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La force d'inertie, quelqu'impropre que foit cette expreffion, CHAP. VI. & quelle que foit la nature de cette force, eft telle que le corps perfévere dans le même état de repos ou de mouvement autant qu'il eft en lui. Si l'attraction étoit effentielle à la matiere, elle feroit contraire à une autre propriété effentielle, à la force d'inertie, ce qui feroit contradictoire: un corps enrepos, fe mettroit de lui-même en mouvement à la présence d'un autre corps, pendant qu'il tendroit à conferver fon pre-. mier état en vertu de la force d'inertie. De plus, une propriété effentielle n'eft fufceptible d'aucun changement, nous l'avons dit pourquoi donc Pattraction s'exerceroit-elle plus fortement au póle qu'à l'équateur? Voyons-nous que les corps aient plus de folidité en Groenland qu'au Pérou ? La force d'inertiefouffre-t-elle aucune variation? Enfin,, on a tenté d'expliquer méchaniquement l'attraction : & fi les explications auxquelles. on a eu recours recours, ne font pas exemptes de difficultés, cela, prouve moins l'infuffifance des forces méchaniques, que les bornes de notre efprit.

ADOPTONS Cependant le terme d'attraction, comme très-. propre à exprimer le fait. Difons que les élémens s'attirent les uns les autres, & que ceux de même efpece s'attirent plus fortement que ceux d'efpeces différentes. Voyons mainte-. nant ce qui doit réfulter de ce principe & de ceux que nous avons pofés au commencement de cet article..

LXXXIII. LES élémens répandus dans toutes les parties de la Nature, y donnent naiffance à trois genres de compofés; aux fluides, aux folides non-organifés, aux folides organifés. Il n'eft pas néceffaire d'indiquer ici les caracteres qui diftinguent ces trois ordres d'êtres corporels. Il ne s'agit actuellement que des Corps organisés.

A parler exactement, les élémens ne forment point les

Idées fur la maniere dont les élé

mens en

trent dans la compofition

des Touts organiques.

CHAP. VI.

VI. Corps organifés; ils ne font que les développer, ce qui s'opére par la nutrition. L'organisation primitive des germes détermine l'arrangement que les atomes nourriciers doivent recevoir pour devenir parties du Tout organique.

Principes fur la mé

chanique de

l'aflimila

tion.

UN folide non-organifé eft un ouvrage de marquet rie ou de pieces de rapport. Un folide organifé est une étoffe formée de l'entrelacement de différens fils. Les fibres élémentaires avec leurs mailles, font la chaîne de l'étoffe; les atomes nourriciers qui s'infinuent dans ces mailles font la trame. Ne pressez pourtant pas trop ces comparaisons.

LXXXIV. POUR approfondir la méchanique de la nutrition, ne remontons pas au germe; il ne nous eft pas affez connu. Prenons le Corps organifé dans fon plein accroiffement.

QUEL eft ici l'effet que la machine doit produire ? Quelles font les puiffances que la Nature met en œuvre ?

Il s'agit de féparer des alimens les particules propres par leur nature, à s'unir au Corps organifé. La figure, la groffeur & les qualités de ces particules varient beaucoup. Le tiffu du Corps organifé renferme des variétés analogues. Quoique toutes fes parties ne foient formées que de fibres différemment entrelacées, toutes ces fibres n'ont pas originairement une égale confiftance; la configuration des pores ou des mailles n'eft pas par-tout la même, toutes ne font pas formées des mêmes élémens.

LES organes de la nutrition, & ceux de la circulation font les principales puiffances que la Nature met ici en jeu. Par l'action de ces puiffances, l'aliment eft converti en un fluide qui, dans les plantes, porte le nom de feve, & dans les animaux, celui de fang. Ce fluide eft très-hétérogene ou très

mêlangé.

mélangé. On peut le regarder comme un amas de tous les CHAP. élémens qui entrent dans la compofition du Tout organique.

VI.

Des fécré

tions en gé

LXXXV. Si nous fuivons le cours de ce fluide, nous obferverons que la Nature le fait paffer par des vaiffeaux, dont le neral. diametre diminue graduellement, & qui fe divifent & fe fubdivifent fans ceffe. Nous obferverons encore, que dans les animaux, plufieurs de ces vaiffeaux forment çà & là (1), par leurs plis & leurs replis, & par leurs divers entrelacemens, des maffes plus ou moins confidérables, dans lefquelles paroît une liqueur, qui ne reffemble point à celle que les vaiffeaux fanguins y ont apportée, & qui differe auffi de celle que d'autres vaiffeaux fanguins rapportent de ces mêmes maffes aux principaux troncs des veines.

De ces obfervations générales découle la théorie des fécrétions, l'une des plus belles parties de l'économie organique. Il paroît que les organes des fécrétions font des efpeces de filtres, dont les diametres ont été proportionnés à ceux des molécules qu'ils doivent extraire. Ainfi pendant que le fang parcourt rapidement les plus grands vaisseaux, il dépofe dans les plus petits les particules qui leur font relatives.

MAIS quelque ingénieufe & quelque vraisemblable que foit cette idée, nous nous tromperions peut-être, dans certains cas, fi nous l'admettions exclufivement à toute autre. Nous fuppoferons donc encore, que plufieurs organes fécrétoires ont été imprégnés, dès le commencement, d'une liqueur femblable ou analogue à celle qu'ils doivent féparer; en forte qu'il en eft de ces organes, comme de ces bandes de drap ou de toile, qu'on plonge dans un vafe plein de différentes

(1) De la maniere dont fe font les fécrétions dans les glandes, par M..

Tome III.

WINSLOW. Mémoires de l'Académie de
Paris, an. 1711. pag. 245 .&c.

CHAP. VI. liqueurs, & qui ne tirent que celles dont elles ont été auparavant imbibées (1).

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ENFIN, le ralentiffement du mouvement des liqueurs dans les plus petits vaiffeaux; les coudes & les circuits de ces vaiffcaux; l'efpece d'attraction qu'il peut y avoir entre les parois des tuyaux & les liqueurs qui y circulent, peuvent devenir autant de fources de fécrétions.

LXXXVI. MAIS comment les corpufcules nourriciers s'uniffent-ils aux parties qu'ils doivent nourrir? C'est ce que nous n'avons point expliqué, lorfque nous avons pofé les premiers principes de la théorie de l'accroiffement.

SE repréfentera-t-on la liqueur nourriciere circulant dans les petits vaiffeaux, fous l'image d'un ruiffeau, qui dépofe fur fes bords les différentes matieres dont il eft chargé?

On pourroit fe contenter de cette comparaifon, s'il ne s'agifloit que d'un fimple dépót; mais il y a ici beaucoup plus. Les atomes nourriciers ne s'appliquent pas fimplement à la furface des parties; ils en pénétrent le tiffu & l'étendent en tout fens.

Le mouvement de fole, quelque fort qu'on le fuppofe dans les grands vaiffeaux, ne fauroit être que très-foible dans les dernieres ramifications, foit à caufe de leur éloignement du principe de la circulation; foit à caufe de l'extrême fineffe de leurs membranes.

Nous fommes donc conduits à chercher ailleurs une caufe

(1) + M. de HALLER a prouvé la faulleté de cette opinion comme je l'ai dit ailleurs. Il étoit remonté plus haut

dans cette matiere ténébreuse que ne l'avoient fait les Phyfiologiftes qui l'avoient précédé.

plus efficace de l'effet dont nous parlons. Cette caufe feroit- CHAP. Vi. elle une force analogue à celle qui éleve les liqueurs dans les tubes capillaires, ou qui fait qu'une corde mouillée peut élever un grand poids en fe raccourciffant? Cette conjecture me paroît une des plus naturelles qu'on puiffe former fur ce fujet.

AINSI toutes les parties du Corps organifé font nourries par une espece d'imbibition d'imbibition, comme je l'ai déja infinué cideffus.

LXXXVII. Dɛ la nutrition réfultent deux effets princi- Deux réfultats principaux ; l'entretien des parties, & leur accroiffement en tout fens. paux de la nutrition.

L'ACTION Continuelle des liqueurs fur les vaiffeaux dans lefquels elles circulent; le frottement des parties folides les unes contre les autres; les mouvemens mufculaires; le plus ou le moins de chaleur du Corps organifé, occafionent dans toutes les parties une déperdition de fubftance, qui, fi elle n'étoit fans ceffe réparée, en entraîneroit la deftruction. C'eft à quoi la nutrition remédie: elle remplace les corpufcules qui fe diflipent, par d'autres corpufcules qui leur font analogues.

LXXXVIII. LA force qui chaffe dans les mailles des fibres, les atomes nourriciers, produit l'extenfion de ces fibres en tout fens. La durée & le degré de cette extenfion font relatifs à la nature des élémens dont les fibres font compofées. Le plus ou le moins de facilité de ces élémens à gliffer les uns fur les autres, ou pour m'exprimer en d'autres termes, leur ductilité plus ou moins parfaite, rend l'accroiffement plus ou moins prompt, ou plus ou moins confidérable. Les fibres élémentaires de certains Corps organifés, auront fi l'on veut, une ductilité analogue à celle de l'or: d'autres Corps organifés auront des fibres, dont la ductilité répondra à celle de l'argent:

De la dif pofition ori

ginelle des fibres à s'é

tendre en

tout fens.

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