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les faux brillans reprirent bientôt le deffus; qui, pour les bien loüer,font d'élegantes bagatelles, & des fadaifes harmonieufes, nugaque canora. Mais pour ne point perdre M. Perraut de vûë, notre âge ofera-t-il difputer aux Anciens le prix de la Poëfie héroïque ? Nous pourrons comparer chanfonnettes à chanfonnettes. Nous nous parerons de nos madrigaux & de nos fonnets: mais pourrions-nous fans témerité opposer nos Bucoliques, nos poëmes didactiques, & nos poëmes épiques, à ceux de Theocrite, de Virgile, d'Hefiode & d'Homére? Entre lefquels s'il faut établir quelques degrez & quelque fubordination, je donnerai le prix de l'églogue à Théocrite fur Virgile, le prix du poëme didactique à Virgile fur Héfiode, & je laifferai la préférence de l'épopée indécife entre Homére & Virgile. Homére néanmoins retenant pour foi toute la gloire de l'invention, & ne laiffant à Virgile que celle de l'imitation: mais l'un & l'autre regardant les Mo dernes au-deffous de foi dans une diftan... ce infinie. Il me fouvient d'avoir our M. Perraut fe mocquer de la Profodie Grecque & Romaine, & de la diftin

tion des fyllabes longues & bréves: diftinction néanmoins qui n'est point une invention de l'efprit humain, mais de la nature même, & qui a fa caufe dans la conformation de nos organes, & dans le mouvement de nos paffions. C'eft ce que je lui répondis alors, en lui demandant s'il tiroit de nos rimes un argu ment de préférence de la poëfie moder ne au-deffus de l'ancienne de nos rimes,' dis-je, qui font un jeu badin & pues rile en lui-même, & jugé tel par les Anciens, qui l'évitoient foigneufement; groffiérement inventé par les Arabes nation brutale & féroce, & qui n'a de politeffe & de culture que ce qu'elle en a pû puifer dans les ouvrages des Grecs. Ils porterent dans l'Europe l'art de ri mer avec leur barbaric: Que fi ces gé-nies fublimes de. l'antiquité avoient pu prévoir que cette confonance de fyllabes & de mots, occuperoit un jour les plus beaux efprits des nations les plus polies, ils auroient déploré le fort de Fefprit humain, capable de s'abaiffer & de fe plaire à une fi grande niaiferie. Si nous entreprenons maintenant la com paraifon de l'art militaire, rien ne pourra mieux nous en faire juger que la grandeu

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des conquêtes. Pouvons-nous feulement penfer fans étonnement à celles de ces mê mes Arabes, qui ont porté leurs armes depuis le Tigre jufqu'à la Loire ; à celles de Nabuchodonofor, de Sefoftris d'Alexandre, & de Célar ?

- Pour conclure enfin ce long difcours, je regarde ce mépris de l'antiquité, comme une marque de la décadence de notre âge. On peut obferver que les fiécles qui ont commencé à dégénérer, ont été ceux qui fe font fcûlevez contre l'antiquité. Tel fut le fiécle de l'Empereur Ha drien, homme d'un goût dépravé dans les lettres, d'un efprit bouché, & done on ne peut rapporter les fentimens fans indignation, ou fans rifée.

XIII.

Difference effentielle entre les vers & la profe.

Entre les différences, qui diftinguent les vers de la profe, j'en vois une que Fon n'a pas coûtume de remarques affez nettement & en détail, mais feulement en gros & confufément, & qu'on obmet fouvent & prefque toûjours, & qui me paroît pourtant effentielle. C'eft que

Tes vers font affujettis à des régles fort étroites, pour la mefure, pour le nom bre, pour la quantité, ou pour la rime; mais ils font fort libres, pour , pour les penfées, pour les expreffions, & pour les figures. On leur permet une infinité de licences, qu'on appelle poëtiques, & de tours hardis ; & même on les ordonne comme un ornement néceffaire. La profe au contraire a une entiere liberté pour l'arrangement des mots, pour la rencontre des lettres & des fyllabes, & pour la mesure des paroles, & elle n'eft point fervilement affujettie au jugement de l'oreille; mais fes penlées, fes figu "res font foumifes à la régle: & fi fort ftile n'eft pas mefuré, il doit être mo deré & châtié, & porter des marquesde l'ordre & de l'arrangement de l'ef prit d'où elle part.

XIV.

Monde foûterrain.

Il ya a fujet de s'étonner que la vanli té des hommes les ait portez à s'élever au-deffus de la terre avec tant de tra vail, & de dépenfe ; & que leur curio, fité ne leur ait pas fait naître le défig

de creufer la terre pour connoître par leurs yeux ce qu'elle contient dans fes entrailles. Si l'on avoit employé à ce deffein, ce que la tour de Babel, & les pyramides d'Egypte ont coûté, l'on au roit acquis des connoiffances très-utiles, & l'on auroit épargné au Pere Kircher bien des réflexions creufes fur le Monde foûterrain. Nous ne favons point que l'on ait jamais effleuré la terre à la profondeur perpendiculaire d'une demilieuë. Quand on l'auroit fait, ce n'auroit été que l'égratigner. De même que les plus hautes montagnes ne font pas à proportion de cette vafte maffe, ce que les porreaux & les verruës font à proportion de nos corps.

X V.

Sepulture dé Cujas:

Me trouvant à Bourges en l'année 1687. je fus vifité par quelques Docteurs de l'Univerfité. Je les félicitai fur la ré putation que le célébre Cujas avoir acquife à leur compagnie, & je leur fis plufieurs demandes fur fon fujer. J'appris d'eux le lieu de fa fépultures, & je 'y tranfportai-auffi-tôt. Je la trouvai

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