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de bonne conduite, avoit fait autrefois la conquête. Langei couroit de 1537 la Picardie dans le Piémont, & du Piémont dans la Picardie, pour tâcher d'appaiser ces divifions, & pour en rendre compte au Roi. Le Roi, par fon confeil, prit le parti de donner le commandement de ses troupes d'Italie à d'Humiéres, & de lui envoyer de Picardie un renfort confidérable..

Un peu avant fon arrivée, & au milieu de la décadence des affaires de la France en Italie, un fimple foldat de l'Armée Françoife, nommé le Tholofan, natif de Coni, étoit parvenu à furprendre Quiers avec d'autres foldats de bonne volonté, dont il s'étoit fait fuivre. Il n'avoit pas même communiqué fon projet au Comte Rangonè, mais il étoit bien fûr d'être avoué en cas de fuccès. Quiers étoit une de ces Places prifes autrefois par les François fous d'Annebaut, reprises depuis par du Guast; celui-ci indigné de fe l'être vû enlever de nouveau, fe prépa

roit à la reprendre, le Comte Ran 1537 gone envoya pour la défendre le Chevalier d'Affal, Ferrarois au fervice de la France, avec un corps de troupes fuffifant, mais perfonne ne contribua tant à faire lever le fiége de cette Place, que le Tholofan qui l'avoit prife; il s'étoit attaché à sa conquête, il fit des efforts extraordinaires pour la conferver. D'Affal, perfuadé que les exploits obfcurs d'un foldat ne font faits que pour fervir à la gloire du Chef, voulut s'arroger celle-ci toute entière. Sa valeur fut confondue. L'honneur d'avoir défendu Quiers eft refté à ce brave foldat, comme celui de l'avoir conquis, & c'eft un de ces exemples fi rares où le mérité tout feul triomphe du rang & des titres, & où la gloire eft difpenfée avec juftice. On ne fait point d'ailleurs fi ce foldat eut d'autre récompenfe.

La prife & la confervation de Quiers furent à peu près les feuls fuc cès qui compenférent les pertes que les François ne cefférent de faire

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22. n. 12.

fous Rangone. Prefque entiérement chaffés du Marquifat de Saluces, ils 1537 ne poffédoient plus de Place importante qui en dépendît, que le Château de Carmagnole. Du Guaft en forma le fiége. Le Marquis de Saluces (François) étoit avec lui. Connoiffant tous les endroits foibles dé la Place, il ne dédaigna pas de faire lui-même les fonctions de Canon- Belcar. liv. nier; mais s'étant trop approché du Château, il fut tué d'un coup de moufquet, & groffit la lifte des traîtres victimes de leur trahifon, Les Impériaux le regrettérent, & ils le devoient. La médiocrité de fes talens avoit du moins été confacrée toute entiére à les fervir. S'il n'eut point les qualités brillantes des Héros, il eut les qualités quelquefois utiles des traîtres, l'adreffe & la fineffe; il contribua aux conquêtes de du Guaft dans le Piémont, dans le Marquifat de Saluces & le Montferrat, par la connoiffance qu'il avoit du pays, & par quelques intelligences qu'il y confervoit.

1537

1. 8.

Il n'y avoit dans le Château de Carmagnole que deux cens fantaffins Mém. de Italiens au fervice de la France; ils Du Bellay, se défendirent avec plus de conftance que leur petit nombre ne fembloit en promettre ; ils fe rendirent enfin. Le Marquis du Guaft loua leur courage & leur talent pour défendre une Place; il admiroit fur-tout la vivacité & la continuité du feu qu'il avoit vû partir d'une certaine fenêtre du Château, qu'il indiquoit, il parut defirer de connoître ceux qui tiroient à cette fenêtre. Un foldat dit qu'il y avoit toujours été, & que pour fa part il avoit tiré bien des coups de moufquet. Malheureux, lui dit du Guaft changeant tout coup de ton & de langage, c'est donc toi qui nous as privés de ce brave Marquis de Saluces! mais il fera vengé. En même-temps il fit pendre ce foldat à cette même fenêtre, d'où étoit parti le coup qui avoit tué Saluces: monument de barbarie envers un foldat fidèle, bien plus que de reconnoiffance envers la mémoire de l'infidèle Saluces.

à

Paradın

c. 105.

L'Auteur de la Chronique de Savoye a dit, & beaucoup d'autres 1537. l'ont répété, que le Marquis du Guaft chron. de Saavoit fait pendre le Commandant du voye, liv. 3. Château de Carmagnole, nommé Stephe de la Balia, & qu'il avoit envoyé toute la garnifon aux galeres. Les du Bellay n'en difent rien, & cela a bien l'air d'une exagération à laquelle aura donné lieu l'indigne traitement fait au foldat trompé par les questions perfides du Marquis du Guaft.

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Par la mort du Marquis de Saluces, & long temps auparavant par fa félonie, fes Etats étoient réunis à la Couronne. François Premier en donna dans la fuite l'inveftiture à Gabriel, Evêque d'Aire, le dernier des quatre (1) fréres de Saluces, qui, fuivant un des abus du temps, avoit été nommé à cet Evêché fans être engagé dans les Ordres, il époufa depuis la fille de d'Annebaut, il mou.

(1) Voir une note placée au commencement du chap. 7. de ce livre.

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