n'ayant pas trouvé la conjoncture favorable, ils en remirent l'exécution au cinquième de février. On devoit voir ce jour-là le plus horrible attentat qui fût arrivé dans la république depuis la fondation de Rome. Une troupe de scélérats

devoient,au signal que leur donneroit Catilina,se jeter sur les consuls et sur les sénateurs, et les poignarder; (a) mais Catilina, impatient de répandre le sang de ses concitoyens, ayant donné ce signal plus tôt qu'il ne falloit, et avant que tous les conjurés eussent occupé les postes qui leur étoient assignés, personne ne branla on remit encore une fois cette cruelle entre

prise. Catilina s'en rendit le chef par son audace, et fortifia son parti d'un grand nombre de sénateurs et de chevaliers, qui tous par différents motifs se joignirent. aux conjurés.

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An 689 de Rome. On comptoit au nombre de scs partisans, de l'ordre des sénateurs, (b) Lentulus Sura, P. Autronius, dont nous venons de parler, Cassius Longinus, Caius Cethegus, les deux fils de Servius Sylla, Lucius Vargunteius, Quintus Annius, Porcius Lecca, Lucius Curius, L. Bestia, Q. Curius; et de l'ordre des chevaliers, M. Fulvius Nobilior, Lucius, Statilius, P. Gabinius Capito, et C. Cornelius. On prétend que Crassus eut quelque connoissance d'une partie de leurs desseins, et que cet homme, toujours jaloux et ennemi de la gloire de Pompée, n'étoit pas fâché qu'il s'élevât dans la république un nouveau parti qui balançât son autorité. Quelques uns même soupçonnèrent César de favoriser secrètement la conjuration; et on a dit que ces deux hommes ambitieux, mais habiles, en attendoient le succès pour se déclarer.

Lentulus, un des chefs de ce parti, étoit fils de Marius Aquillius, qui avoit été consul avec Marius.

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(a) Sallust. in Catilina, cap. 18. - - (b) Idem, cap. 17.

Son fils, dont nous parlons, portoit le nom de Lentulus pour avoir été adopté par un autre Lentulus de l'illustre maison des Cornéliens : c'étoit un homme perdu de débauche, naturellement effronté, et qui faisoit gloire de ses vices. On lui avoit donné le surnom de Sura, c'est-à-dire gras de jambe, parceque le dictateur Sylla lui ayant un jour demandé compte, en plein sénat, des deniers qu'il avoit administrés peu fidèlement pendant qu'il étoit questeur, Lentulus, qui les avoit dissipés dans les débauches, lui répondit qu'il n'avoit point d'autre livre de compte que le gras de sa jambe, qu'il présentoit pour y être frappé; faisant allusion à une manière usitée en ce temps-là entre les enfants qui jouoient à la paume, où celui qui avoit manqué de frapper la balle recevoit un coup sur la jambe.

L'histoire nous a conservé encore un autre trait de son effronterie, qui marque encore mieux sa corruption et son caractère. Il avoit été cité devant les magistrats au sujet de différents crimes dont on l'accusoit : il corrompit les juges à prix d'argent; et le jour du jugement ayant eu une voix plus qu'il n'en falloit pour être absous, il n'eut point de honte de s'écrier tout haut: « Que ce juge devoit lui rendre l'argent qu'il << avoit reçu pour un suffrage inutile. »

Tel étoit P. Lentulus, que la débauche, l'impunité des crimes, et même l'ambition, firent entrer dans cette conjuration. Il s'étoit laissé entêter de je ne sais quelles prédictions qu'on attribuoit aux sibylles, et qui promettoit, disoit-on, l'empire de Rome à trois Cornéliens. Cinna et Sylla, tous deux de cette illustre

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maison, quoique dans des partis opposés, avoient joui successivement de la souveraine puissance; et Lentulus n'étoit pas fâché que ses flatteurs lui fissent l'application de la prophétie de la sibylle, et qu'on le regardât comme le troisième du même nom qui devoit régner à Rome.

Cethegus, du même parti, étoit un homme hardi, audacieux, et redoutable par le crédit qu'il avoit sur l'esprit de la multitude. Il avoit été auparavant tribun du peuple, qu'il gouvernoit à son gré; mais il étoit gouverné lui-même par une courtisane, appelée Præcía, qui pendant son tribunat disposoit souverainement de toutes les affaires de la république.

Outre les sénateurs dont nous venons de parler, il y avoit un grand nombre de chevaliers qui s'étoient engagés dans la même conspiration. Catilina sut encore y attirer des soldats vétérans et d'anciens officiers de Sylla, qui, après avoir consumé dans le jeu et la débauche le prix et la récompense de leurs services, soupiroient après une nouvelle guerre civile, qu'ils regardoient comme l'unique ressource dans leur misère.

Des femmes des premières maisons de Rome, aussi connues par leurs désordres que par leur beauté, entrèrent dans la conjuration par complaisance pour leurs amants; telle étoit la fameuse Sempronia : elle avoit reçu de la nature une naissance illustre, un est prit brillant et agréable, un courage ferme et résolu, et ce que les femmes estiment encore plus que tout cela, une beauté incomparable.

Ces graces naturelles étoient rehaussées par des ap

parences de pudeur qu'elle affectoit quelquefois, selon le caractère des personnes à qui elle vouloit plaire. Mais ses regards, qui sembloient alors échapper à des yeux modestes, étoient toujours conduits par des passions emportées, et elle recherchoit encore plus les hommes qu'elle n'en étoit recherchée. Le désordre de ses mœurs la fit tomber insensiblement dans les plus grands crimes. On la soupçonnoit d'être complice de plusieurs assassinats, et on l'avoit vue nier des dépôts en justice avec plus de hardiesse et de confiance que n'en avoient ceux qui en demandoient la restitution.

D'autres femmes, d'aussi bonne maison et aussi déréglées que Sempronia, mais moins jeunes et moins aimables, prirent part à la conjuration, dans l'espérance de voir abolir des dettes qu'elles avoient contractées dans un âge avancé pour fournir à la dépense de leurs jeunes amants. Catilina les attira dans son parti par le moyen des hommes qui leur plaisoient le plus, dans la vue de s'en servir dans la suite pour gagner leurs maris, ou pour s'en défaire.

Enfin tout ce qu'il y avoit de jeunesse à Rome élevée dans le luxe, et amollie par les délices; ceux qui étoient ruinés, et ne pouvoient plus fournir à leur dépense ordinaire; les ambitieux qui aspiroient aux premières dignités de la république; d'autres qui ne pouvoient se venger par eux-mêmes d'ennemis trop puissants, tous ces gens animés de différentes passions se joignirent et s'attachèrent à Catilina.

Ce chef de parti, pour les engager plus étroitement, promet aux uns de les décharger de toutes leurs

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