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tion Evangélique, commencée, & achevée parmi les embarras de la Cour.

Je ne dois pas oublier ici le fervice qu'il rendit aux Lettres, en nous procurant cette fuite de Commentaires, qui fe nomment communément les Dauphins. Quoique la premiére idée en fût venue à M. de Montaufier, on eft redevable à M. Huet d'en avoir tracé le plan, & dirigé l'exécution, autant que l'a permis la docilité, ou la capacité des

ouvriers.

Tout occupé depuis fi longtemps, & de compofitions, & de lectures, qui avoient directement la Religion pour objet, il prit enfin, à l'âge de quarante-fix ans, les Ordres facrez. Après quoi il eut l'abbaye d'Aunay, où il fe retiroit tous les étez, lorfqu'il eut quitté la Cour.

Un des ouvrages qu'il y compofa, fous le titre de Quæftiones Alnetane, immortalifera le nom de cette folitude, agréablement située dans le Bocage, qui eft le canton le plus riant de la baffe Normandie.

Il fut nommé à l'Evêché de Soiffons en 1685. Avant que fes Bulles fuffent expediées, M. l'Abbé de Sillery ayant été nommé à l'Evêché d'Avranches, ils permutérent avec l'agrément du Roi. Mais à caufe de quelques brouilleries entre la Cour de France & celle de Rome, ils ne purent être facrez qu'en 1692. Je m'imagine qu'un fi long délai ne chagrina que fort peu M. Huet; car la vie qu'il avoit menée, & la feule qu'il aimoit, ne fympathifoit. pas avec les fonetions épifcopales. Auffi ne fut il pas long temps à s'en dégoû

ter. Il fe démit de fon Evêché d'Avranches en 1699.

Pour le dédommager, le Roi lui donna l'abbaye de Fontenay, qui eft aux portes de Caen. L'amour de M. Huet pour fa patrie, lui inspira de s'y fixer, & dans cette vuë, il appropria les jardins, & la maison de l'Abbé. Sa patrie lui avoit paru très-aimable, tant qu'il n'y avoit eu que des amis. Mais, du moment qu'il y pofféda des terres, les procès l'affaillirent de tous côtez, & le chafférent, quoiqu'il eût auffi, grace à fon air natal, quelque ouverture pour le jargon de la chicane.

Alors il revint à Paris, & fe logea dans la maison Profeffe des Jésuites, où il a vêcu ses vingt derniéres années, pendant lef quelles il s'eft appliqué princi. palement à faire des notes fur

la Vulgate. Il ne regardoit pas feulement la Bible comme la fource de la Religion; mais il croyoit que c'étoit (7) de tous les livres le plus propre à former, & à exercer un Savant. Il avoit lu vingt-quatre fois le texte Hébreu, en le conférant avec les autres textes orientaux. Tous les jours, dit-il, fans un feul d'excepté, il y employa deux ou trois heures, depuis 1681 jufqu'en 1712.

Une cruelle maladie, dont il fut attaqué cette année-là, & qui le tint au lit près de fix mois, lur affoiblit confidérablement, non pas l'efprit, mais le corps, & la mémoire. Cependant, dès qu'il eut un peu recouvré fes forces, il fe mit à écrire fa vie, & il l'écrivit avec toute l'élégan

ce,

mais non pas avec tout l'or

(7) Commentar. P. 354. Huetiana, p. 182.

dre, ni avec toute la précision de fes autres ouvrages, parceque fa mémoire n'étoit plus la même qu'autrefois. Elle alla toujours en diminuant. Ainfi, n'étant plus capable d'un ouvrage fuivi, il ne fit plus que jetter fur le papier des pensées détachées, travail proportionné à son état. Quoiqu'il m'en ait confié fon unique copie, pour la publier fous le titre d'Huatiana,je ne me flate point qu'à ce fujet on me permît de rapporter ici avec quelle plaitance il m'a fouffert, depuis que j'eus l'honneur de le con. noître en 1708. On doute, lorf qu'il s'agit des grands hommes, fi c'eft amour propre, ou reconnoiffance, qui fait que nous parlons de leur amitié; & fouvent, de peur d'être foupçonnez d'une foiblefle, nous renonçons à un devoir.

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