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de vous préfenter, en le faisant paroître fous Vos aufpices; je ferai bien flatté, fi cet effai, quoiqu'informe, peut mériter Votre fuffrage; il me fournit au moins une occafion précieuse de Vous donner un témoignage public de mon parfait dévoûment, & du respect avec lequel je fuis,

MONSIEUR,

Votre très-humble & trèsobéiffant Serviteur

L'Abbé de S***

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DISCOURS

PRÉLIMINAIRE.

'IDIOME propre aux Habitans du Languedoc,

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loin que la langue des différens Peuples de l'Europe
qui dans la décadence de l'Empire d'Occident paf-
ferent fous une domination étrangère; le mauvais La-
tin qu'ils parloient déjà, s'altera de plus en plus ;
& il acheva de fe corrompre, en fe mêlant avec la lan-
gue des nouveaux maîtres qui fuccèderent aux Romains:
ce ne fut plus qu'un jargon informe qui fe reffentoit
de la barbarie de ces tems.

Le Languedocien prit dès-lors une forme, ainfi que
le François, l'Italien & l'Espagnol; il fe divifa peu
à peu en différens dialectes qui fubfiftent encore ; ce
fut la langue de nos Provinces Méridionales; on la
diftinguoit alors, comme aujourdhui, de celle qu'on
parloit au Nord du Royaume; le François & le Lan-
guedocien dont la fortune fut depuis fi différente, al-
loient de pair, & partageoient la France, qui, au rapport
de nos Hiftoriens, fut divifée en Langue d'O ou d'Oc &
en Langue d'Oil ou d'Oui.*

Le premier de ces deux pays ou plûtot fa dénomina-
tion fut reflèrrée depuis dans un plus petit cfpace: la lan-
gue qu'elle défignoit, fut plus particulierement affec-

* Les Auteurs de l'Hiftoire de Languedoc difent que nos Rois
partagerent le Royaume en deux langues, pour diftinguer de leurs
anciens Etats, les Provinces Méridionales nouvellement acquifes ·
ils ajoutent, que le nom de Languedoc fut mis en ufage dans le
treiziéme fiécle, & qu'on comprit fous cette dénomination julu à
Charles VII. prefque la moitié de la France.

tée à nôtre Province; ce fut la langue qu'on parloit & qu'on écrivoit; ce fut celle de la plûpart des actes publics, des régiftres & des cadaftres qu'on n'a cessé d'écrire en Languedocien, que depuis environ deux fiécles.

La langue de la Capitale a gagné depuis bien moins de tems les Provinces les plus reculées; le goût de la Litterature Françoife s'y eft repandu peu à peu ; cependant le Languedocien eft, encore aujourdhui, nonfeulement la langue du Peuple; c'eft auffi celle des honnêtes-gens qui ont été élevés dans cette Province; eft la premiere qui fe préfente, & qu'ils emploient plus volontiers, lorfque, libres des égards qu'on doit à In Supérieur, ou de la gêne que caufe un étranger, ils ont à traiter avec un ami, ou à s'entretenir familierement dans leur domeftique : le François, qu'ils ne trouvent guere de mife que dans le ferieux, devient ainfi pour la plupart une langue étrangere; ils forcent nature lors qu'ils y ont recours; il eft certain au moins que s'ils n'ont eu de bonne heure des modelles à fuivre, des maîtres pour confulter, & que fi avec ces fecours & celui des bons livres, ils ne fe font faits par un long exercice une habitude du François, le tour & l'expreffion leur échapent, la langue du pays perce, on croit parler François, & l'on ne fait que francifer le pur Languedocien.

Les difficultés que nous éprouvons à cet égard viennent en partie de ce que nous penfons en Languedocien avant de nous exprimer en François, cette langue-ci n'eft qu'une traduction de la nôtre, & il eft rare que la traduction ne foit litterale, qu'elle ne sente

Poriginal & qu'on ne falle un alliage informe dus idiomes dont le genie eft très-différent.

Catfaut eft plus ordinaire dans le ftile familier que dans le difcours foutenu; foit que les fécours nécires pour s'exercer dans ce premier genre foient rares, foit que le petit nombre des livres écrits dans ce ftile, ne traitent pas de tout ce qui fait le

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fujet ordinaire des conversations; toujours eft-il certain qu'un homme de lettres de ce pays qui écrira purement en François une Harangue, une Differtation, ou quelqu'autre ouvrage pareil, fera fouvent embarraffé, s'il faut s'entretenir dans cette langue fur une infinité de chofes qui fe paffent journellement fous les yeux; qu'il hélitera dans la converfation, fi elle roule fur le ménage de la ville ou de la campagne; ou bien, pour s'affranchir de la gêne, il finira en Languedocien un recit qu'il avoit commencé en François.

On a fenti depuis long-tems qu'il nous manquoit * un ouvrage dans lequel on levât les principales difficultés qui nous arrêtent quelque difficile & quelque ingrat que fut le travail qu'il demandoit, nous avons ofé l'entreprendre dans ce recueil où nous avons rangé à la fuite alphabetique des mots Languedociens les termes François qui y répondent.

Quelque foin, au refte, que nous ayons apporté pour rendre cet ouvrage fupportable, nous comprenons que ce n'eft encore qu'une ébauche fufceptible de bien des corrections, & fur laquelle il faudra revenir, foit pour l'enrichir de nouveaux articles, foit pour retoucher ceux qui font déja faits.

Le titre qu'il porte, n'annonce point un Dictionnaire complet de tous les termes de cette Province: Pentreprise eut été de trop longue haleine; la langue de nos cantons changeant d'une ville à autre & quelquefois beaucoup plus près, il eut fallu recueillir le jargon des plus petits villages, & fe jetter dans des détails infinis ; ce foin même, comme on le verra plus bas, étoit inutile pour notre objet ; &

Le petit Dictionnaire de Goudelin eft fait dans d'autres vuës; ce n'eft qu'une lifte des terines les plus difficiles des poefies de l'Auteur, rendus le plus fouvent en Gaulois; c'est à le bien prendre un Commentaire du Ramelet mundi, dans lequel Commentaire, on s'eft plutot propofé d'expliquer le langage Touloufain que d'inftruire fur la langue Françoile.

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nous ofons affurer que quoique ce recueil ne contienne guere qu'un choix de termes de deux villes, l'une du bas Languedoc, l'autre des Cevenes, il pourra cependant fervir non-feulement aux habitans de ces cantons entiers; mais encore à ceux du refte du Languedoc & même de quelques Provinces voisines.

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Pour le le perfunder il fuflira d'obferver que nous entendons tous paffablement, fans l'avoir étudié Idiome de ces Provinces & que leurs habitans entendent le nôtre à leur tour; de plus, la divertité de langage de ces différens endroits & de nos cantons ne fe trouve le plus fouvent que dans la terminaifon des mots ou dans la maniere de les prononcer; la plupart des expreflions y font communes, le tour de phrate peu different; il en eft à peu près comme de la langue Greque dans fes différens dialectes; on y trouve toujours le même fonds de langage: c'eft pour cela, fans doute, que les Parifiens donnent à cet égard une partie commune, ou un même nom à tous les habitans des Provinces Méridionales qu'ils appellent Gafcons, comme ceux-ci donnent à leur tour le nom de Franchiman, à ceux des Provinces du Nord du Royaume dont le François eft la langue vulgaire.

Quoiqu'il en foit de cette divifion de la France par rapport à la langue, il eft certain que les Gafcons (pris dans l'étendue qu'on donne vulgairement à ce terme) font tous à peu près les mêmes fautes dans le François, & qu'ils éprouvent le même embarras lorfqu'ils s'énoncent en cette langue, d'où il eft aifé de condurre qu'en ne relevant les fautes de François que d'un ou de deux cantons particuliers, nous aurons embrale celles qui font communes à tous les habitans des Provinces Méridionales ou tout au moins la plus grande partie: c'eft de quoi le Lecteur pourra s'appercevoir en parcourant cet ouvrage dont voici le deffein.

vrage,

Voyez l'article FRANCHIMAN, dans le corps de l'ou

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