Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Paques le

. Avril.

CHAPITRE X.

Campagne de 1537. en Picardie & en

Artois.

1537 AVANT de commencer la campagne de 1537., on voulut donner Mém. de Du au peuple un fpectacle qui pût reBellay, liv.s. doubler fa colère contre l'ennemi

en lui en étalant tous les motifs (1). Le Roi vint tenir fon Lit de Juftice au Parlement. L'Avocat du Roi, Cappel, dont les talens oratoires nous paroiffent médiocres (2), même pour le tems, fit une longue ha

(1) C'étoit une belle occafion d'accufer l'Empéreur de l'empoisonnement du Dauphin, fi on l'en avoit cru coupable.

(2) Quoi qu'en dife Ribier, Lettres & Mémoires d'Etat, Tome 1. à l'année 1537.

Jacques Cappel, Avocat du Roi au Parlement, étoit fils de Denys Cappel, Procureur au Châtelet. Sa mère fe nommoit loland Bailly. Telle avoit été fa fécondité, & celle de fa race, qu'elle avoic vû our pû voir jufqu'à deux cens quatre-vingt-quinze enfans iffus d'elle. Elle avoit eu plufieurs maris,

[ocr errors]

1537.

rangue (qu'on trouva belle alors) dans laquelle il prétendit, que malgré les Traités de Madrid & de Cam bray, par lefquels François I. avoit renoncé à la Suzeraineté de la Flandre, de l'Artois & du Charolois (1), poffédés par Charles-Quint, cette Suzeraineté n'avoit pû ceffer, attendu l'inaliénabilité des droits de la Couronne; que d'ailleurs ces Traités ayant été violés par l'Empereur l'Empereur Sleidan, Com qui avoit commencé la guerre, mentar. 1. 10, étoient cenfés annullés ; que l'Empereur étoit donc vaffal du Roi; que ce vaffal s'étoit rendu coupable de félonie par fa révolte contre fon Suzerain; qu'il avoit encouru la commife; en conféquence Cappel demanda la réunion des trois Comtés à la Couronne. On juge bien que fes

(1) Le Comté de Charolois étoit dans un cas particulier. Par l'article 21. du Traité de Cambray, l'Archiducheffe Marguerite d'Autriche, tante de Charles V.devoit le poffeder en toute Souveraineté, après elle l'Empereur devoit le pofféder auffi en toute Souveraineté, & après fa mort il devoit être réuni à la Couronne de France.

conclufions lui furent adjugées. 1537• L'Empereur, cité à fon de trompe fur la frontière, n'ayant point comparu, la réunion fut ordonnée.

Toutes ces formalités néceffaires fans doute dans le cours ordinaire de la Juftice entre particuliers, femblent prefque ridicules de Souverain à Souverain, c'est peut-être que la Juftice ayant pour objet éternel la vérité, ne devroit jamais dégénérer en jeux & en fictions; c'eft que cette même Juftice devant être affûrée de l'exécution de fes oracles, & tirer fa force, non d'événemens incertains, mais de la nature invariable des chofes, femble ne pouvoir s'éxercer d'égal à égal, mais du fupérieur à l'inférieur ; c'eft que toutes ces petites diftinctions de fuzerain & de vaffal difparoiffent devant la Majefté Royale, qui égale tout entre Souverains; c'eft qu'en dépit de tout droit féodal, on croit fentir qu'un Roi ne peut guéres être Juge d'un Roi fon ennemi & fa partie; c'est qu'il eft d'un dangereux exemple de

paroître juger celui qu'on a bien réfolu de condamner; c'eft qu'enfin 1537. la confifcation de grandes Provinces fur un puissant ennemi ne peut être l'effet d'un Arrêt, mais des fuccès à la guerre, & des Traités de paix.

Il eft vrai que les Rois PhilippeAugufte, Fhilippe-le-Bel, Charles V., ont fait citer ainfi à la Cour des Pairs les Rois d'Angleterre leurs vaffaux, & qu'ils ont confifqué fur eux les Provinces Françoifes par les formalités de la Juftice avant de les conquérir par les armes ; mais c'étoit dans un tems où l'efprit féodal, fi long-tems cher & fatal à la Nation, étoit encore dans fa vigueur, & cet ufage que l'événement feul avoit peut-être empêché d'être ridicule, ne méritoit guères d'être renouvellé, parce qu'encore un coup la première régle en matiére de Jurifdiction, est de ne point porter de Loi, de ne point rendre de Jugement dont l'éxécution ne foit affurée. Le vice radical de ces jugemens entre Souverains, c'eft qu'il faudroit, pour l'hon

neur de la fuzeraineté, qu'ils fuffent 1537⚫ exécutés avant d'être rendus ; il faudroit, pour échapper au ridicule, que le Suzerain commençât par mettre les terres dans fa main, & qu'enfuite il les déclarât réunies. Mais alors où feroit l'équité? Quel droit le Suzerain auroit-il d'envahir ces terres, avant que le vaffal eût été jugé coupable & félon?

Quoi qu'il en foit, le Roi s'occupa férieufement du foin de faire exécuter l'Arrêt qu'il avoit fait rendre (1) contre l'Empereur; il alla commander lui-thême une nombreufe armée du côté de l'Artois, où fut cette année, ainfi qu'en Piémont, le fort de la guerre, & où les Impériaux avoient à leur tête le Comte de Roux, & à la place du Comte de Naffau (2) le Comte de Bure. François I. avoit fous fes ordres le Maréchal de Montmorenci, toujours

(1) Le Roi avoit déjà fait rendre un pareil Arrêt

en 1522.

(2) Le Comte de Naffau mourut le 14. Septembre de l'année fuivante.

« AnteriorContinuar »