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uné régularité conftante. Comparer un Sel, ou un Cristal à une Plante, c'eft comparer une Pyramide à une Machine Hydraulique. Il y a bien loin encore du Corps brut le plus parfait à la Plante la moins élevée dans l'Echelle De nouvelles Obfervations viendront peut-être un jour remplir ce vuide.

Si les prétendues Plantes marines, qu'on avoit nommées pierreuses, étoient en effet des Plantes, la chaîne paroîtroit prefqu'auffi continue du Minéral au Végétal, qu'elle l'est du Végétal à l'Animal: mais, on a vu ci-deffus, art. 188. ce qu'on doit penfer de ces Productions marines. Cependant quand il y auroit des Plantes vrayement pierreuses, fi ces Plantes ne différoient des autres que par la nature de leurs fucs, cette différence feroit bien légère en comparaifon de celle que l'Organisation met entre le Végétal & le Minéral. Celui-ci eft-il contenu originairement dans un Germe? Regardera-t-on les petites Pyramides des Sels & des Criftaux comme autant de Germes? Ce feroit s'écarter beaucoup de l'idée qu'on attache au mot de Germe & que j'ai tâché à bien définir dans cet Ouvrage. On feroit presqu'aufli fondé à dire, que la Nature paffe du Minéral à l'Animal; parce qu'on a découvert un Coquillage dont tout le Corps eft compofé extérieurement & intérieurement de petits Criftaux (a).

(a) SWAMMERDAM a décrit ce Coquillage fingulier dans fa magnifique Bib. de la Nat. Concha, vivipara, mirabilis.

RIEN ne prouve mieux ce que peut la prévention en faveur d'un fyftème, que la perfuafion où étoit TOURNEFORT que les Pierres végétoient. On fçait ce qui en avoit impofé à cet habile Homme, & avant lui à THEOPHRAS ΤΕ à PEIRESC, & depuis à d'autres (a). Aujourd'hui les Pierres ne végètent plus, & l'Art les imite que dis-je! il égale en ce point la Nature. Un Phyficien eft parvenu par une voye très fimple à faire des Cailloux artificiels femblables en tout aux Cailloux naturels (b).

CONCLUONS que nous ignorons encore par quels dégrés la Nature s'élève du Minéral au Végétal, & quel eft le lien qui unit l'accroiffement par appofition à celui par intufufception. Le Minéral ne travaille pas les fucs dont il est formé le Végétal s'affimile ceux dont il est nourri. Mais, ne prononçons pas qu'il y a ici un faut, une lacune: la lacune n'eft que dans nos connoiffances actuelles.

211. Obfervations fur l'opinion de Mr. de MAUPERTUIS touchant la prétendue réalité des interruptions dans l'Echelle des Etres naturels.

Réflexions fur les progrès de l'Esprit humain dans les recherches phyfiques.

FEU Mr. DE MAUPERTUIS a pensé différem

(a) Voyage au Levant. Hift. de l'Acad. 1708. Obf. curieufes fur la Phyf. Tom. 1. page 419. & fuivantes 1730.

(b) M. BAZIN; Hift. de l'Acad. 1739. pag. 1. & 2.

ment. Il a imaginé que l'approche d'une Comête avoit détruit une partie des Efpèces, & que de là refultoient les interruptions que nous remarquons dans l'Echelle (a): mais avant que de chercher une caufe à ces interruptions, il falloit s'être affuré de leur réalité. Tandis que le Polype étoit encore ignoré, un chaînon fembloit manquer à la chaîne. LEIBNITZ ofa prédire qu'on découvriroit ce chaînon, & il n'imagina point qu'une Comête l'avoit détruit. Que penferoit-on d'un Phyficien qui ne faifant que d'entrer dans un riche Cabinet d'Hiftoire Naturelle fe prefferoit de prononcer que les fuites n'en font pas complettes? Combien d'Espèces ou de chaînons dont nous ne foupçonnons point l'existence, & que d'heureux hazards, ou de nouvelles recherches pourront nous découvrir! Voyez les progrès de la Physique & de T'Hiftoire Naturelle depuis la renaiffance des Lettres combien de vérités inconnuës aux Anciens, & de conféquences fures à déduire de ces vérités! On ne fçauroit dire quelles font les bornes de l'Intelligence humaine en matière d'Expérience & d'Obfervation; parce qu'on ne fçauroit dire ce que l'Efprit d'Invention peut ou ne peut pas. L'Antiquité pouvoit-elle deviner l'Anneau de Saturne, les merveilles de l'Electricité, celles de la Lumière, les Animalcules des Infufions, &c.? L'invention de quelques

(a) Effai de Cosmologie; Leide, chez Elie Luzac, 1751. page 54. & fuivantes.

ques Inftruments nous a valu toutes ces vérités: & ne pourra - t- on pas un jour les perfectionner ces inftruments, & en inventer de nouveaux, qui porteront nos connoiffances fort audelà du terme où nous les voyons aujourdhui ? L'Hiftoire Naturelle eft encore dans l'enfance: quand elle aura atteint l'âge de perfection, je veux dire, quand on aura la nomenclature exacte de toutes les Efpèces que nôtre Globe renferme, alors, & feulement alors, on pourra dire fi l'Echelle des Etres naturels eft réellement interrompue. En attendant, au-lieu de fuppofer qu'une Comète a frappé la chaîne de notre Monde, l'on préférera fans doute de penfer que fi elle a frappé quelque chofe, c'est au plus le Cerveau trop mobile de l'Auteur. Ce Globe où il ne voit qu'un amas de ruïnes, eft pour les vrais Architectes un Edifice très régulier & dont toutes les Parties font étroitement liées par des rapports qu'on aperçoit, dès qu'on n'a aucun intérêt à ne les pas voir. La plupart des Etres ne paroillent à Mr. DE MAUPERTUIS que comme des Monftres (a): il ne trouve qu'obscurité dans nos connoiffances: la Terre lui pa roit un Edifice frappé de la foudre. Je ne fuis point fupris qu'un Homme qui voyoit tant de monftruofités dans les détails, ait combattu les Fins, & leur ait fubftitué la Loi de la Mirimité (b). Je fuis très éloigné de chercher à in

(a) Ibid. page 57

b) Ibid. Avant - Propos, page 12, 13. & fuivantes.

firmer la preuve que cette Loi fi chère à l'Auteur, lui fournit en faveur de l'Existence de DIEU; mais je crois que le Sens commun avouera toûjours que l'Oeil a été fait pour voir, & je ne pense pas que cette preuve le cède en évidence à celle qu'on peut tirer de la confidération d'une Loi de la Nature.

212. Lumières que les Polypes peuvent répandre fur divers points de Phyfiologie.

NON feulement la Dévouverte des Polypes conduit à admettre une Gradation dans les Productions naturelles; elle peut encore contribuer à l'éclairciffement de plufieurs points intéresfants de Phyfiologie. De grands Anatomistes qui ont médité les Polypes, un ALBINUS, un HALLER favent tout ce que peut fournir cette Branche féconde de l'Anatomie comparée. I fe paffe mille chofes dans le Corps humain fur lefquelles la réproduction des Polypes répand du jour. Les Fibres élémentaires femblables en quelque forte à ces Infectes, fe réproduisent auffi dans les Playes de tout genre, & leur réproduction devient plus facile à faifir, lors qu'on la compare à celle des Polypes, & des autres Infectes qui peuvent être greffés, & multipliés de Bouture. Les Expériences qu'on tente fur ces Animaux, peuvent encore servir à éclaircir les grandes queftions que nous offrent la Senfibilité & l'Irritabilité (a). Enfin, je

(a) Voyez l'Ouvrage de Mr. DE HALLER qui a pour titre, Memoires fur les Parties fenfibles & irritables du Corps animal.

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